Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine Le Brun, aujourd’hui direction l’Espagne, à Las Rozas de Madrid plus précisément, pour parler de gestion de l’eau.
Rien d’étonnant à ce qu’avec ce joli nom, Las Rozas de Madrid s’intéresse au sujet, et de façon globale. Cette commune de 100 000 habitants se situe dans la périphérie très proche de Madrid, une zone où les sécheresses répétées ont fait prendre conscience de la rareté et de la fragilité de la ressource en eau, et donc de la nécessité de mieux la gérer.
Vous dites qu’ils ont eu une approche globale : à quel niveau ont-ils travaillé ?
Economiser l’eau c’est déjà en consommer moins : tout le système d’arrosage des parcs municipaux a été modernisé pour des apports plus rationnels. C’est aussi éviter d’en perdre en chemin, ils ont donc travaillé sur la qualité du réseau. Et enfin, c’est essayer de mieux utiliser celle que la nature nous donne et donc améliorer les systèmes de collecte des eaux de pluie.
Vous nous aviez parlé l’année dernière de l’arrosage intelligent, c’est ce type de système qui a été mis en place ?
Tout à fait. L’installation a été entièrement revue et connectée pour permettre un contrôle et une programmation de l’arrosage à distance sur la totalité des espaces verts de la ville. Plus de 500 capteurs, notamment d’humidité, ont été installés pour assurer le suivi des besoins en eau des plantations. Les informations sont remontées grâce à un réseau sans fil selon des techniques classiques d’Internet des objets. Ce même réseau véhicule dans l’autre sens les ordres de pilotage des électrovannes pour contrôler l’arrosage automatique. Le nouveau système intègre également de nouvelles stations météorologiques. Leurs estimations plus fines sont combinées avec les données issues des capteurs afin de mieux adapter les temps d’arrosage en fonction des conditions réelles quotidiennes. Par exemple en n’arrosant pas si il pleut ou si des averses sont prévues dans la journée.
Et avec quels résultats ?
Grâce à ce système de télégestion de l’arrosage, la commune estime avoir réalisé une économie annuelle d’eau de 40 % par rapport à l’année de référence de 2020, date à laquelle le projet a été lancé. Cela équivaut à ne plus dépenser chaque année 105 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 30 piscines olympiques.
Et donc ils ne se sont pas limités à faire des économies sur l’arrosage mais aussi ont cherché à traquer les fuites d’eau sur le réseau.
Oui, c’est une application très classique et un gisement très important de préservation de la ressource, partagé par toutes les villes d’ailleurs. A quoi sert de d’essayer de moins consommer si le système lui-même consomme tout seul ! Là encore les objets connectés sont à l’œuvre, et ce n’est pas si compliqué. Dans la foulée du système précédent, et fonctionnant grâce à la même infrastructure de réseau sans fil, des débitmètres connectés ont été installés sur toutes les prises d’eau des principaux parcs de la ville. Les informations qui remontent permettent de détecter toute fuite dans le réseau d’approvisionnement et d’intervenir rapidement pour la faire cesser. Au passage vous remarquerez que la même infrastructure est utilisée pour collecter les informations des capteurs d’humidité, des débitmètres, et pour véhiculer les actions sur les vannes. Tous ces équipements doivent donc utiliser les mêmes standards de communication pour être compatibles avec le système. Mieux vaut y penser en amont. Mais quand ce sujet d’interopérabilité est bien anticipé, on peut facilement envisager le déploiement de nouvelles applications au fur et à mesure.
Et pour finir, en plus de moins consommer, on tente de maximiser la collecte des eaux pluviales pour remplir les réserves.
Oui, je voulais vous en parler parce que je ne connaissais pas la technique qu’ils ont mise en place : l’exploitation des aquifères. Ce terme désigne des roches poreuses et perméables qui captent, puis laissent s’écouler l’eau lentement. Des sortes de nappes phréatiques, mais plus diffuses en somme. Aujourd’hui Las Rozas exploite trois de ces puits grâce à un système de pompage alimenté par des panneaux solaires, et géré à distance. L’eau des aquifères est ainsi utilisée pour irriguer les espaces naturels. C’est autant d’économisé sur le réseau d’alimentation classique.
Merci Christine Le Brun.
Merci Laurence, la semaine prochaine, nous parlerons encore d’eau, mais cette fois-ci de la problématique inverse : quand il y en a trop !
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.