Artiste européen·ne de la semaine

GaBLé (Caen) - Artistes européens de la semaine

@GaBLé GaBLé (Caen) - Artistes européens de la semaine
@GaBLé

Cette semaine, nous posons nos oreilles dans la capitale d’une partie des terres normandes : c’est à Caen que résonne depuis bientôt un quart de siècle et 11 albums le trio GaBLé, 5 lettres en quinconce qui représentent bien la musique fait maison de Mathieu, Gaëlle et Thomas : des titres à angle droit et grand écart, qui sautent en un fragment de seconde d’une pop démantibulée à une folktronica frénétique. Une musique qui vit et va seule sans feu ni loi, et peut-être en ça, on pourrait la qualifier de post punk. GaBLé sort son premier album éponyme en 2002, et comme ils ne font pas les choses à moitié, cet album, c’est 27 titres, entre 34 secondes et 4 minutes.  


Chapitre 1 : GaBLé branché décalé 


Le titre “Allemand Deuxième Langue” ouvre l’album, un titre de 48 secondes qui représentent bien la façon de composer du trio, qui n’est pas sans créer parfois un peu de frustration. A ce sujet, GaBLé s’exprime je cite : “Peut-être n’approfondissons-nous pas par goût pour la concision. Cela peut susciter une frustration que nous préférons à l’indifférence. Nous découvrons parfois avec bonheur que certains morceaux peuvent être complétés de parties supplémentaires ou agrémentés d’une introduction, c’est la scène qui nous le montre. Peut-être les albums seraient-ils différents si les morceaux étaient joués préalablement sur scène.”

Il n’y a pas que la durée qui est étonnante, mais aussi le nom des titres. Après "Allemand deuxième langue", on retrouve le titre “veridic Mardi 14 mai” pas trop loin de “veridic oooolive “ et “veridic fin”.  Je vous propose le titre Hope, car je ne refuse jamais un peu d’espoir ; et j’aime beaucoup la guitare sur ce titre ; qui représente aussi toute la musicalité de GaBLé derrière son référentiel décalé.


Derrière ces titres, beaucoup de matos : Thomas est à la batterie, chant et guitare, Gaëlle est au synthé, aux cloches, xylophones, sampler et au poste cassette, Mathieu, lui, est à la guitare et aux chants. Le travail se répartit aussi dans la temporalité : Mathieu produirait plutôt en amont, Thomas et Gaëlle en aval. Un album que vous pouvez télécharger gratuitement sur leur site internet, Gableboulga.com, douce référence il me semble au gâteau préféré de Casimir, le reptilien de l’île aux enfants fana de Gloubiboulga, et je crois que c’est un bon résumé de leur musique : une entitée qui vit entre son propre univers et nos imaginaires. Le groupe se décrit comme ça, je cite : “Nous sommes dans une bulle poreuse constituée d’envie et de curiosité. Si une route est tracée, elle est l’enfermement et l’ennui. Nous aimons à être excités, nous souhaitons exciter.” Et effectivement, sur cet album, pas d’ennuis possibles :  le titre "Verdic Jude" ressemble à un enregistrement caché d’un d’entre nous chantant les Beatles dans sa voiture, couplé à un dessin animé. 


Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec le titre "Veridic Diana", car we love Princesse Diana et avec ce morceau, vous n’aurez jamais de panne sur les paroles. 


Chapitre 2 : How are you ? 


GaBLé, c’est le trio made in Normandie que nous suivons cette semaine ! Et qui se décrit comme suit “GaBLé, c’est l’histoire de deux batteurs -Mathieu et Thomas- qui décident de jouer de la guitare, et d’une fille -Gaëlle- qui a appris à jouer du clavier en collant des gommettes de couleur sur les touches.“ Depuis 2002, les copaines créent des compos fait main de pop-folk-électro-collage surréaliste qui ne les empêche pas de tracer leur route dans le milieu lui très réaliste de la musique, au contraire : en 2008, le trio remporte le concours CQFD des Inrocks et se retrouve programmé aux Transmusicales de Rennes l’année suivante, année où ils sortent leur cinquième album “I’m Ok”. Alors après avoir écouté leur premier album hier, je vous propose que l’on branche dans nos oreilles celui-ci, c’est parti.   



 Le titre éponyme de l’album, "I’m Ok", est un titre folk qui alterne entre une liste d’objets aléatoires et un refrain mi optimiste mi satirique : “Je vais très bien, je suis équilibrée, je suis Ok, je suis OK” répètent les voix, et on ne sait pas trop qui elles essaient de convaincre, nous ou elles-mêmes.

Leurs compositions alternent ainsi souvent entre le moins sérieux et le sérieux, chacune ayant un monde bien à elle. Pour GaBLé,  une idée est égale une chanson ; plus qu’une idée est égale un album. Mathieu, le guitariste du groupe, y voit leur marque de fabrique je cite : “on n’est pas de bons instrumentistes. Il y a des gens plus doués que nous. Je n’ai pas envie de batailler. Ce n’est pas là-dedans qu’est notre force. Notre force, une fois que l’idée a été développée (ça nous prend souvent peu de temps pour la développer), c’est d’essayer de trouver une deuxième idée, plutôt que de développer la première sur plus de fois… Je trouve ça moins intéressant de développer la même idée plusieurs fois.



