Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Un veto de la Présidente hongroise Novak concernant le projet de loi sur le signalement des familles homosexuelles.
S’agit-il de la loi qui permet le signalement anonyme des couples de même sexe ayant un enfant ?
Parfaitement. En avril 2023, les législateurs hongrois ont adopté une loi qui permet aux citoyens de signaler aux autorités les couples de même sexe qui ont des enfants. Ce comportement est considéré comme contraire au « rôle constitutionnellement reconnu du mariage et de la famille ». Ceci démontre une aggravation des droits LGTBQ+, puisque non seulement l’adoption est interdite par les couples de même sexe, mais cette loi permettrait également de signaler anonymement ceux qui ne respectent pas la loi.
Mais d’où vient cette loi ?
Alors, cette loi provient d’une directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte que le Parlement hongrois a transposé dans son droit national. Or, il a été plus loin dans cette loi qui proposait initialement des système de signalement des violations de la loi, et plus précisément au sein des entreprises, comme par exemple un "canal confidentiel et sécurisé".
Attention, il est pertinent et important de préciser que cette loi ne vise pas spécifiquement la communauté LGBTQ+, puisque les signalements concernent également les « valeurs et droits fondamentaux » entendus par la Hongrie, qu’on retrouve au sein de la Loi fondamentale : « les fautes professionnelles présumées et la corruption », ainsi que « l’intérêt public lié à la protection du mode de vie hongrois ».
C’est quoi le mode de vie hongrois ?
Un mode de vie où les droits LGBTQ+ sont réprimés depuis 2010, l’année de l’ arrivée au pouvoir de Viktor Orban. D’ailleurs, un an après, la Constitution est réécrite afin que le mariage soit défini comme « l’union entre un homme et une femme ». Puis par la suite, la Constitution est de nouveau modifiée afin que l’adoption soit formellement interdite par les personnes du même sexe.
Quelle est la législation européenne concernant le mariage homosexuel et leurs droits ?
Si en 2004, la Cour européenne des droits de l’homme a établi que "le fait de réserver le mariage à des couples constitués d’un homme et d’une femme relève des prérogatives des lois nationales et ne constitue pas une discrimination”, elle revient sur sa décision 4 ans après, et déclare en 2008 que "l’homosexualité ne peut "justifier une différence de traitement juridique quant à la possibilité de devenir parent”.
Le Parlement, quant à lui est assez ferme, et souhaite voir abolir “ toute forme de discrimination (législative ou de facto) dont sont victimes les homosexuels, notamment en matière de droit au mariage et d’adoption d’enfants”. À ce propos, il approfondit son raisonnement en 2010, en déclarant "qu’il existe une inégalité du droit à la liberté de circulation pour les couples homosexuels vers un état membre où la législation reconnaît leur union ou non ».
Soutenant la position du Parlement européen, la Commission européenne encourage "la reconnaissance mutuelle de droits des couples homosexuels en matière d’adoption, ou de mariage sur l’ensemble du territoire européen".
C’est pour cette raison que la présidente hongroise, Katalin Novak a posé son veto ?
Oui, mais pas seulement, puisque dans une lettre qu’elle a écrite à l’Assemblée nationale, elle déclare que la loi est discriminatoire, et qu’ elle « va au-delà de la transposition du droit de l'Union européenne, car la mention des couples de même sexe "ne renforce pas, mais affaiblit plutôt la protection des valeurs fondamentales".
Que va-t-il se passer après ce veto ? La loi, va-t-elle être annulée ?
Malheureusement non. Elle sera renvoyée devant le Parlement pour réexamen.
Toutefois, il est important d’avoir en tête que les législateurs hongrois peuvent encore annuler le veto. Veto très surprenant, puisqu’il vient contrer Victor Orban, mais d’autant plus que tous les deux proviennent du même parti politique.
Quant à l’Union européenne, va-t-elle agir et protéger la communauté LGBTQ+ ?
La Commission européenne avait d’ores et déjà poursuivi la Hongrie pour avoir adopté la loi « anti-propagande » en 2021. Cette loi cherchait à interdire aux mineurs, tous contenus qui « favorisent ou décrivent" ce qu'elle appelle "la divergence par rapport à l'identité de soi correspondant au sexe à la naissance, au changement de sexe ou à l’homosexualité".
Cette loi fut jugée « discriminatoire à l'égard des personnes sur la base de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre ». À présent, la Commission européenne est rejointe par le Parlement européen, ainsi que la France, tout dernièrement l’Allemagne, ainsi que plus d’une douzaine d’états membres. Cette action en justice devant la Cour de justice européenne a pour but de contrer les lois anti LGBTQ+ de la Hongrie. Ainsi, si cette loi est toujours d’actualité après réexamen, j’ose espérer et imaginer que l’Union européenne et ses institutions intenteront une nouvelle action en justice contre la Hongrie.
Un mot pour la fin ?
Oui, le tweet du ministère des Affaires étrangères allemand. « Nous sommes aux côtés de la communauté LGBTQ+. Les valeurs communes de l’UE sont l’ADN de notre société libre et ouverte. La diversité est notre force ».
Entretien réalisé par Laurence Aubron.