Cette semaine nous nous intéressons à l'accordéoniste estonienne Tuulikki Bartosik.
Chapitre 1. Des forêts d'Estonie à la renommée internationale
Tuulikki Bartosik est née en 1976, en Estonie. Plus exactement dans la région de l'Estonie du Sud appelée Võrumaa, où la majeure partie de la contrée est couverte d'épaisses forêts. Un environnement qui influence beaucoup sa musique, dans l'imaginaire et dans le son : il lui arrive de composer et de jouer dans la forêt, où les arbres créent d'incroyables effets acoustiques. Là-bas, à Võrumaa, les chansons et les mélodies anciennes ont été transmises de génération en génération, un répertoire qu'elle revisite dans sa musique. Aujourd'hui, elle partage sa vie entre ces deux patries, la Suède et l'Estonie, et nourrie sa musique des répertoires de ces cultures d'Europe du nord.
La musicienne baigne dans la musique depuis son plus jeune âge, inspirée par un père musicien. Nous l'avons dit, elle grandit bercée par les musiques traditionnelles de chez elle. Mais elle puise aussi dans d'autres styles : du rock de Roxette et Queen au métal de Métallica et de Forgotten Sunrise, en passant par la musique contemporaine d'artistes comme la polonaise Hania Rani, le berlinois Nils Frahm et l'anglais Four Tet qui l'inspirent beaucoup. Il y a aussi des grands noms du classique qui l'ont beaucoup influencé comme Bach et Rachmaninov, ainsi qu'un peu de techno. Multi-instrumentiste et aussi chanteuse, Tuulikki Bartosik est avant tout connue comme une grande accordéoniste, diplômée en musique traditionnelle et classique. D'une renommée internationale, elle est surtout active en Estonie, en Finlande et en Suède, ainsi qu'en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Japon. Durant sa carrière, elle publie 4 albums qui l’emmènent à être nommée aux Estonian Folk Music Awards dans les catégories Meilleur musicien et Meilleur album en 2014, 2015 et 2016.
Chapitre 2. L'accordéon dans tous ces états
Tuulikki Bartosik est une accordéoniste hors pair, très reconnue sur les scènes estoniennes et internationales. Tout commence à ses 8 ans, lorsqu'elle s'inscrit dans une école de musique locale pour apprendre l'accordéon à basse libre - un système qui donne à l'interprète une grande capacité à jouer des mélodies avec la main gauche et à former ses propres accords. Elle obtient ensuite un diplôme en classique au conservatoire de Tallinn, puis s'oriente vers l'improvisation, la musique traditionnelle et la composition, et obtient des diplômes à l'Académie Sibelius d'Helsinki ainsi qu'au Royal College of Music de Stockholm. Même si elle joue de plusieurs instruments et chante aussi, l'accordéon à basse libre reste son instrument de prédilection. Elle est aujourd'hui reconnue pour son haut niveau technique, ainsi que pour ses interprétations et compositions singulières, aux sonorités peu communes mais toujours avec un fort encrage dans les traditions de chez elle, en Europe du nord. Car pour elle la musique apporte le sentiment d'être chez soi, en la ramenant dans son enfance lorsqu'elle passait la plupart de son temps dans le sud de l'Estonie avec sa grand-mère parlant la langue võro, et qui chantait le répertoire traditionnel de cette région. Ce répertoire d'ailleurs qu'elle a préservé, et qu'elle revisite aujourd'hui avec son accordéon et à travers des interprétations plus contemporaines.
Tuulikki Bartosik explore toutes les sonorités de son accordéon, d'ailleurs fait sur mesure pour elle. Nous en avons parlé dans le précédent chapitre, elle apporte à sa culture classique et traditionnelle des sonorités piochées dans le rock, le métal et la techno. Elle a une manière très singulière de jouer de l'accordéon et de composer pour cet instruments, en proposant des sonorités qui sont rarement dans le répertoire de cet instrument.
Chapitre 3. Voyager avec la musique
La musicienne Tuulikki Bartosik est une voyageuse, et cela s'entend dans sa musique, qui puise dans de nombreuses cultures et traditions, de chez elle et des lieux qu'elle a visité. Elle parle cinq langues, dont trois qu'elle chante : le finnois, le suédois et l'estonien. De l’Estonie, le pays de ses racines et de son enfance, elle est ensuite partie s'installer en Finlande, puis en Suède. Pour elle, le voyage et l'éclectisme culturel, c'est une histoire de famille. Elle raconte, pour le webmagazine estonian world : « Il y a quatre générations, nous avions déjà des personnes trilingues qui ont travaillé dans différents pays et connu différentes cultures. Du côté de mon père comme de ma mère, j'ai hérité de la curiosité pour la nouveauté et l'intérêt, et ni les nouvelles langues ni les nouvelles cultures ne m'ont intimidée. Je suis allé là où ma curiosité m'a mené et cela m'a développé à la fois en tant qu'individu et en tant que musicien. ». Tuulikki Bartosik voyage beaucoup pour sa musique, notamment à travers ses collaborations, nationales et internationales. Elle connaît son premier véritable succès international en 2015 avec Chatterbox, un album en duo avec l'accordéoniste et danseuse de sabots anglaise Hannah James. Créé dans la nature sauvage du Pays de Galles, cet album est une rencontre de la culture finno-ougrienne d’Europe du Nord, et de la culture celtique.