C’était le titre “Sans du feu dans mes mains”, Sans non pas comme sentir mais comme l’absence. Ce titre est un de mes préférés du trio, pour son énergie de joyeux défilé de village où tout le monde s’en donne à coeur joie, et pour la voix d’une des grand-mères du trio que vous avez entendu, une voix qui me rappelle les miennes et qui me ramène moi aussi, sous nos vieux pommiers. Une voix qui pour Gablé, n’est pas je cite : “une voix qu’on peut convaincre. Car on ne convainc pas le soleil.” Et je pense qu’ils ont tout dit.

Le titre “Mon Côté féminin” est un morceau de 55 secondes (sur les 22 minutes de l’album), dans lequel GaBLé switch en 1 seconde de la salle de hard métal au salon de thé pour poupée. Alors on se demande si ces virages pour le trio sont signe de fluidité avec leur féminité respective, ou au contraire, d’une relation pas très apaisée ? Je vous laisse vous faire votre avis !



Chapitre 3 : Assassin's creed 


RDV en Normandie, à Caen, dans la ville de Guillaume le Conquérant, du rappeur Orelsan mais aussi de Gaëlle, Mathieu et Thomas alias le trio de folk-pop bizarre aficionado des collages et des virages à 90° que nous branchons dans nos oreilles depuis lundi : j’ai cité GaBlé ! Hier, nous avons écouté leur cinquième album, sorti en 2009, aujourd’hui je vous propose que l’on écoute leur neuvième, l’album MuRDeD, “Assassiné” en français, une production home made faite en 4-5 mois et sortie en 2013.



C’était le titre éponyme de l’album, "Murded", qui est aussi le plus court de l’album puisqu’il dure 40 secondes ; et cet éclatement du temps, c’est un peu la marque de fabrique du trio. Mais cet album marque quand même une évolution vis-à-vis des précédents en la matière, paraissant peut-être plus ordonnée, et les titres construits dans la durée : l’album compte seulement 13 titres (contre jusqu’à 27 par album précédemment) oscillant entre 2 minutes et 6 minutes. 

Mais ce n’est pas la seule évolution du groupe : après 11 ans de production, GaBLé semble moins composer à partir de collages, faisant moins appel à des samples extérieurs et laissant peut-être plus de place aux mélodies et à leurs propres samples, bruitages, comme sur "Murded". Mais GaBLé n’en perd pas son identité pour autant : le trio alterne les styles au fil des chansons et les césures à l’intérieur de chacune. Dans "Pink Cut", on passe d’une ambiance de western désabusée à une chorale joyeuse.



“Pink Cut”, un titre que je trouve très english style et sur lequel on peut entendre la voix de Gaëlle ! Mais ne perdez pas votre temps à comprendre les paroles : pour GaBLé, leur sens est subsidiaire. C’est en partie pour cela qu’ils font appel à l’anglais, craignant que le français soit trop compliqué, que leur musique se dilue dans les mots. Car chez Gablé, la création se situe ailleurs, dans leur univers magico-bizarre : la voix est alors plutôt utilisée comme un autre instrument, mais aussi un terrain de jeu. 

Je vous propose notre petite dose de vitamine D quotidienne avec le titre “Solaire” ! En direct, ça donne ça.

Et en studio, ça donne ça : 



Chapitre 4 : Problème peu blème


Nos artistes européens de la semaine sont 3 et sont normands. Depuis 2002, ils produisent une musique style pâte à modeler, démantibulée et découpée, entre extravagance et bizarrerie, allant fouiller et bricoler là où personne n’ose aller. Mais l’amour de nos artistes pour les grands écarts, les détours et l’inattendu ne fait pas pour autant d’eux un groupe de “rigolo”, bien au contraire : ils jonglent avec maîtrise entre la pop et la folk.  Cette maitrise, c’est celle de Gaëlle, Mathieu et Thomas, alias GaBLé, un trio qui parcourt souvent les routes des scènes, celles des squats, des lieux alternatifs, et de salles plus classiques. Après avoir écouté hier leur neuvième album, aujourd’hui nous écoutons Jolly Trouble, le dixième album sorti lui en 2016. 



C’était un début en fanfare avec le titre d’ouverture de l’album “On Purpose”, un joyeux ensemble pop-folk qui s’élargit au fur et à mesure qu’il s’installe dans les 2 minutes 27 du titre. Avec les paroles “But I didn’t do it on purpose”, “mais je ne l’ai pas fait exprès”, le morceau donne l’impression d’une confession de bêtise enfantine qui enchante plus qu’elle ne provoque de regret ! 

