Cette semaine, nous nous intéressons au duo nantais French Cowboy And The One !
Chapitre 1 : Lapins malins
Commençons aujourd’hui par le commencement - car l’histoire du groupe s’étend sur 35 ans et représente un petit pan de l’histoire du rock français. Avant de porter des chapeaux en duo, les copains étaient quatre et cherchaient à la fin des années 1980.. Des petits Lapins.
The Little Rabbits, c’est d’abord une histoire de copains : Federico Pellegrini, Stéphane Louvain, Gaëtan Châtaignier, Eric Pifeteau et Olivier Champain.
Ils vivent tous les cinq dans une de ces communes connues uniquement de ses voisins : la Gaubretière, quelque part entre La Roche sur Yon et Cholet. 3 000 habitants, des champs, une église et.. pas beaucoup de musique.
Pour leurs oreilles adolescentes punks curieuses, l’impression d’être nées au mauvais endroit. Unis par l’ennui et l’envie d’ailleurs, les 4 amis, qui disent je cite “ on se connaît comme nos poches”, décident de produire ce qui leur manque : ils apprennent ensemble à faire de la musique. Federico prend la guitare et le micro, Stéphane la guitare, Gaëtan la basse, Eric Pifeteau la batterie et Olivier les claviers : c’est le début de The Little Rabbits.
L’été 1989; l’été de leur première tournée dans les cafés et bars vendéens. A ce moment-là, le groupe sort une cassette : Waiting for a neverending train.
Le premier album sort en 1991, Dans les Faux Puits rouges et gris, avec le label single KO.
La même année, en 1991, ils franchissent une frontière : celle de la Bretagne ! Les petits lapins sont appelés pour faire la première partie de Nirvana -alors en pleine explosion- aux transmusicales de Rennes.
La légende raconte que leurs prestations scéniques valaient le détour ; quelques traces sur youtube perdurent encore.
Federico écrit des paroles plutôt loufoques, parfois aléatoires, polysémiques, le tout en français, anglais et parfois espagnol. Sur leur premier album, il dédie à la mer un titre, à une heure de voiture de chez eux : il s’agit d’une reprise du titre la mer de l’anglais The Jazz Butcher : “Et tout le monde va à la plage” !
Après un deuxième album signé par Virgin, les cinq vendéens signent chez un nouveau label, Rosebud, qui produit un de leur voisin -à 30 minutes de voiture chez eux- : Philippe Katerine.
Leur troisième album sort en 2000, ironiquement nommé : La Grande Musique. La pochette : les cinq Gaubretierois se mettent en scène dans une univers rose-barbie style syndrome de Diogène signé Joël Hubault, un photographe amateur du monochrome.
J’ai faim, On dirait un mort sur le banc, Alfa roméo super sprint, voici un extrait de 13 titres : le ton est donné avec humour. Dans cet album, ils parlent aussi de défonce, avec la balade jazz/blues parfaitement nommée Sur le Canapé : “La conscience, c’est sûrement pas dans cet état”, prévient le chanteur.
Chapitre 2 : Il était une fois dans l'Ouest
C’est sur la création de la musique de la comédie absurde Atomik Circus Le retour de James Bataille que se termine l’histoire des Petits Lapins.
Le film réalisé par les frères Poiraud (dont l’un, Thierry, s’est spécialisé dans les films de tournée avec des artistes comme Cali ou Vanessa Paradis) raconte l’histoire de James Bataille, un cowboy bien décidé à retrouver sa fiancée d’antan, Concia (alias Vanessa Paradis) vivant à Skotlett city, ville mi française mi étatsunienne improbable qui se retrouve envahie par les extra-terrestres.
Vous pouvez retrouvez les Littles Rabbits non seulement dans la musique, mais aussi dans le film : ils jouent les mariachis “los perros negros” !
Puis, The Little Rabbits quittent le terrier gaubretierois pour d’autres horizons.
Gaëtan, Eric et Stéphane forment le groupe instrumental “La secte humaine” et prennent les routes avec Philippe Katerine pour la promo de son album Robots après tout, pendant que Federico sort un album voix-guitare avec la chanteuse Helena Noguerra, Dillinger Girl et Baby Face Nelson.
