Artiste européen·ne de la semaine

Songø (RENNES) - Artiste européen·ne de la semaine

Songø (RENNES) - Artiste européen·ne de la semaine

Cette semaine, nous partons à la rencontre de l'afropop de Songø.

  

Chapitre 1. Une histoire d'afro-pop

L'afro-pop, également appelé afrofusion, n'est pas un style à proprement parlé ou en genre musical spécifique, c'est plutôt un terme général qui désigne cette rencontre entre les pop music occidentales et les sonorités africaines. De la funk au jazz, en passant par la house et le hip hop, ces styles sont revisités et mêlés à des musiques traditionnelles ou populaires d'Afrique, comme le coupé-décalé des années 2000 en Côte d'Ivoire et le soukouss des années 60 au Congo, ou encore la rumba, l'afrobeat et tant d'autre. Et parmi l'ensemble des musiques afro-pop, certaines se distinguent. En ce moment par exemple, nous entendons souvent parler de l'« afrobeats » (à ne pas confondre avec l'afrobeat sans S), l'« afro-trap », l'« afro house » ou encore l'« afro-techno », qui sont des sous-genres de cette afro-pop. Ce procédé, nous pouvons le remarquer aussi des des styles plus lointains, comme le higlife, apparu dans les années 1900 au Ghana, un mélange de musiques d'église, de fanfares militaires, de jazz, de calypso et de rythmes traditionnels. Plus tard, il évolue vers un nouveau genre musical : l'hiplife. Né dans les années 80, il s'inspire du highlife, du hip hop, du funk et du dancehall. Donc cette rencontre entre la pop occidentale et la pop africaine n'est pas nouvelle. Mais en ce moment nous remarquons un véritable engouement pour ce genre. L'afro-pop fait aujourd'hui partie intégrante du paysage musical urbain international et contemporain. Nous pouvons par exemple citer le sound system japonais Mighty Crown, l'afro-trap du rappeur français MHD, l'afro house du berlinois Hyenah, et l'afrobeats du nigérian Rema. Et voici Tsibiri, de Songø, très représentatif de cette scène afro-pop :

  

  

Chapitre 2. Coup de foudre en Afrique australe

Songø émerge en 2018 à Rennes, et réunit 4 musiciens et musiciennes d'horizons très différents. La chanteuse Sisanda Myataza originaire d'Afrique du Sud, le batteur Petit Piment originaire du Burkina Faso, et les bretons Yoann Minkoff à la guitare et aux choeurs, et Mael Loeiz Danion au clavier et aux effets. Mais c'est en 2012 que le groupe trouve ses origines, par la rencontre de Yoann avec Sisandra en Afrique du Sud, lorsqu'il était venu en tournée puis pour les vacances. Coup de foudre musical entre les deux, ils souhaitent se revoir. Il la présente alors à Mael, avec qui la connexion se fait très vite, puis avec Petit Piment, multi-instrumentiste, chanteur et compositeur. Sisandra habite à Bristol, au Royaume-Uni, et le reste du groupe à Rennes en Bretagne. Donc Songø travaille à distance, via Whatsapp ou IRL, lorsqu'ils et elle arrivent à aligner leur emploi du temps. Chacun est actif dans l'écriture et la composition, ainsi les morceaux présentent une variété sonore, et des textes en quatre langues : en mooré, du Burkina Faso, en xhosa, d'Afrique du Sud, en français et en anglais. En 2014, Sisandra rejoint le reste du crew à Rennes, et c'est l'occasion pour eux de faire une première tournée acoustique dans les environs. Le groupe raconte, pour le webmagazine Generalpop : « Quand Sisandra vient à Rennes c’est très intense, car on se voit pas si souvent. C’est toujours très productif, et on est amis, on se respecte beaucoup. On a aussi un groupe Whatsapp très actif, où on est du genre à se dire “bonne nuit” et puis rappeler tout le monde une demi-heure plus tard pour bosser sur un nouveau morceau ». Mais c'est en 2019 que le groupe va décoller, pour les Transmusicales de Rennes. Ce festival international de musiques actuelles rassemble des groupes des quatre coins du monde, et est connu pour lancer les artistes indépendants. Voici Head in the Cloud de Songø en live aux Transmusicales en 2019 :

  

  

