La guerre des étoiles

Voyager 1 et 2

© NASA JPL Voyager 1 et 2
© NASA JPL

Tous les mercredis, écoutez Iris Herbelot discuter d'un sujet du secteur spatial. Tantôt sujet d'actualité ou bien sujet d'histoire, découvrez les enjeux du programme européen Hermès, de la nouvelle Ariane 6, ou encore de la place de l'Europe dans le programme Artémis. Ici, nous parlons des enjeux stratégiques pour notre continent d'utiliser l'espace pour découvrir, innover, et se défendre.

Nous nous retrouvons pour un épisode histoire consacré aux sondes Voyager, parties aux confins de notre système solaire, et au-delà.

Effectivement au-delà, ça fait des années qu’elles ont pénétré l’espace interstellaire, donc entre deux systèmes solaires. Les sondes sont plus loin qu’aucun objet humain n’a jamais été, à des dizaines de milliards de kilomètres, là où tout est sombre et froid.

Il y a deux sondes, Voyager 1 et Voyager 2, qui ont été lancées en 1977 par la NASA et qui continuent d’envoyer des données avec leurs instruments actifs – malgré les distances immenses et le fait que certains aient été coupés pour préserver de la batterie.

Comment a commencé cette aventure ?

Les missions Voyager visaient à l’origine à explorer Jupiter et Saturne, dont les anneaux de Saturne, ainsi que leurs lunes. Et les deux sondes ont été lancées à quelques semaines d’intervalle, mais sur des itinéraires différents – d’ailleurs anecdote amusante : Voyager 2 est partie avant Voyager 1, mais elles n’ont pas été mal nommées, c’est que Voyager 1 a rapidement dépassé sa jumelle, et ouvre donc la voie dans leur voyage infini.

Et c’est une mission qui avait beaucoup de sens déjà à l’époque, parce qu’un phénomène qui n’arrive que tous les deux siècles environ a eu lieu dans les années 70s et 80s, un arrangement particulier des planètes du système externe – donc au-delà de la ceinture d’astéroïdes de Mars, qui permettait de visiter et observer toutes les planètes de Jupiter à Neptune sur le chemin de la sortie du système solaire.

Comment peut-on communiquer avec et piloter les sondes à cette distance ?

Ça prend presque une journée entière de recevoir ou d’envoyer un signal avec Voyager 1, un peu moins avec Voyager 2. La NASA communique grâce au Deep Space Network, qui est un complexe de trois paraboles géantes sur Terre placées stratégiquement, une en Californie, une près de Madrid et une près de Canberra en Australie, plus un ensemble d’antennes en orbite terrestre.

Les commandes envoyées vont être de l’ordre d’allumer ou éteindre un instrument, de réorienter une antenne pour ne pas perdre le contact. Mais les sondes ne sont pas pilotées, elles avancent inexorablement parce qu’il n’y a pas de résistance de l’air, pas de frottements, dans l’espace. Et tant qu’elles ne se heurtent pas à un objet céleste, ce qui serait très malchanceux vu les distances immenses qui séparent les objets dans l’espace, elles continueront leur voyage.

Y a-t-il une fin à cette mission interstellaire ?

Les deux sondes sont équipées de générateurs nucléaires, qui permettent une longévité inégalable, mais qui perd quand même en énergie produite progressivement. Pour rallonger la durée de vie, les instruments ont été progressivement éteints les uns après les autres, il n’y en a plus que trois actifs sur chacune des deux sondes maintenant.

Il n’y a pas vraiment de fin dans le sens où la mission Voyager s’arrêtera dans un sens quand les sondes se seront désintégrées, et personne ne peut dire quand ça arrivera ; mais dans les prochaines années elles n’émettront plus de signaux, et il ne restera aux scientifiques plus que les données envoyées pendant cinquante ans –voire plus– à étudier pour comprendre l’univers qui nous entoure.

Quelle est la portée scientifique et symbolique des sondes Voyager ?

Elles ont innové sur tellement de choses que c’est dur à appréhender, elles ont révélé des images de notre système inédites, les surfaces des planètes et des lunes de Jupiter et Saturne, les anneaux très distincts les uns des autres de Saturne, des images qu’aucune autre mission n’est pour l’instant venue compléter des planètes qui sont le plus éloignées, Uranus et Neptune.

Et la dimension symbolique est exceptionnelle, c’est la consécration de l’hybris humain, envoyer des objets fabriqués par l’homme dans l’infini de l’univers. Et en plus, ce ne sont pas juste des objets techniques, les sondes Voyager sont des émissaires de l’espèce humaine. Les sondes Pioneer qui avaient été lancées quelques années avant les Voyager portaient des plaques métalliques avec une représentation très schématisée de l’humanité, deux corps humains –c’est très binaire– nus pour communiquer notre apparence et biologie extérieure, et un schéma de notre position par rapport au soleil, comme une carte pour que les éventuels destinataires de ces plaques puissent venir nous rencontrer.

Et l’idée a été reprise et étayée pour les Voyagers, puisque les deux sondes ont embarqué un disque d’or sur lequel est gravé une carte pour indiquer notre position, et ce disque est livré avec de l’uranium 238 pour dater le disque et un stylet pour lire les sons qu’il contient, des sons de la Terre, de sa biodiversité naturelle et culturelle. C’est une bouteille à la mer interstellaire, qui contient le bruit du vent, de l’orage, des chants aborigènes, de la cornemuse d’Azerbaïdjan et du Mozart.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron. 

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