Artiste européen·ne de la semaine

Bas Jan (Londres) - Artistes européennes de la semaine

Bas Jan (Londres) - Artistes européennes de la semaine

Cette semaine, une artiste au pluriel : je vous emmène à Londres ! On prend notre plus bel accent british, non pour chercher Brian in the kitchen, mais pour retrouver le groupe de punk-rock-folk expérimental Bas Jan.

Derrière ce nom de groupe, d’abord un hommage à l’artiste néerlandais Bas Jan Ander, mort en 1975 à l’âge de 32 ans lors d’une de ses performances, “A la recherche du miracle II”, une traversée de l’Atlantique sur un tout petit bateau. Derrière ce nom de groupe, on retrouve aussi la chanteuse bassiste harpiste Serafina Steer, la batteuse Rachel Horwood et les violonistes Charlie Stock et Emma Smith. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : le groupe a vu passer plusieurs visages ! Commençons alors… par le commencement. 


Chapitre 1 : A la recherche du miracle III



Le titre Sat Nav marque littéralement le commencement du groupe : c’est leur premier single, sorti en 2015. A la création, elles ne sont pas quatre mais trois : le groupe se constitue d’abord autour de Serafina Steer, Jenny Moore et Sarah Anderson. Serafina Steer, elle, traversera les changements de Bas Jan.  Les premières sorties du groupe étaient d’ailleurs ses propres compos, qu’elle comptait sortir en solo -elle a sorti trois albums depuis 2007 ! 

Derrière l’histoire de la formation de ce trio, c’est en fait un petit pan des dynamiques de la fourmilière musicale alternative de Londres ! Toutes jouent dans d’autres groupes ou jouent pour d’autres artistes : c’est dans cette nuée artistique que les musiciennes se croisent, par l’intermédiaire de leurs propres projets. Serafina rencontre Jenny alors qu’elle joue avec le groupe de punk-électro Charismatic Megafauna.

 C’est un match amical, mais aussi un match de plume : les deux musiciennes se mettent à écrire des chansons. 

Ce sont les prémisses du groupe : c’est d’ailleurs Jenny qui aura l’idée du nom Bas Jan, en référence à l’artiste qu’elle apprécie particulièrement. Dans ses œuvres, des photographies et performances filmées, Bas Jan Ander est à la fois sujet et objet de protocoles auto-confectionnés, autour de la pesanteur, la tristesse, ou d’actes absurdes : chutes à répétition, crises de pleurs et gestes appliqués questionnent l’existence-même. Inconnu au bataillon pour Serafina, elle est d’abord séduite par la sonorité du nom, puis découvre avec enthousiasme les œuvres de l’artiste. Seul bémol au tableau pour la harpiste : l’aspect peut-être problématique d’utiliser le nom d’un artiste décédé, surtout de cette manière et surtout lorsque sa femme Mary Sue est encore vivante. Réticences négociées, Bas Jan c’est, et Bas Jan ce sera !



Le single Argument, est sorti en 2017, avec Serafina, Jenny.. et Sarah Anderson, qui complète le trio. Serafina la rencontre en 2015, alors qu’elle se rapproche d’un groupe de disco local, le Chrome Hoof. Sur scène entre autre, Sarah, une multi-instrumentiste : Bas Jan a enfin trouvé tous ces membres ! Enfin, les premiers membres jusqu’en 2018 ; vous l’avez compris, le groupe a plusieurs fois changé de visage. 

Bas Jan, c’est alors une musique entre le rock, le punk et la folk, entre l’humour et le sérieux : pour elles, la musique ce n’est pas qu’un art technique et expressif, c’est aussi une activité sociale, un lien communautaire, un soutien, en gros : du fun, surtout en groupe ! Si l’oignon fait la soupe, l’union elle, fait la force et protège contre le trac, la panne d’inspi, mais aussi les épisodes dépressifs. Leur mantra : “Non ce n’est pas triste, c’est drôle”. 

