Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Alors, que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Alors, je ne vais pas vous parler de destinations de vacances, de plage et de sable chaud, mais d’excisions. Pour certaines femmes, les vacances sont synonymes de retour au pays, et d’excision surprise. En effet, chaque année, 180 000 jeunes Européennes subissent une excision dans le pays d’origine de leurs parents d’après l’OMS.
Pouvez-vous nous éclairer sur la définition d’excision ?
Parfaitement. Alors l’excision, ou les mutilations génitales féminines sont définies comme : « Toute procédure impliquant l’ablation partielle ou complète des organes génitaux féminins externes, tels que le clitoris, les petites et grandes lèvres, et d’autres lésions des organes génitaux féminins pour des raisons non-médicales ». Cette pratique barbare est malheureusement encore trop répandue dans de nombreux pays, notamment en Afrique et dans certains pays du Moyen-Orient. Cependant, ce que beaucoup de gens ignorent, c'est que l'excision se pratique également en Europe, y compris dans les pays occidentaux, où elle est souvent dissimulée et méconnue. En Europe, l'excision est pratiquée principalement dans les communautés immigrées originaires d'Afrique et du Moyen-Orient. Selon les estimations, il y aurait environ 600 000 femmes excisées en Europe. Toutefois, ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé, en raison du manque de données fiables et de la dissimulation de cette pratique.
Et quelles sont les conséquences de l’excision pour ces femmes, mis à part la pratique en elle-même ?
Cette pratique cruelle, souvent justifiée par des raisons culturelles ou religieuses, et aucunement sur une base médicale ou scientifique, implique effectivement des effets sur les femmes. Pratiquée par une exciseuse, par un membre de la famille ou de l’entourage de la femme, l’excision engendre des douleurs extrêmement intenses, et des saignements excessifs, des infections, des kystes, des difficultés à uriner, des douleurs chronique, un plaisir sexuel très fortement diminué, des troubles psychologiques comme la dépression et l’anxiété, ainsi que des complications lors de l'accouchement, jusqu’au décès de la jeune femme dans certains cas.
Qu’en est-il de la législation à ce sujet au sein de l’Union européenne ? En Europe, l'excision est illégale et considérée comme une violation des droits de l'homme. Cependant, la mise en œuvre de la loi est souvent difficile en raison de la pression culturelle et familiale qui pèse sur les femmes et les filles excisées, ainsi que de la stigmatisation associée à la dénonciation de cette pratique. Il est donc crucial que les gouvernements européens prennent des mesures plus fermes pour lutter contre l'excision. Cela devrait inclure la sensibilisation des communautés à risque, la formation des professionnel·les de la santé à détecter l’excision, à fournir des soins appropriés, et la mise en place de sanctions plus sévères pour les auteurs de cette pratique.
Quant à la parole des femmes ? N’est-il pas important de leurs donner la parole ?
Tout à fait. Nous devons également les soutenir dans leur lutte contre cette infâme pratique. Les femmes doivent également être informées de leurs droits, et encouragées à dénoncer les cas d'excision, sans crainte de représailles, ou de stigmatisation. Il est crucial de reconnaître que l'excision est une manifestation de la violence sexiste, et de l'inégalité entre les sexes. Pour lutter efficacement contre cette pratique barbare, il est donc nécessaire de travailler sur l'égalité des sexes, l'éducation et la promotion des droits des femmes.
Et en France, que faisons pour lutter contre ce fléau ?
Alors Laurence, certain·es médecins se sont spécialisé·es dans le soin de jeunes femmes excisées à l’étranger, comme le docteur Arnaud Sevène par exemple. Ce dernier exerce en Banlieue parisienne, à Saint-Denis, où il a observé que 15 % des femmes suivies pour grossesse ont été excisées.
Autre que des médecins, ces Européennes meurtries se dirigent-elles vers des chirurgien·nes ?
Oui, dont notamment le célèbre urologue Pierre Foldes qu’on retrouve à Saint-Germain-en-Laye. Il serait le premier au monde à avoir créé une technique de reconstruction du clitoris. Celle-ci permet de retrouver un clitoris, et in fine, un plaisir sexuel. Toutefois, la réparation ne se limite pas au physique, puisque les femmes sont également accompagnées par un suivi psychologique à l’institut Women Safe, institut confondé avec la militante Frédérique Martz et le chirurgien en 2014. Sans omettre bien évidemment, la participation d’une multitude d’acteur·rices comme les infirmier·ères, ou encore les juristes. D’ailleurs, le combat de Pierre Foldes ne s’est pas arrêté là, puisqu’il s’est également battu pour obtenir que l'opération soit remboursée par la Sécurité sociale.
Un mot pour la fin ?
200 millions de filles et de femmes ont été victimes de mutilations génitales féminines. Il y en aura 68 millions de plus d’ici 2030. Alors qu’allons-nous faire ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron.