Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.
On se retrouve pour la deuxième partie de notre épisode consacré au télescope spatial James Webb. La semaine dernière nous parlions de ses instruments et de ses missions, dont celle d’observer l'atmosphère d’exoplanètes. James Webb a-t-il fait des découvertes intéressantes ?
Il en a fait pléthores, notamment grâce à ses instruments de spectroscopie. La spectroscopie, pour faire simple et court, c’est l’étude des éléments décomposés sur le spectre lumineux. James Webb observe dans l’infrarouge, donc c’est le spectre lumineux infrarouge qu’il va observer. Et quand une exoplanète passe entre son soleil et James Webb, la lumière de son soleil permet de mettre en relief son atmosphère, et James Webb peut comme ça en observer la composition.
C’est le cas avec de nombreuses exoplanètes, mais c’est la planète K218b qui a fait beaucoup de bruit et beaucoup débat ces derniers temps.
Qu’a-t-elle de si particulier ?
C’est une super Terre, c’est-à-dire qu’elle fait environ 2.5 fois la taille de la Terre, et huit fois sa masse. Elle orbite dans la zone habitable –donc ni trop proche avec de trop fortes températures, ni trop loin avec pas assez de lumière et de chaleur– de son soleil, qui est une naine rouge, une étoile avec une très grande stabilité et longévité.
C’est une planète découverte en 2015, et qui a bénéficié d’observations avec des télescopes terrestres et spatiaux, d’abord Hubble, puis James Webb récemment. Et James Webb aurait relevé dans son atmosphère, selon l’équipe qui travaille dessus, des molécules produites par du phytoplancton, donc un organisme vivant qui indiquerait l’existence de vie, et très certainement d’eau, sur la planète.
Vous avez employé le conditionnel ‘aurait relevé’, James Webb ou l’équipe de chercheurs se seraient trompés ?
Même si la présence de ces molécules n’était pas remise en cause, et c’est le cas, parce que c’est une équipe qui a cherché spécifiquement des molécules qu’elle voulait trouver plutôt que d’observer des résultats généraux ; ce n’est pas parce que ces molécules sont issues d’une activité organique sur Terre que ça veut dire que c’est le cas partout ailleurs. On connait un exemple abiotique –donc de production sans origine de vie– sur la comète Tchourioumov-Guérassimenko dans notre système solaire.
D’autres astrophysiciens sont rapidement montés au créneau pour tempérer les annonces en fanfare de l’équipe qui assurait avoir trouvé des traces de vie sur une exoplanète, mais ça montre qu’il faut être très vigilant à plus d’un titre. Déjà, ce n’est pas parce que ce sont des scientifiques qu’ils ont raison ; ensuite que James Webb et d’autres outils similaires peuvent être instrumentalisés, leurs observations ne sont que des observations, beaucoup de découvertes dépendent de comment on les interprète ; et surtout que la cohue que cette histoire a déclenchée montre qu’on vit à une époque où les informations circulent très vite, souvent sans être bien vérifiées, et que les échos de rumeurs deviennent très rapidement des vérités absolues pour beaucoup de gens.
Une fausse alerte pour K2 18 b alors. Qu’en pensez-vous, ce n’est que partie remise ?
Statistiquement, il semble trop improbable que la Terre soit la seule planète à accueillir de la vie dans l’univers. Mais malgré le fait que j’ai grandi en étant biberonnée à Star Wars, Star Trek et Stargate, je ne pense pas du tout que la vie ailleurs soit humanoïde, ni même intelligente au sens technologique où on l’entend.
Il est plutôt probable qu’on parle de plancton sur une planète-océan, de lézards au squelette très épais pour résister à une gravité plus forte que sur la Terre… Parce que nous nous tenons sur nos deux jambes dans la mesure où la gravité terrestre est assez faible pour nous le permettre.
Et la Terre bénéficie de l’ensoleillement d’une naine jaune, le type de notre soleil qui correspond à 10% des étoiles. Donc on a réunit des conditions où la plupart des espèces de notre planète utilisent la vue comme sens principal, associé souvent à l’odorat, et au toucher. Mais pourquoi pas imaginer que dans un système avec une naine rouge, beaucoup moins lumineuse et plus froide, il y ait des espèces sans yeux ? Si la vie existe bien ailleurs, elle est à coup sûr très loin de ce à quoi nous ont habitués les œuvres de science-fiction !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.