Toujours dans ce coin de l'Europe, Tuulikki Bartosik a également collaboré avec l'accordéoniste anglaise Karen Tweed. Elle a aussi monté un projet - Omega 3 - avec la compositrice électroacoustique canadienne Vanessa Massera. Et puis elle a plusieurs fois joué avec Kanako Kato, une accordéoniste japonaise. Bref, les collaborations sont nombreuses. Même dans ses albums, Tuulikki Bartosik n'est pas seule, et invite des artistes de chez elle et d'ailleurs. En 2016 elle publie son premier album, Upa Upa Ubinakõnõ en compagnie des estoniens Ramo Teder et Mari Kalkum. L'année suivante, en 2017, elle présente son deuxième album, Storied Sounds, avec le finlandais Tim Alakotila au piano, l'estonien Villu Talsi à la mandoline et le gallois Dylan Fowler à la guitare. Vous l'avez compris, Tuulikki Bartosik nous fait voyager dans chacun de ses projets. C'est d'ailleurs la thématique principale de son dernier album, Playscapes, dans lequel chaque morceau s'inspire d'un lieux qu'elle a visité.
Chapitre 4. Explorer les traditions
Tuulikki Bartosik a présenté 4 albums, tous aussi hypnotiques les un que les autres. 4 albums qui nous font voyager, et découvrir les traditions d'Europe du nord, en les revisitant avec son accordéon à basse libre. Elle présente son premier album en 2016, Upa-Upa Ubinakõnõ, avec des musiciens estoniens déjà bien connus là-bas : Mari Kalkun et Ramo Teder. Cet album explore leurs racines traditionnelles, à travers l'instrumentation et la chanson, cette dernière interprétée en võro par Tuulikki Bartosik, la langue parlée dans la région de ses origines dans le sud de l'Estonie, Võrumaa.
En 2016, Tuulikki Bartosik publie un deuxième album, Storied Sounds, toujours dans l'exploration des sonorités traditionnelles, en compagnie du finlandais Tim Alakotila au piano, de l'estonien Villu Talsi à la mandoline et du gallois Dylan Fowler à la guitare. Bartosik a déclaré, à propos de cet album : « Nous nous transmettons nos traditions, nous emportons notre monde avec nous où que nous allions, et nous emportons quelque chose de chaque endroit que nous visitons, de chaque personne que nous rencontrons ». Cet album c'est donc une rencontre entre les traditions d'ici et d'ailleurs, en allant puiser dans les mondes musicaux variés de l'Europe scandinave, centrale et orientale. Daniels Polska, le titre qui ouvre l'album, illustre bien Storied Sounds : l'interprétation d'une polska – une danse traditionnelle - en fusionnant des sonorités très différentes, et comme toujours chez Tuulikki Bartosik, avec une grande douceur.
En 2019, Tuulikki Bartosik publie Tempest in a Teapot, un nouvel album qui raconte son histoire et ses racines. Et c'est aussi un appel à la nature, très présente dans sa vie. Elle raconte, pour le webmagazine Playing with Music : « Lorsque je fermais les yeux et que je jouais, j'avais l'impression de me trouver dans les forêts du sud de l'Estonie. ».
Chapitre 5. Paysages sonores
Avec ses trois premiers albums, Tuulikki Bartosik explore ses origines estoniennes, et les traditions d'Europe du Nord. En janvier dernier elle publie Playscapes, une succession de paysages sonores qui nous emmènent dans les endroits du monde qu'elle a visité. Ainsi les titres des chansons font allusion aux lieux particuliers qu'elles renferment : il y a par exemple le morceau Stokholm, London ou encore Helsinski. Comparé à ses précédents albums, qui étaient surtout une exploration des tradition, celui-ci s'ouvre à d'autres sonorités, vers le contemporain et l’expérimental, et dans une ambiance très atmosphérique.
En plus de l'accordéon de Tuulikki Bartosik, nous pouvons également entendre des sonorités peu communes, venant d'instruments électroniques, comme l'omnichord, et traditionnels, comme le kantele, un instrument à corde pincées de la Finlande et de la Carélie. Et puis elle puise aussi dans des genres assez éloignés, comme le death metal pour plusieurs des morceaux, notamment pour les basses et les rythmes.
Une musique envoûtante qui nous emmène tantôt dans les forets du sud de l'Estonie où elle a grandit, tantôt dans le métro londonien, en créant des ambiances qu'elle retranscrit dans sa musique. Cet album témoigne, encore une fois, du talent musical de l'artiste, qui compose avec des sons qui ne sont pas habituellement attribués à l'accordéon. C'est la fin de ce chapitre, et c'est aussi a fin de la chronique de cette semaine que nous avons consacré à Tuulikki Bartosik, grande accordéoniste estonienne.
Une émission proposée par Mari le Diraison.