Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Alors que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
Une avancée pour les droits des femmes Laurence, et plus particulièrement pour le droit de la famille. Isabelle Santiago, députée du Parti socialiste, a déposé une proposition de loi qui fut adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi avait comme dessein une meilleure « protection et accompagnement des enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales ». Cette dernière permettait de retirer ou de suspendre automatiquement l’autorité d’un parent auteur de violences intrafamiliales.
Cette loi concerne combien d’enfants à peu près ?
Alors, actuellement, on estime à 400 000, les enfants vivant dans des foyers où les violences conjugales sont permanentes. 400 000, rendez-vous compte, c’est énorme ! Et c’est bien pour cette raison, qu’après son adoption par l’Assemblée, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice a déclaré que cette proposition de loi sera étudiée au Sénat sans plus attendre, c’est-à-dire au mois de mars.
Quelle rapidité ! D’ailleurs, comment cette loi se présente-t-elle ?
Alors, elle est composée de deux articles. Le premier demande : « un retrait automatique de l’autorité dès lors qu’un parent est condamné pour viol ou agression sexuelle contre son enfant ou pour un crime ou des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours commis sur la personne de l’autre parent ». Quant au deuxième, il réclame « la suspension de l’exercice de l’autorité parentale, ainsi que des droits de visite et d’hébergement lorsque les violences sur l’autre parent ont entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours. Surtout, cette suspension s’impose dès lors qu’il y a une poursuite du parent pour viol ou agression sexuelle envers son enfant jusqu’à la prononciation du jugement ».
Donc, on privilégie le droit des enfants et leurs protections au droit des parents, c’est bien ça ?
Exactement. Les violences intrafamiliales, comprenant d’ailleurs les incestes, ont été un véritable sujet tabou. Or, depuis la libération de la parole avec #MeToo sur les violences faites aux femmes, le fait que les enfants soient eux-mêmes atteints par ces violences, a été dévoilé en masse sur les réseaux sociaux. D’après la CIIVISE, Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants, 73 % des plaintes pour violences faites aux enfants sont classées sans suite.
Pour quelles raisons ?
Tout d’abord, peu de parents dont les enfants révèlent un inceste portent plainte. Selon les associations de lutte contre l’inceste, il s’agirait de 8 %. Ce qui est très faible. Puis deux questions se posent. Il y a la parole des enfants qui sont très difficiles à recueillir, pour leur jeune âge, leurs difficultés à parler de ces choses, et surtout, et j’insiste dessus, la crainte par la Justice et tout le système judiciaire, de la manipulation des parents, et davantage des mères dans la majorité des cas.
C’est-à-dire ? Les mères manipuleraient leurs enfants afin que la garde des pères leur soit retirée ?
En effet, ce qui peut sembler farfelu à la vue de la gravité des faits reprochés et de leurs implications pour le père et surtout pour l’enfant, sans omettre la mère également. Nous assistons malheureusement à une démarche suspicieuse vis-à-vis de l’enfant ou de la mère, surtout quand cette dernière a été violentée par son mari, quand elle est en pleine procédure de divorce, et quand la personne dénoncée est son ex ou son époux. Il y a une véritable réticence à considérer que sa parole soit basée sur la vérité et non sur l’utilisation de son enfant pour arriver à ses fins.
.Quelle est la seconde raison pour laquelle ses plaintes sont classées sans suite ?
Alors, beaucoup de femmes qui souhaitent protéger leurs enfants vont, après la plainte, ne pas respecter la présentation de l’enfant un week-end sur deux et la moitié des vacances, ou la semaine suivante en cas de garde partagée. Or, malgré le but louable de ce geste, il y a non-présentation d’enfant. Une circulaire datant du mois de février 2022 du ministère de la Justice notifie aux magistrats de faire attention, puisqu'il devrait avoir la possibilité de ne pas inculper la personne pour non-présentation d’enfant lorsqu’on a connaissance de violences.
Quant à la présomption d’innocence ?
Ah malheureusement, cela fait également parti du problème. Toutefois, il important de prendre en considération que la présomption d’innocence s’applique à l’adulte. Mais qu'en est-il de la protection de l’enfant ? C’est pourquoi, c’est la Convention internationale des droits de l’enfant qui prend le relai, avec notamment son article 3 en établissant que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » pour toute décision prise par la justice.
La possibilité de ce retrait de l’autorité parentale, existait-elle ? Était-elle utilisée ?
Elle était peu appliquée, et c’est justement pour cette raison que la proposition de loi permet de le rendre automatique. C’était une loi de 2019 qui permettait « la possibilité de retrait de l’autorité parentale du parent condamné pour un délit, et plus seulement pour un crime, commis sur son enfant ou sur l’autre parent ».
Un mot pour la fin ?
160 000, 160 000, ce sont le nombre d’enfants victimes d’inceste ou de violences sexuelles chaque année en France selon la Ciivise. Pensez-y 160 000.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.