Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Alors que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
La notion d’écoféminisme.
C’est-à-dire ? Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’écoféminisme ?
Tout à fait. Alors l’écoféminisme, c’est un mouvement qui considère que les oppressions des femmes et de la nature sont liées. Mais cette notion va plus loin, en mettant en avant les liens entre la domination patriarcale et la destruction de l’environnement. D’ailleurs, les écoféministes estiment que la nature est souvent assimilée à la femme, car tout les deux sont exploitées de manière similaire. Ainsi, les écoféministes militent pour la défense de l’environnement en mettant en exergue la nécessité de la dimension du genre, ainsi que la prise en compte des voix des femmes dans les décisions environnementales.
Il est vrai qu’il est primordial d’intégrer l’écologie, tout comme le genre dans le processus décisif politique, mais pourquoi le faire avec cette notion d’écoféminisme ?
C’est une très bonne question, et j’admets que, lorsque j’ai entendu pour la première fois parler de cette dernière, je me suis en effet posé la question. Alors, l’écoféminisme est pertinent et primordial en politique, car cette notion souligne l’importance de prendre en compte les perspectives des femmes dans les politiques environnementales, alors que celles-ci ont une approche non genrée en général. Pourtant, ce sont les femmes qui sont souvent les plus touchées par les conséquences néfastes des changements climatiques, et de la destruction environnementale. Alors, pourquoi ne pas prendre ce fait en compte, et intégrer pleinement la spécificité des femmes, afin que les politiques environnementales soient plus efficaces ?
Pour cela, il faudrait d’ores et déjà que l’écoféminisme soit connu du grand public, n’est-ce pas ?
Exactement. Il est vrai que cette notion est peu familière du grand public. Néanmoins, elle est de plus en plus visible dans le débat public, et notamment à travers les nombreuses manifestations pour le climat, et la prise de conscience croissante de l’impact du changement climatique sur les communautés les plus vulnérables.
Et dans l’Union européenne ? L’écoféminisme est il un sujet de mobilisation, de revendications, ou encore de prises de paroles ?
En effet, puisque l’écoféminisme est de plus en plus présent dans les mouvements écologistes et féministes en Europe. Les organisations de femmes et d’environnement travaillent désormais ensemble, pour mettre en avant l’importance de l’intégration du genre dans les politiques environnementales. À titre d’exemple, en France, le collectif "Les Glorieuses" a lancé une campagne afin de mettre en lumière l'impact environnemental des produits menstruels jetables, et ainsi, de lutter contre la précarité menstruelle. Mais nous pouvons retrouver de nombreux autres exemples, comme en Espagne, où les mouvements féministes ont travaillé avec les organisations environnementales, pour mettre en avant les liens entre le changement climatique et la violence sexiste. Sans oublier le cas de l’Allemagne, où les organisations écoféministes ont organisé des manifestations pour demander plus de justice climatique, et pour mettre en avant les voix des femmes dans les décisions environnementales.
Mais alors, pourquoi ce sujet n’est-il pas assez présent dans le domaine publique ?
Il reste encore un sujet relativement marginal, et ce même dans le débat politique. En outre, l’écoféminisme est souvent considéré comme un mouvement radical et marginal, ce qu’in fine, limite énormément sa portée politique.
À ce propos, quels sont les reproches qu’on pourrait faire à l’écoféminisme ?
Alors, certains critiques considèrent que l’écoféminisme est une idéologie radicale qui ne prend pas en compte les réalités économiques et les limites des ressources. D’autres estiment que l’écoféminisme est un mouvement qui ne s'intéresse qu'aux femmes, et qui ne prend pas en compte les besoins des autres groupes marginalisés. Sans omettre celles et ceux qui considèrent qu’il s'agit d'un mouvement qui ne propose pas de solutions concrètes aux problèmes environnementaux.
Comment pourrait-on qualifier les défis de l’écoféminisme, outre les reproches qu’on peut lui faire ?
L'un des principaux défis de l’écoféminisme est de convaincre les décideurs politiques de l'importance de prendre en compte les perspectives des femmes dans les politiques environnementales. D’autant que les femmes sont souvent marginalisées dans les décisions politiques, et il est difficile de faire entendre leur voix, surtout sur ce sujet. De plus, étant donné que l’écoféminisme est considéré comme une idéologie radicale, il faudrait sortir de cette classification, afin qu’il touche les citoyens et les citoyennes, et ainsi nos décideur·ses politiques.
Un mot pour la fin ?
Et vous auditeurs et auditrices d’euradio ? Qu’en pensez-vous ?
Entretien réalisé par Laurence Aubron.