Artiste européen·ne de la semaine

Moonlight Benjamin (TOULOUSE) - Artiste européen.ne de la semaine

Nött Moonlight Benjamin (TOULOUSE) - Artiste européen.ne de la semaine
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Cette semaine nous nous intéressons à Moonlight Benjamin. 

  

Chapitre 1. Un clair de lune haïtien

L'histoire débute en 1971, à la naissance de Moonlight Benjamin dans un endroit un peu perdu d'Haïti : un lieu-dit appelé Chinchiron, dans l'ouest de l'île. Sa mère meurt des suites de l'accouchement, et elle est placée dans un orphelinat à Arcahaie. Là-bas elle est adoptée par le directeur de cet établissement, un pasteur protestant, qui lui donne son nom : Moonlight, en français « clair de lune », pour signifier celle qui prêche, celle qui éclaire. Elle est élevée dans une éducation stricte, et entourée de musique. Elle raconte, pour la radio RFI musique : « Que ce soit à la maison où nous chantions tout le temps ou au temple, la musique a toujours été très présente dans mon enfance. À Haïti, qui plus est, la musique est partout et de tous les instants, car elle est la vie ».
 Après des années dans cet orphelinat protestant, la pratique du chant d'église ne lui suffisant plus elle souhaite aller à la rencontre de sa culture originelle, les musiques haïtiennes. Puis en 2002 -  à ses 31 ans - elle déménage à Toulouse pour des études de musique. Et elle présente son premier album solo en 2011, Mouvman, qui nous emmène à la rencontre du répertoire haïtien, en puisant dans des sonorités traditionnelles du Togo, du Bénin et d'Haïti, la culture vaudou servant de fil conducteur. En créole ou en français, et au carrefour de la world music, du jazz et de la chanson, Moonlight Benjamin chante l'identité, l'exil, les souffrances de la domination et les espoirs de son île.

  

  

Chapitre 2. Les chemins du vaudou

Moonlight Benjamin est une chanteuse et prêtresse vaudou, parfois surnommée par les médias « Vaudou Queen ». Elle nous propose une musique qui mêle l'énergie du blues - rock des années 70 avec la transcendance vaudou. Elle découvre cette culture et les traditions musicales qui l’accompagne lorsqu'elle quitte le cocon familial et l'orphelinat, où elle a été élevée dans un protestantisme strict. Elle raconte, pour la radio RFI musique : « Le vaudou, c’est une philosophie de vie, une manière de vivre qui, dans mon cas, m’ancre sur cette terre et me connecte à la source, en honorant tout ce que l’univers met à notre disposition : les humains, les animaux, les éléments… J’ai fait cette initiation pour être en cohérence avec moi-même et avec cette philosophie de vie, pour l’intégrer dans mon quotidien ».
Le vaudou fait partie de chacun de ses projets artistiques. De son premier album, Mouvman en 2011, à des projets plus récents, comme son groupe de jazz vaudou, un trio voix – piano – saxophone, ou bien son blues rock haïtien dont elle a présenté un album récemment, Wayo

  

  

Chapitre 3. Une voix qui voyage à travers les styles

  

Moonlight Benjamin débute la musique avec le chant religieux, appris à l'orphelinat où elle a été élevée. Plus tard elle renoue avec ses origines, et explore ses racines haïtiennes dont la culture vaudou à travers la musique. En 2002 elle part s'installer en France, à Toulouse plus exactement, pour des études de musique. Et quelques années plus tard elle se fait connaître avec le groupe Dyaoulé Pemba, qui a pour but de partager les rythmes et les mélodies traditionnelles de Haïti. Créé dans le sud ouest de la France, le groupe trouve une une forme de notoriété à partir de 2008 en étant la découverte du Printemps de Bourges. Deux ans après, en 2010, Dyaoulé Pemba présente un album – qui sera le seul – Moonlight chante Haïti.

   

  

En 2011 Moonlight Benjamin présente son premier album solo, Mouvman. Dans les années qui suivent elle travaillera avec plusieurs artistes, notamment le saxophoniste de jazz Jacques Schwarz-Bart qui l’intégrera à deux de ses projets : le trio Jazz Racines Haïti et la formation Creole Spirit, une rencontre musicale du vaudou haïtien et de son équivalent cubain la santeria cubaine.  Puis le dernier projet de Moonlight Benjamin émerge de sarencontre avec le guitariste Matthis Pascaud, qui va lui donner une nouvelle direction musicale en apportant le rock et le blues à ses chansons créoles et aux mélodies et rythmes vaudous.

  

   

Chapitre 4. Du blues rock haïtien

Le dernier projet de Moonlight Benjamin naît de sa rencontre avec le guitariste Matthis Pascaud, qui ajoute le son et l'énergie du blues et du rock old school aux chansons créoles et aux mélodies et rythmes vaudous de Moonlight Benjamin. De ce projet va naître 3 albums. Siltane, son premier album paru en 2018, critique la prédation des classes dirigeantes corrompues et des gangs violents qui habitent Haïti. Une colère renforcée et partagée par le son saturé des guitares qui accompagne les textes. Le titre Doux Pays par exemple, raconte la souffrance de son peuple et ses espoirs.

  

  

Dans le deuxième album, Somido, paru en 2020, Moonlight Benjamin continue de chanter la révolte et l'espoir du peuple haïtien, tout en s'éloignant un peu du rock pour accentuer son influence blues.

  

  

Avec ce nouveau projet, où la fureur du son du blues rock rencontre la voix créole et les traditions haïtiennes, la chanteuse décolle. Elle est désignée par le journal The Guardian comme étant la « Patti Smith haïtienne », et puis elle est playlistée par Iggy pop en personne sur la BBC. Avec la même formation, Moonlight a présenté un nouvel album en février dernier : Wayo.

  

Chapitre 5. Wayo, un cri de douleur

    

    

Wayo, le titre qui ouvre l'album du même nom paru en février dernier. Moonlight Benjamin raconte, sur RFI musique, que cet album est un cri de douleur, un appel à l’aide « pour se débarrasser de tout ce qui nous paralyse, nous empêche d’être nous-mêmes ». Comparé à ses deux albums précédents, c'est toujours un mélange de blues rock et de musique haïtienne, avec une voix puissante et révoltée et des guitares saturées style seventies. Nous remarquons toutefois une atmosphère plus sombre que les précédents albums, qui s'oriente un peu vers le punk comme avec les chansons Haut là Haut et Taye Banda, ou vers le slow blues comme avec la chanson Ouvè lespritet Freedom Fire. Mais les thématiques abordées sont globalement les mêmes.Pour revenir à la chanson Wayo, dans celle-ci la chanteuse évoque une personne perdue demandant à être libérée de toutes les pensées qui empêchent d’avancer. La chanson Freedom Fireévoque les appels à la résurrection des Caraïbes et des pays colonisés en général. Le morceau est un appel au rassemblement universel pour la paix. Taye Band appelle à cultiver la pensée positive. Et en guise de conclusion poignante, Pwenn Fè raconte le désespoir et l'impuissance du peuple haïtien.

   

   

Une émission proposée par Mari le Diraison.