Federico décide ensuite de faire une version plus musicale de cet album. Qui de mieux que ses fidèles compagnons ; c’est dans les vieux pots qu’on fait la bonne soupe ! Il rappelle alors les copains. C’est la naissance de French Cowboy!
Cet album retravaillé sort en 2007 avec cette fois comme nom: Baby Face Nelson was a French Cowboy.
Le titre Stranger ouvre l’album avec des guitares western et des sifflements à la Lucky Luck. Frederico nous demande : “You, perfect stranger : why are you walking alone ?”
A l'occasion de ce premier album, les cowboys créent leur propre label : Havalina, rue Jean Jaurès à Nantes. Enregistré à Nantes, l’album est mixé en Arizona, à Tucson plus précisément, par le producteur prolifique Jim Waters, qui a déjà mixé, enregistré, masterisé ou édité plus de 252 projets, dont le groupe de rock alternatif étatsunien des eighties Sonic Youth. Une collaboration débutée en 1996 autour de l’album Grand Public des Rabbits qui dure encore aujourd’hui !
Sur le disque Les cowboys, entre deux balades, font eux aussi leurs courses ! Et qui plus est, sur de la musique punk : le titre Supermarket donne envie d’une course en caddie. PS : s’il vous fait penser au groupe rock Buzzcocks, c’est normal, le chanteur avoue l’avoir écrit en sortant d’un de leur concert.
Chapitre 3 : Les garçons vachers
Nos Cowboys continuent leur ascension dans l’Ouest avec l’album Isn’t my Bedroom A Masterpiece en 2010, produit par leur label Havalina et enregistré au Moulin du Rhun.
Il est précédé en 2009 de l’EP Isn’t My Bedroom, une sorte de bande-annonce produite en 300 exemplaires. Six titres, quatre issus de l’album à venir et deux inédits avec en pochette, une couronne et des épées roses. Changement de style, changement d’époque, les French Cowboy tendent plus vers un pop-rock british style Pulp.
Le titre instrumental Sun est initialement un titre du groupe Golden Boots, des amis de Tucson, signé sur leur label Havalina. Petit rappel en ce début d’automne des plages et du soleil d’été fraîchement quittées : on l’écoute derrière nos lunettes de soleil, bottes dorées aux pieds !
Sur l’EP et l’album, on retrouve le titre GIRL, dans lequel Frederico murmure inlassablement “Girl, Where did you get the boy?” sur une batterie qui fera plaisir aux amateurs de rock. Alors, où tu l’as eu ?
Il y a les citadin.es du cœur, et les autres ; ceux qui suffoquent quand les allées du métro, dans les avenues qui se remplissent en un ballet mouvant, ceux qui transpirent devant le rythme de la ville. Je vous emmène en immersion dans la course citadine avec le titre Is the City, voyons si comme Téléphone à New-York, j’irais là-bas, “voir si le cœur de la ville bat en toi”.
En plus de ses albums, French Cowboy collabore sur plusieurs projets de musique de film. D’abord en 2009, autour du film d’animation Panique au village de Vincent Patar et Stéphane Aubier, puis en 2012 avec le film Tu seras un homme du réalisateur Benoît Cohen, racontant l’amitié entre Léo, 10 ans et Théo, son babysitter de dix ans son ainé. Projet porté d’abord par Federico, cela donne à un album avec des reprises des French Cowboy et des nouvelles compositions, comme le titre rock-punk Not giving up.
Chapitre 4 : Mourir peut attendre
En 2012, le duo sort un 45 tours, Music for the Mall, puis l’album éponyme French Cowboy and the One, toujours sous leur label Havalina, toujours en collaboration avec le producteur tucsonnien Jim Waters. Le titre Yell Yeah de cet album pose un paysage sonore plus obscur, mêlant du métal, de l’hard rock, et un peu d’électro. La pochette : un battle de boxe.
Le titre Who Do You Think You Are continue sur cet imaginaire sombre de fight : il donne l’impression que les étoiles noires de Starmania marchent sur Monopolis au son de la radio de Cristal : c’est la panique sur les boulevards.
Sept ans plus tard, on les pensait perdus mais non ! Ils reviennent en 2020 juste avant la pandémie avec l’album AF. Titre clin d'œil-private joke ramené directement de Tucson, en Arizona où ils ont finalement enregistré l’album avec le producteur Jim Waters, après des enregistrements jugés non satisfaisants entre Rennes et Nantes.
AF, comme As Fuck, à volonté, ce qui était inscrit sur le petit-déjeuner de l’hôtel.
AF, aussi pour son caractère intriguant et polysémique : certains pensent alors qu’il s’agit de l’acronyme d’Air France.
Le titre Disco Flash est un titre qui nous ramène dans les années 1980, à l’époque où des disco mobiles diffusant le hit parade allaient à la rencontre des jeunes de campagne où il n’y avait pas de boite de nuit.
Comme à la Gaubretière, en Vendée : c’est là qu’ont grandi les deux musiciens qui s’ennuient et du hit parade et de leur “patelin tranquille voir ennuyeux” : “On avait déserté les bancs du curé et au foot on a fini par ne plus y aller, -5 degrés le dimanche matin”.
Le clip est une petite capsule temporelle réalisée par Gaëtan Châtaigner, l’ancien bassiste du groupe !
Lorsque France télévision interroge Federico sur le sens des paroles de cet album, il répond que ses paroles ne se veulent pas ligne directrice : il préfère que les auditeurices écoutent et y mettent le sens qu’elles et ils veulent. D’ailleurs, ses paroles, il ne les écrit plus accompagné de sa guitare, mais débout en marchant, chantant dans son téléphone… Et parfois c’est plutôt loufoque.
Chapitre 5 : Rien mais beaucoup à la fois
Lorsque Federico parle de sa rencontre avec Eric, cela remonte à la Gaubretière, en Vendée, dans les années 1980 : “Il avait une mob bleue, habillé en jean, au moins le blouson, des lunettes en ferraille, pas très grand à l’époque. Et, surtout, trois ans de moins que moi. Autant dire qu’il a fallu quelques années avant que je me mette à le calculer, à en tenir compte dans le paysage”.
Dans le paysage, il est resté, puisque le duo sort son troisième album en septembre dernier, NIENTE, rien en Italien, un tournant vers des sonorités électroniques.
Le titre de l’album + RIEN ACAP a été révélé en avance comme une bande-annonce de l’album.
Titre sans musique, les paroles donnent le tempo de NIENTE : “Plus rien, plus rien, je m’en vais comme j’ai vécu, les deux pieds dans la mer, je n’attend plus rien, j’aurais pu faire pire”.
Cet album aurait pu ne jamais voir le jour : pendant le confinement, les musiciens se tâtent à tout arrêter. Perte de sens, comme pour beaucoup d’entre nous, l’envie de tout mettre à la jaille : Federico voulait du concret, je cite “fabriquer des choses, des chaises, des tables”. Il se confie en septembre à Ouest France, je cite “ les vacances forcées, les streamings à outrance. C’est vrai que j’ai frôlé l’abandon. Les artistes chez eux me dégoûtaient, leur quotidien, leurs prises de paroles sans fard. Un ermite, ça ferme sa gueule.”
Mais c’est finalement la pratique de l’italien - la langue de son père - qui leur redonne je cite “un coup de pied au cul”. L’italien pour eux, c’est alors un peu comme un nouvel instrument.
On reste dans le rien, avec le titre DE RIEN. Sur des guitares rock mais surtout des sonorités électroniques, le chanteur demande : “Elle parle de quoi cette chanson ? Elle parle de rien. C’est juste des mots mis comme ça, à la one again.”
Est-ce qu’une chanson doit toujours avoir un sens ? Ou est-ce que c’est nous, qui ne pouvons nous empêcher d’en mettre du sens ? Est-ce que l’on crée encore du neuf ou est-ce que la musique aujourd’hui “n’est jamais qu’un ramassis d’emprunts déguisés”, pour citer notre chanteur ? Vous avez 3 minutes 44.
L’artiste Européen de la semaine dans cette semaine dédiée au groupe
French Cowboy and the one, c’est fini pour aujourd’hui et pour cette semaine !
J’ai beaucoup aimé vous parler de leur histoire de la Vendée -où j’ai grandi- et de Nantes -où j’habite- . A quelques décennies près, on se serait peut-être croisés benaise à une discomobile !
Pour les nantaises et nantais, French Cowboy and The One seront ce soir à Stereolux pour leur release party et pour les nazairiens, le samedi 16 décembre au VIP. On les écoute et on touche du bois jusqu’au prochain album !
Une émission proposée par Hannah Tesson.