On se retrouve demain pour écouter le premier album du groupe, Yes I Jan. D’ici là, je vous laisse vous mettre en appétit avec un extrait d’un titre de l’album Let’s tout court. 



Chapitre 2 : Jan-gle du Yes ! 


Leur premier album, Yes I Jan sort en 2018. Le dernier enregistrement que fera notre trio initial : Sarah, Jenny et Serafina



Le titre Tide me Over, “aide-moi” en français est un titre dans lequel on suit un personnage fictif qui semble courir dans sa vie aussi vite que Sha'Carri Richardsonaux 100 mètres des championnats d’athlétisme de Budapest mais qui, 

contrairement à Sha’carri, galère un peu plus à franchir le pont entre les aspirations et la réalité. Pas encore de médaille d’or pour notre protagoniste, mais des back qui l’encouragent : “Make a go of it” !

Cet album catalyse bien les débuts du groupe. Pour Bas Jan, notre harpiste de formation Serafina a troqué 43 cordes contre… une basse, dans l’idée de faire des productions je cite “plus puissante et énergique”. Passage largement facilité par sa formation en musique classique ! Bas Jan, c’est alors un musique entre le rock, le punk et la folk, entre l’humour et le sérieux : pour elles, la musique ce n’est pas qu’un art technique et expressif, c’est aussi une activité sociale, un lien communautaire, un soutien, en gros : du fun, surtout en groupe ! Si l’oignon fait la soupe, l’union elle, fait la force et protège contre le trac, la panne d’inspi, mais aussi les épisodes dépressifs. Leur mantra “Non ce n’est pas triste, c’est drôle”. 

Le titre No Sign met par exemple en avant le violon de Sarah sur la voix de Serafina, alors qu’elle est à la recherche de sa colocataire ; une de ces personnes que le commun des mortels ne semble pas intéresser, préférant disparaître milles et une nuit vivre milles et une aventure avec ses congénères-oiseau de nuit. 



No sign, un titre entre la joie que ces vies de Saltimbanque nous inspirent et peut-être, la petite angoisse associée qui nous fait questionner notre propre niveau de fun et nous positionner sur l’échelle du scénario de la vie. Les chansons de Bas Jan provoquent souvent ce genre d’ascenseur émotionnel ; il est rarement facile d’associer un seul sentiment aux compositions. Du style : la vie n’est-elle pas stressante ? Ou est-ce que c’est toi qui la rend stressante ?

Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec un extrait de l’album Yes We Jan, un album remix acid-house des titres de Yes I Jan. Sorti quelques mois plus tard, l’idée naît en fait d’un quiproquo : Serafina voulait reproduire un des albums remixé du groupe d’acid electro Psychic TV, Towards thee infinite beat. Mais il s’agissait en fait de reprises parodiques et non de remix ! L’idée est là et l’idée reste : je vous propose le remix acid house du titre que nous venons d’écouter, No Sign par le DJ Shandy Bass  ! 



Chapitre 3 : Radio Nostalgie, les plus grands tubes ! 


Je vous propose d’écouter le premier EP Instant Nostalgia sorti en 2018, en français “nostalgie instantanée”. Mais cette fois, attention ! Switch des membres : Sarah, Jenny quittent le groupe et Emma Smith et Rachel Horwood font leur entrée. Quand apparaîtra la violoniste du groupe, alias Charlie Stock ?  Pour l’enregistrement de cet EP autoproduit, elle n’est pas encore présente : elle fera son entrée lors de la tournée, durant laquelle elle remplace initialement Emma qui accueille son premier enfant ! 



C’est le premier titre de l’EP, nommé lui aussi Instant Nostalgia. Écrit après la soirée clôture d’un studio d’artiste d’ami.es, ce titre est pensé comme une rumination mélodieuse, une réflexion mélancolique -voire nostalgique comme le titre nous laissait supposer- sur l’éphémérité des lieux et espaces de créations. Un titre aux influences musicales seventies : la mélodie varie quelque part entre le Yellow Submarine des Beatles en 1969 et le titreLost in the Supermarketde The Clash en 1979. Un appel punk-rock à poursuivre la création ! 

Ce que fait ce Bas Jan 2.0 sur cet EP avec l’arrivée d’Emma Smith, également bassiste et violoniste pour le chanteur de pop-rock Mei-lyr Jones ; et la venue de Rachel Horwood, batteuse elle dans le groupe de folk-jazz Trash Kit. 

Des nouveaux visages pour un nouvel EP qui met l’accent, lui, sur l’énergie live et l’expérimentation, autant dans la musique que dans les paroles : elles mêlent humour caché, résonance, et valorisation du presque-rien du quotidien, qui serait finalement le presque-tout. Comme le titre No Time, “pas le temps”, présent sur la face B de l’EP. Une sorte de réflexion entre le comptoir du bar et la classe de philosophie sur le temps qui passe. Là où Freddy Mercurry n’avait en 1977 lui “no time for loosers”, pas le temps  mais juste pour les loosers, Bas Jan, elles, n’ont “no time” tout court ! Tellement pas le temps qu’elles chantent sur le titre, devoir couper des mots parce qu’elles n’ont pas le temps. Pensée aux feu! sms à caractères limités, aux Lol, Tkt, ASAP, pk ! On se retrouve après le titre no time, si jamais on a encore le time.



L’artiste européenne de la semaine, c’est terminé pour aujourd’hui ! Enfin, peut-être que nous, on a encore le time pour un dernier extrait. Je vous propose le titre Profil Picture, un titre de la face B de l’EP qui switch entre des percus punk et des passages instrumentaux lyriques sur lesquels Bas Jan dénonce les angoisses tout à fait modernes que les réseaux sociaux peuvent provoquer. 



Chapitre 4 : TMTC, toi-même tu sais 


Cette semaine, on décroche le téléphone, London calling ! Et au bout du fil, nous n’entendons pas les Clash mais les voix de Serafina Steer, Rachel Horwood, Emma Smith et Charlie Stock, alias le groupe de rock-punk-folk Bas Jan. 

Hier, nous avons écouté l’EP Instant Nostalgia, sorti en 2018, aujourd’hui pédalons jusqu’en 2022, année de naissance de leur deuxième album, BABY U KNOW.



C’était le titre Baby You Know, qui a donné son nom à l’album. L’histoire derrière ces mots ? Celle d’une conversation entre Serafina et sa logeuse lors d’un séjour en Allemagne. Une dame vraiment cool à la vie rocambolesque, dira-t-elle au média Modern Soul Records, et qui ressemblait à Patti Smith. Lorsque Serafina, découragée par le milieu musical, lui confie ses doutes, la luronne lui répond “Si tu ne veux pas faire les choses qui te donnent du pouvoir, baby you know that’s not the way”. 

Un morceau de rock psychédélique que Serafina décrit comme je cite “le plus frankenstein de tous les morceaux de l’album” qui a pris vie seulement après le mixage, quand les autres sont en majorité des enregistrements live.

 Le tout réalisé en seulement trois jours ; le groupe étant un peu à court de simflouz. 

Car c’est principalement grâce à une subvention publique que cet album a pu voir le jour ; un travail alors éprouvant car condensé et sous pression. Qui a fait se questionner les musiciennes, ce que Serafina confie au même média : si elles n’arrivent pas à vivre de leur musique, est-ce parce qu’elles ne sont pas assez bonnes pour exister ? Alors évidemment, la question se situe à un autre niveau -si la qualité ou l’utilité sociale du travail était proportionnelle aux salaires dans nos économies libérales, ça se saurait- mais on peut comprendre le doute. Heureusement, grâce à l’entraide au sein du groupe et grâce au soutien moral de leurs homologues artistiques, les Bas Jan restent en scène ! La fin de l’enregistrement était, paraît-il, très émouvante. 



C’était le titre Sex Cult, une compo du groupe qui est inspirée du Tom Tom Club -le groupe pop étatsunien des années 80- et des applications de rencontre. Bas Jan questionne les normes relationnelles du 21ème siècle en faisant parler un dateur inconnu qui tente de convaincre la destinataire que je cite “la polygamie est la manière naturelle d’être”. Échange plutôt conflictuel, bercé cependant vous l’avez entendu par une demi-pop onirique.  

Après notre façon de relationner, Bas Jan nous questionne sur notre présent, en nous parlant.. De l’avenir. Sur le titre Vision Of Change, les quatre voix se demandent : “Qu’est-ce qu’on répondra quand les enfants de demain nous demanderont ce que c’était de vivre à notre époque ?”. 

En 1990, on a connu le wind of change, “le vent du changement”, du groupe Scorpions (enfin vous peut-être, moi je n’étais pas née), aujourd’hui, mettons nos lunettes, ouvrons grand les yeux : Bas Jan chante elles, la vision du changement. Soyez prêtes et prêts, c’est nous, le changement ! 



Chapitre 5 : les marais salants


Aujourd’hui je vous propose d’écouter leur dernier album sorti cette année : Back to the Swamp, “retour dans les marais”. Un bayou qui n’a d’ailleurs pas son pareil : sur le dessin de la pochette, vous pourrez voir une version créature des musiciennes, entre les zombies de The Walking Dead et le saule pleureur de la grand-mère feuillage de Pocahontas, titubant avec vengeance dans un marais de sorcellerie. Le marais, alors un lieu d’émancipation ? 



Dans le titre At the counter, les Bas Jan “live their best life”; qu’elles soient au comptoir, dans un coin, dans une chambre où même… dans une animalerie, où le clip a été tourné. Un son qui fanfaronne pendant plus de cinq minutes ; vous avez entendu le gazouillement des lignes de synthé ? Le marais, ça a l’air très sympa. 

Et parfois, pas du tout. Dans le titre No More Swamp, “plus de marais”, Serafina confronte ses états dépressifs après avoir pratiqué le déni et les avoir mis sur le dos de la nourriture ou du manque de sommeil : vivre dans le marais, ça ne l’intéresse alors plus du tout. Cet album pourrait être résumé par ce switch : une tourmente d’émotions contradictoires qui reviennent, sur une multitude d’influences musicales. Des monologues internes mis en musique avec tantôt des sonorités des années 1980, tantôt rock, tantôt folk. Dans No More Swamp, c’est le violon et la basse qui prennent les devants. Le violon virevolte comme les pensées, quand la basse l’accompagne comme une amie de longue date : c’est du solide  ! 



L’Artiste Européenne de la semaine dans cette semaine dédiée au groupe Bas Jan, c’est fini pour aujourd’hui et pour cette semaine ! 

J’ai beaucoup aimé cette balade londonienne à leurs côtés ; c’était l’occasion pour moi aussi de découvrir leur univers. Je vous invite à aller regarder les clips, des petites capsules d’époques variées, d’absurdité, et de leurs propres personnalités : c’est haut en couleur ! 

L’avenir du groupe, on ne le connaît pas encore (sauf si des omniscient.es parmi vous veulent bien nous écrire!), en tout cas il semble être sous de bons auspices. 

Et on leur souhaite ! Vous pourrez peut-être retrouver Serafina lors de futurs stages : elle étudie en ce moment la musicothérapie en parallèle. On reste connectés ! 

Je vous propose que l’on se quitte avec le titre Cried A River, une balade discrète sur une rupture sans regrets. Justin Timberlake en avait rêvé en 2009 avec son titre Cry Me A River, les Bas Jan l’ont fait ! 

Quant à nous, je vous souhaite un bon week-end j’espère sans rivière et  on se retrouve la semaine prochaine sur les pas d’une ou d’un nouvel artiste.  

Une émission proposée par Hannah Tesson.