Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.
Bonjour Christine, pour cette deuxième chronique consacrée au changement climatique, aujourd’hui vous allez revenir sur la présentation la semaine dernière du 3e Plan National d’Adaptation au Changement Climatique. Pouvez vous déjà nous dire de quoi il s’agit ?
Le PNACC3, comme on l’appelle dans les milieux concernés, est un ensemble de directives élaborées par l’Etat, qui décrivent les actions nécessaires pour adapter le territoire français au changement climatique. Et si on en est à la 3e version, c’est parce que les prévisions concernant le changement climatique évoluent régulièrement, grâce aux observations menées depuis les années 90, et grâce aux travaux du GIEC.
Est-ce que cela a un lien avec les accords de Paris dont vous nous avez parlé la semaine dernière ?
Bien sûr, même si je le rappelle, les accords de Paris visent en premier lieu à se donner des objectifs de décarbonation, en vue d’atteindre une neutralité carbone d’ici à 2050.
Elaborer un Plan d’Adaptation au Changement Climatique ne veut pas dire qu’on renonce aux efforts de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Ceux-ci doivent continuer, par exemple en incitant à la mobilité douce, ou en rénovant les bâtiments. Mais ce plan est là en parallèle, car il est à présent absolument certain que nous devons nous préparer à une hausse supplémentaire des températures et à ses conséquences. Concrètement, si je résume, l'atténuation s'attaque aux causes du changement climatique, tandis que l'adaptation s'attaque à ses effets. En somme, la première consiste à limiter le réchauffement, et la seconde à apprendre à vivre avec.
Alors, qu’est ce qui change justement avec cette 3e version du Plan ?
Dans la version précédente, on tablait sur un réchauffement de 1,5 à 2°C à l’horizon 2100. Le plan présenté lundi dernier table cette fois sur un niveau bien plus élevé : +2,7°C en 2050 et +4°C en 2100. Et c’est un point majeur, salué par les acteurs de l’environnement.
Cela veut dire que la situation s’aggrave, ou que la prise de conscience est là. Du coup, pouvez-vous nous résumer ce que prévoit ce plan et à quoi il va servir ?
Ce plan est important car c’est à travers ce document que l’Etat donne la direction aux collectivités sur la façon de s’engager dans la démarche d’adaptation. Et notamment, il leur demande d’intégrer cette trajectoire du +4° à tous leurs documents de planification, et ce à toutes les échelles.
Il prévoit également plus de 50 mesures et un budget de 600 millions d’euros réservé à l’adaptation. C’est évidemment trop peu pour certains. Mais il faut voir le PNACC comme une première étape. Son intérêt est déjà d’inscrire les besoins d’adaptation dans le débat local.
Et quelles sont les étapes suivantes alors ?
Et bien si l’Etat donne les grandes directions, c’est à présent aux collectivités de prendre le relais. Il faut affiner la maille, analyser la situation territoire par territoire en fonction des enjeux locaux et imaginer les solutions les plus adaptées au cas par cas. Parce qu’évidemment la problématique et les effets du changement climatique ne sont pas les mêmes à Toulouse qu’à St Malo ou à Chamrousse. Cette analyse est un problème complexe. Pour cela, les collectivités peuvent s’appuyer sur des données et des simulations fournies par des organismes nationaux de référence comme Météo France, la DRIAS pour l’eau ou encore le BRGM qui produit des données sur les risques géologiques. D’autres instances comme le CEREMA et l’ADEME peuvent proposer un accompagnement méthodologique. Grâce à toutes ces contributions, on peut cartographier précisément l’existant d’un territoire sur différents aspects environnementaux comme l’occupation et la qualité des sols, l’ensoleillement, la ressource en eau…, et projeter les risques dus aux évènements climatiques sur un territoire donné, à partir de modélisations pointues.
Et ensuite on se base sur ces études pour dessiner des solutions, c’est bien cela ?
Oui, cela se joue notamment sur les infrastructures, pour améliorer leur robustesse et leur résilience. Les routes et les ponts sont bien sur particulièrement étudiés. L’aménagement urbain est également au cœur du sujet, notamment pour s’adapter aux fortes précipitations et à la formation des ilots de chaleur urbains. Enfin, les bâtiments sont également concernés, pour faire face à l’augmentation des canicules et préserver le confort des habitants.
Et j’imagine que dans certains cas, cela pourrait amener à des décisions difficiles ?
Oui, notamment en raison du retrait du trait de côte, des risques de submersion marine et de crues, il pourrait s’avérer nécessaire de prendre des décisions drastiques, comme de déplacer certains quartiers. Pour rendre cela acceptable, la sensibilisation de la population est nécessaire. Or selon un sondage récent, 66% des personnes vivant en zone inondable ne sont pas conscientes du risque auquel elles sont exposées. Le travail est donc également énorme de ce côté-là. Pourtant, ce qui est certain, c’est que la ville de demain doit d’une certaine manière faire avec la nature, et non s’opposer à elle. C’est une question qui peut sembler de bon sens, mais qui se heurte à de nombreux écueils et enjeux économiques. C’est pour cela qu’il est crucial que ce sujet prenne encore plus sa place dans le débat public.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.