Cet album globalement, c’est ça, une énergie solaire good vibe qui donne envie de prendre le large ; un album fun et excentrique, comme une ôde à la vie. A l’image de sa pochette, une illustration signée par l’artiste allemande Angela Dalinger, représentant un perso mulet-moustache en caleçon-chaussette étendu sur une peau d’ours qui semble se la kiffer entre plusieurs boissons alcoolisées : 8.6, Jack Daniels et champagne, il y en a pour tous les goûts. Et rien de tel que le titre merveilleusement nommé "Tropicool" pour retraduire ce mood.



"Tropicool", un des titres qui réunit toutes les voix de GaBLé façon joyeuse chorale de troubadours ; un des 13 titres de l’album dont la durée varie entre 4 minutes et 36 secondes - durée courte qui est un peu la marque de fabrique de GaBLé, bien que les titres du trio se rallongent d’année en année. 

Sur le titre “How Long”, le trio s’interroge sur le temps que leur demande la composition de ces morceaux je cite “Pourquoi est-ce aussi long ? Pourquoi sommes-nous si lents ? Peut-être que ceux qui nous écoutent sont lents aussi (...) Allez encore un gros mensonge sur comment écrire des chansons qui font pleurer ».



 Après Jolly Trouble, le trio se lance dans la tournée d’une ciné-concert “GaBLé joue comicolor”, avant de profiter de la pandémie COVID pour faire une petite pause. Ils reprennent par la suite les compositions, avec Pick the Weak, leur dernier album sorti il y a quelques semaines. Nous avons encore le temps pour "Magic Gift", le 36 secondes de l’album , et quoi de mieux pour  clore notre rendez-vous qu'un “cadeau magique” ?



Chapitre 5 : Attention, fragile ! 


Aujourd’hui, nous terminons notre épopée normande aux côtés du groupe normand GaBLé, alias Thomas, Gaëlle et Mathieu ! Depuis lundi, nous arpentons humblement leur 22 ans de route musicale, à l’écoute de leurs compositions pop-fait maison difficilement descriptibles ; des compositions à la fois drôles, mais sérieuses, bizarres, mais harmonieuses, irrégulières mais cohérentes, nombreuses et jamais ennuyeuses ! Des compositions libres comme Diego dans sa tête en 1981, comme Max dans sa vie en 1982, comme celle de Georges Moustaki en 1970 ; et c’est pour cette liberté et le bricolage DIY que je les inscrirais bien quelque part parmi les héritiers du punk. Mais vous allez pouvoir vous faire votre propre avis : après avoir écouté hier leur dixième album,   aujourd’hui je vous propose que l’on écoute leur onzième et dernier album, Pick the weak, “choisi le faible”, sorti ce mois-ci !  



C’était “Fruition”, le titre qui ouvre cet album, 8 ans après le précédent (le groupe s’est concentré sur un ciné concert “GaBLé joue COMICOLOR”, puis a profité du confinement pour faire une petite pause). Avez-vous entendu les paroles de fruition ? En français, ça donne quelque chose comme : “C’est une chose que vous avez lu, et à laquelle vous ne croyez pas quand elle atterrit, elle a les ailes d’un papillon, et le moteur d’un ventilateur”, des vers qui pourraient servir de 4ème de couverture pour le groupe !

Cet album et ses dix titres semblent représenter l’aboutissement de l’évolution musicale de GaBLé : des titres plus longs, plus musicaux, avec moins d’acrobaties. Pour Mathieu, je cite “ Cet album de dix titres dure une demi-heure mais j'ai l'impression qu'il dure plus d'une heure tant il y a de choses à découvrir à l'intérieur, à réécouter, il est hyper dense. On essaye toujours de se bousculer, de se renouveler, de ne pas ressembler aux autres. Un média nous a qualifiés de « grain de sable dans les rouages de la scène rock française », ça me va bien comme définition.”

Mais reste le titre “Ca va Michel” pour rappeler les débuts du groupe, 43 secondes pour signer GaBLé.



Nous arrivons à la fin de notre épisode, alors quittons nous en musique pour dire au revoir à nos artistes de la semaine, les intrépides normands de l’alternatif, ceux qui, depuis 2002, n’avaient froid ni aux yeux, ni aux oreilles ! Ce fut un plaisir depuis lundi d’arpenter leur route et leur musique qui n’a pas son pareil. Je ne sais pas vous, mais ça fait toujours du bien, des artistes qui comme Paul Eluard, écrivent la liberté. 

Je vous propose le titre “It makes sense”, “ça fait sens”, un morceau de rock psychédélique version électro avec l’énergie du krautrock, un mélange qui lui aussi, fait totalement sens. 

Bonne écoute, et bon week-end à vous, bon week-end à eux, sur les routes d’on ne sait quelle scène, d’on ne sait quelles futures créations, mais qu’on espère riches ! 

A la semaine prochaine, sur les pas d’une ou un nouvel artiste sur euradio. 


Une émission proposée par Hannah Tesson.