Chapitre 3. Quatre artistes et autant de langues

Avec Songø, notre oreille voyage. Le groupe rennais rassemble Sisanda Myataza d'Afrique du Sud et désormais basée à Bristol au Royaume Uni, les bretons Yoann Minkoff et Mael Loeiz Danion, ainsi que Petit Piment du Burkina Faso et aujourd'hui installé à Rennes. Ainsi le nom du groupe, « songø », trouve résonance dans plusieurs langues. Tout d'abord cela signifie « songe » en espéranto, langue construite internationale qui émerge au XIXe siècle. Songø veut aussi dire « tout ce qui fait du bien », ou « bonheur » en mooré – langue du Burkina Faso. En xhosa, d'Afrique du Sud, c'est le diminutif de « songolo », signifiant « mille-pattes ». Et nous retrouvons également en anglais dans « song ». Le nom du groupe est à l'image du projet, façonné sur le métissage et la diversité. Un mot, des sens différents, tout comme ce quatuor aux origines multiples. « Ce que je trouve le plus intéressant dans cette aventure, c’est de penser en plusieurs langues, de travailler dans plusieurs pays. » raconte Sisandra. Ce groupe polyglotte et multiculturel est aussi une fusion d'influences musicales différentes. Sisandra Myataza débute le chant dans le gospel dès son plus jeune âge. Plus tard, elle tombe amoureuse du jazz et de la soul, et s'inspire des chanteuses comme Sarah Vaughan, Erykah Badu et Sade Adu. Et puis il y a le batteur et multi-instrumentiste Petit Piment, originaire du Burkina Faso, qui vient de la musique traditionnelle mandingue, d'Afrique de l'ouest. Enfin il y a les deux bretons Mael et Yoann, qui sont tous deux également musiciens dans City Kay, un groupe de reggae rennais. Bref, Songø est à la croisée des genres. Voici ce que Mael raconte, dans le webmagazine Generalpop : « L’idée c’était de faire un groupe avec des personnes qui sont très différentes au niveau musical. Avec des univers très différents pour essayer de casser nos habitudes. ». Songø amène aussi chaque artiste à sortir de sa zone de confort. Leur musique raconte cette diversité et ces racines plurielles qui façonnent ce projet artistique. 

  

  

Chapitre 4. Jazz, électro, funk, soul... Une musique aux multiples inspirations

La musique de Songø est un peu comme un réseau fluvial : les influences venant de styles musicaux très variés s'entremêlent et se rejoignent, pour proposer un groove final métissé et très dansant. C'est une afro-pop teintée de jazz, de soul, de funk, d'électro, de reggae et de folk. Et à cela s'ajoutent des sonorités traditionnelles d'Afrique, apportées par la chanteuse Sisanda et par le batteur Petit Piment. Cette pluralité révèle une pop polyglotte parsemée de transe et de psychédélisme. Car Songø est un groupe d'afro-pop qui, selon Mael – aux claviers et aux effets - « se donne la liberté de partir dans des contrées psychédéliques ». Dans leurs titres, les ambiances et les inspirations varient, pour nous emmener dans des univers toujours différents.Par exemple, avec Head in the Clouds nous remarquons une forte inspiration du psychédélisme des seventies.

  

  

Avec Guide, le groupe puise dans une folk-soul très aérienne, et se différencie des autres morceaux qui sont beaucoup plus dansants et énergiques :

  

  

Avec Rise Up etSandami, Songo met en avant son africanisme, que ce soit avec les langues utilisées, qui sont le xhosa d'Afrique du sud et le mooré du Burkina Faso, ou bien avec les sonorités, comme on peut l'entendre avec l'intro de Sandami, au son d'une kora mandingue :

  

    

Songø, c'est aussi l'électro, qui accompagne chaque morceaux. Puis le hip hop et le reggae, que nous entendons plus particulièrement dans Rise Up et Tsibiri, avec la voix qui oscille entre le chant et le rap, et le groove du reggae. Songø aime naviguer entre les styles et jouer avec les musicalités pour proposer une afro-pop riche et originale. Et d'ailleurs, pour son prochain album qui sort prochainement, le groupe rennais a annoncé une fusion de soul-pop-trans, pour nous faire voyager au son de l'ama-piano, un style hybride de house et de jazz venu d'Afrique du Sud.

  

Chapitre 5. Une plume sensible et engagée

Les rythmes dansants et les mélodies joyeuses de Songø accompagnent des thématiques allant de la poésie romantique à l'engagement et la révolte, comme l'atteste l'EP 4 paru en 2020. Il y a par exemple le très poétique Head in the Clouds et la chanson d'amour Guide. Et puis il y a Lila, qui sur un air nostalgique, nous chante en xhosa la tristesse et les larmes que l'on verse pour quelqu'un :

  

    

Songo nous présente aussi des morceaux engagés, comme Sandami, chanté en français et en mooré, langue du Burkina Faso d'où est originaire le batteur. Il y a aussi Rise Up, chanté en anglais et en xhosa, parlée en Afrique du sud d'où est originaire la chanteuse. Rise Up encourage à se soulever, à avancer et à lutter : « Sois une épine dans leur chaussure, courageux et vrai, fais-toi plaisir ! / Sois une fissure dans leurs jolis cadres […] Allez, rassemblez les troupes. ».

  

  

Et enfin, en septembre dernier est sorti le single Tsibiri, très énergique, chanté et presque rappé d’ailleurs, avec un mélange d'anglais et de xhosa, dans lequel l'amour et le haine se déchaînent.

  

  

Une émission proposée par Mari le Diraison.