Smart cities, smart citizens

Le concept de smart city est-il déclinable à d’autres échelles ?

© Wikimedia Commons - Blaine O'Neill Le concept de smart city est-il déclinable à d’autres échelles ?
© Wikimedia Commons - Blaine O'Neill

Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.

Aujourd’hui, vous vous posez la question de savoir si le concept de smart city est déclinable à d’autres échelles que les villes. Peut-on parler de départements, de régions, voire de pays intelligents ?

C’est une question qui vient en fait assez naturellement. Quand on considère que des projets toujours plus nombreux émergent dans les villes, que l’Europe y consacre un budget innovation et des efforts de régulation plus que conséquents, il est logique d’imaginer qu’il existe bien des échelles intermédiaires qui sont concernées par le sujet.

Surtout si l’on reprend la définition et les objectifs initiaux de la smart city, n’est-ce pas ?

En effet, rappelons ce que nous avions dit dans une des toutes premières chroniques. L’essence d’une ville intelligente est d’utiliser les atouts du numérique pour répondre aux grands enjeux d’évolution de la ville, et de notre société. Il s’agit de l’adapter par rapport aux problématiques d’environnement, de densification, d’énergie, de vieillissement de la population. Elle doit être plus inclusive, sobre, sure et agréable à vivre. Mais certains de ces sujets ne peuvent pas se penser uniquement à l’échelle de la ville.

Vous voulez dire par là que les villes ne sont pas responsables de tout ?

Et bien pour certains sujets comme l’éclairage, l’arrosage, la gestion des déchets, cela se gère naturellement à leur échelle. Le numérique et les objets connectés peuvent apporter plus d’efficacité, des économies d’énergie ou de ressources. Mais il y a aussi de nombreuses questions qui ne sont pas uniquement à la main des villes.

Lesquelles par exemple ?

Prenons par exemple le sujet de la décarbonation. Les villes produisent 80% des émissions de gaz à effet de serre. Elles ont donc une responsabilité très importante dans le fait de diminuer ces émissions, et pour cela elles mettent en place de nombreuses mesures en faveur de la sobriété et de la mixité énergétique, ou des mobilités douces. Mais si l’on veut atteindre les objectifs des accords de Paris, c’est important de consolider les efforts à des échelles plus larges, pour avoir une vue d’ensemble. Grâce au numérique, et aux plateformes de données, on peut mettre en commun et agréger les informations pour en faire des indicateurs qui pourront être suivis à l’échelle au-dessus, départements et régions, puis encore au-dessus, l’état. Comme un système de poupées russes.

Par ailleurs, sur le sujet de la mobilité, les différentes échelles administratives doivent travailler de concert. Si une ville met en place une politique forte en faveur des transports en commun, mais qu’à l’échelle régionale, il n’y a pas un effort similaire et concerté pour adapter l’offre de trains régionaux, c’est toute une frange de la population métropolitaine qui va continuer à utiliser sa voiture. C’est dommage. Pour soutenir ces efforts, ville et région peuvent mutualiser certains outils numériques. En Bretagne par exemple la carte Korrigo, qui sert déjà dans toute la métropole de Rennes pour le bus, la piscine, les bibliothèques et médiathèques, prend également en charger les titres de transport pour les TER et les cars du réseau Breizhgo.

Et vous me disiez que certaines régions revendiquent même le titre de Smart Région ?

En effet Laurence. Vraiment sur le modèle de ce que font certaines villes, la Région Ile de France a par exemple développé une plateforme unique en Europe : IDF Smart Services. Ce site web concentre des données disponibles à son échelle territoriale, dont un jumeau numérique, et les restitue en services pour les citoyens franciliens. Les données viennent des propres services de la Région, de certaines villes, d’entreprises privées ou d’associations. Les services imaginés sont dans le domaine de l’environnement, de la formation, des loisirs, du développement économique. Il y a aussi 2 budgets participatifs, des initiatives dont nous avons déjà parlé à l’échelle des villes.

Et que cherche à faire la région à travers cette initiative ?

Le projet a une visée politique : faciliter la déclinaison et la visibilité des politiques régionales, et ainsi assoir son rôle et sa pertinence en se rapprochant des citoyens, grâce au numérique. Et cela a du sens sur certains sujets. Par exemple, sur la quasi-totalité des sites internet des mairies, vous pouvez trouver des idées pour aller vous promener le week end. Mais en tant que citoyen qui cherche un coin de verdure ou une activité, peu importe que cela se passe dans la commune d’à côté pour prendre l’air. Répertorier tous ces lieux sur une carte interactive à l’échelle du département ou de la région a beaucoup plus de sens. Et il y a plein d’autres sujets du même type : les salles de sport, les fermes qui proposent de la vente directe, les visites historiques, les arbres remarquables, les espaces de coworking, etc. Encore faut-il que ces données existent, qu’elles soient accessibles et fiables pour pouvoir être consolidées. Des sujets que nous avons déjà abordés, et qui ont donc toute leur place ici aussi.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.