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Hambourg: Une coopérative pour produire et gérer l'énergie

Photo de Martti Salmi sur Unsplash Hambourg: Une coopérative pour produire et gérer l'énergie
Photo de Martti Salmi sur Unsplash

Une chronique de Christine Le Brun, Experte Smart Cities & Places chez Onepoint, où nous parlerons de villes, d’outils et de technologies numériques, de données, mais aussi des citoyens et de ceux qui font les villes.

Aujourd’hui vous allez nous parler d’énergie, et c’est en Allemagne que cela se passe, à Hambourg, avec un projet citoyen autour du photovoltaïque et de l’autoconsommation.

Depuis bien longtemps, l’Allemagne est en tête de classe concernant les énergies renouvelables. La part des EnR dans sa production totale d’électricité atteint 59% en 2024, là où la moyenne européenne se situe à 47%. Mais ce qui est vrai à l’échelle nationale l’est aussi à des échelles plus petites, avec des centaines d’initiatives pour faire progresser le sujet, comme ce que nous allons voir à Hambourg.

Et cela ne date pas d’hier je crois, avec une politique très volontariste de la part de la collectivité ?

En effet, sous l’impulsion de plusieurs organisations comme EnergieNetz Hamburg, un referendum sur les réseaux électriques a été organisé en septembre 2013 et a conduit au rachat de ceux-ci par la collectivité. L’objectif est à la fois d’être plus directif et contraignant dans la lutte contre le changement climatique, en accélérant la sortie du charbon, mais aussi d’instaurer une protection contre la flambée des prix de l’énergie. Aujourd’hui la totalité des réseaux d’électricité, de gaz et de chauffage urbain sont à nouveau la propriété de la ville de Hambourg, et relèvent du bien commun et du contrôle démocratique. 

Voilà pour le cadre politique des choses et les grosses infrastructures, mais comment est-ce que cela se décline à d’autres échelles ?

Et bien par exemple, dans le quartier de Bergedorf, une zone en pleine croissance, c’était l’objet du projet My Smart Life. Dans ce quartier, des centaines de nouveaux logements étaient en cours de construction, avec de nouvelles populations à venir, et donc un terrain de jeux pour tester de nouvelles solutions. Le projet consistait entre-autres à proposer aux futurs locataires de se partager l’énergie produite par une centrale comprenant des panneaux solaires, et un stockage de l’électricité par batterie. L’objectif était bien sûr de tester de nouvelles technologies, avec au passage le monitoring de la consommation, mais aussi d’expérimenter un nouveau modèle économique et d’explorer le comportement et la motivation des citoyens à participer activement à leur propre système d’approvisionnement en énergie.

Et avec quel résultat ?

Au final, visiblement ils ont été séduits, puisque 95 % des locataires des 79 appartements de l’immeuble ont souscrit à ce système. L’argument climatique est avancé : c’est l’assurance de bénéficier d’une énergie propre, produite sur place, et de contribuer ainsi à la transition écologique du territoire. Mais il y a aussi une réalité économique : le projet a démontré que les résidents ont ainsi accès à une énergie moins chère et à un contrôle sur les tarifs, grâce à leur double rôle de consommateurs et de copropriétaires de l’installation elle-même.

Pour rendre cela possible, il faut quand même un tiers dans la boucle, un spécialiste de l’énergie, qui développe et opère la centrale, non ?

Tout à fait. C’est là qu’intervient EnergieNetz Hamburg, vous vous souvenez, qui avait initié le référendum de 2013. Cette organisation se définit comme une coopérative énergétique citoyenne qui promeut l’autoconsommation et l’électricité directe pour tous. Son objectif est, je cite : « La transition énergétique entre les mains des citoyens, pour faire progresser la transition énergétique de Hambourg. » C’est elle qui met en œuvre et exploite des projets d’électricité complexes, pour le compte des locataires, en leur offrant une possibilité de participation financière. Depuis sa création, ce sont des dizaines de centrales similaires à celle de Bergedorf qui ont été installées, avec une croissance régulière chaque année. Juste pour 2024, les nouveaux projets cumulent une production photovoltaïque totale d’environ 500 kWc, l’équivalent de 170 foyers.

Ce type de coopérative existe aussi en France, mais sans doute moins développé ?

Oui, il existe des initiatives similaires en France, Enercoop en tête, mais aussi dans de nombreux territoires, à des échelles communales comme régionales. Nous sommes moins avancés car le contexte du monopole d’EDF a longtemps limité le potentiel. Ce que je trouve intéressant à souligner ici est l’engagement massif des habitants en faveur du dispositif, et aussi le contexte local favorable qui fait que ce projet est rendu possible grâce à la coopérative de Hambourg, elle-même soutenue par une politique et un engagement fort de la collectivité pour la maitrise et la production d’une énergie propre et renouvelable. Tous les échelons sont mobilisés et c’est ce qui fait le succès grandissant de la démarche.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.