L'européenne de demain - Tarinda Bak

Le congé menstruel, entre débat et avancée sociale

Thomas Coex - AFP Le congé menstruel, entre débat et avancée sociale
Thomas Coex - AFP

Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.

Alors, que nous offre l’Union européenne cette semaine ?

Alors, c’est avec une joie immense, et non dissimulée, qu’aujourd’hui, j’aimerais vous parler du 16 février, et de cette grande première. Grande première nationale et européenne. C’est donc ce jeudi, que les députés espagnols ont voté une loi créant « un congé menstruel » prévu pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Quel jour.

L’Espagne est le seul pays européen à avoir créé ce congé menstruel n’est-ce pas ?

En effet. Mais l’Espagne n’est pas le seul état qui possède une telle législation. Cette mesure est d’ores et déjà mis en vigueur au Japon, en Indonésie, en Zambie, Corée du Sud, ou encore Taïwan. Alors, je ne vous cache pas que j’ai été quelque peu surprise de savoir que ce congé menstruel était présent dans d’autres pays du monde, mais nullement au sein de l’Union européenne, à l’exception du cas espagnol.

Qu’ implique concrètement cette nouvelle loi ?

Alors, le congé menstruel est compris comme "l'arrêt de travail d'une femme en cas de règles incapacitantes" liées, par exemple, "à des pathologies comme l'endométriose". Il sera par conséquent "reconnu comme une situation spéciale d'incapacité temporaire" de travail. Ce dernier permettra " d'accorder à cette situation pathologique une régulation adaptée afin d'éliminer tout biais négatif" pour les femmes "dans le monde du travail".

Quel état fut le pionner pour la législation de ce congé menstruel ? Le Japon ?

Exactement. Le Japon est le pionnier dans ce domaine puisque le congé menstruel a été mis en place en 1947. C’est au sein de l’article 68 du Code du travail nippon qu’on le retrouve. Ce dernier dispose que : « Lorsqu'une femme, qui expérimente des cycles menstruels douloureux, souhaite disposer d'un congé, l'employeur doit respecter sa demande ».

Ainsi, ce congé peut durer quelques heures à quelques jours, car aucune limite de temps n'a été fixée. Ce qui sera le cas également en Espagne, puisque nous n’avons aucune précision sur la durée de ce congé, hormis que ce dernier devra être accordé par un médecin, et sera financé par la Sécurité sociale espagnole.

Ce congé menstruel, est-il réellement utilisé dans les faits ?

Alors, une étude du ministère japonais du Travail, de 2020, a démontré que dans 6 000 entreprises, seulement 0,9 % des femmes y ont eu recours. Et de nombreuses raisons l’expliquent, la pression sociale, la prime en cas de non-utilisation du congé, la quantité de travail importante, et l’absence d’indemnisation du congé menstruel par l’État.

Et en France ? Je sais que la législation française ne prévoit pas l’instauration de ce congé, mais qu’en est-il au sein des entreprises ?

Certaines start-ups ont pris les devants, en offrant la possibilité aux femmes qui travaillent au sein de leurs entreprises, de prendre ce congé. Cette initiative fut reprise par des entreprises privées, et également dans le milieu politique. Effectivement, rappelons-le, le Parti socialiste l’avait l’inscrit dans son programme pour la présidentielle de 2022, tout comme Europe Écologie Les Verts ou encore Les Républicains. Toutefois, il est pertinent d’observer que, certains partis politiques l’ont déjà mis en œuvre en leur sein, comme le Parti socialiste qui, depuis le 7 novembre, offre un jour de congé par mois aux salariées de leur siège, et ce, peu importe le contrat.

Donc s’agit-il d’une avancée historique pour les droits des femmes ?

Il y a un véritable débat sur ce sujet, et de nombreuses craintes. Effectivement, ce congé menstruel permet d’appréhender la douleur des menstruations dans le domaine public, et dans le travail, en ôtant ce visage tabou. Toutefois, de nombreuses interrogations subsistent comme d’éventuelles stigmatisations lors de l’embauche, et in fine, une raison de plus pour les exclure du monde du travail.

Un mot pour la fin ?

1,5 à 2,5 millions de femmes sont atteintes d’endométrioses selon le ministère de la Santé et de la prévention. Alors, pour ces femmes, pour les accompagner dans cette maladie, et dans leur douleur, il serait bien temps que la France rejoigne l’exemple de l’Espagne, une nouvelle fois.

L'équipe

Entretien réalisé par Laurence Aubron.