Tous les mercredis, retrouvez Tarinda Bak sur euradio pour sa chronique intitulée "L'européenne de demain", dans laquelle il sera question des combats menés par les femmes en Europe et partout dans le monde.
Que nous offre l’Union européenne cette semaine ?
La fierté. Avez-vous déjà ressenti une fierté si grande que vous souhaitez la crier à chaque passant·e ?
À dire vrai, cette semaine, j’ai compris pour quelles raisons j’étais fière de mon pays, fière de nos élu·es, mais surtout, fière d’être femme. Jeudi fut un moment historique, pour les Français et les Françaises, mais également pour l’Union Européenne, et, ne l’oublions pas, pour le monde.
Vous parlez de l’article 66, qui dispose que :"La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse", n’est-ce pas ?
Parfaitement. Cet article marque les générations à venir comme l’a si justement souligné la députée Mathilde Panot, et représente un magnifique message transpartisan. Malheureusement, réside ici un mais dans cet avant-gardisme des droits sexuels productifs. En effet, vous avez sans doute remarqué que la mention de la contraception a été retiré du projet de loi par crainte de l’obstruction parlementaire et de l’absence de consensus.
À ce sujet, qu’en est -il de la contraception d’urgence en France ?
Alors, la contraception d'urgence est gratuite et accessible en pharmacie pour les jeunes femmes mineures, avec ou sans prescription. Toutefois, elle n’est plus gratuite sans prescription pour les autres. C’est pourquoi François Braun, notre ministre des Solidarités et de la Santé, a présenté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, devant le conseil des ministres le 26 septembre. La raison est simple, offrir la gratuité de la contraception pour toutes les femmes, sans ordonnance, et sans limites d’âges, et ce, dès le 1 janvier.
Et la gratuité de la contraception générale en France, a-t-elle une limite d’âge ?
Malheureusement oui. Depuis le 1er janvier 2022, la contraception est gratuite seulement pour les femmes de moins de 26 ans. Cette loi prévoit une prise en charge de la contraception hormonale, du bilan biologique, de la consultation de prescription ainsi que de tous les soins liés à la contraception.
La France s’érige-t-elle comme nation modèle concernant les droits reproductifs en Europe ?
Il est important de souligner sa législation que les autres états membres peuvent lui envier. Or, il est tout aussi important de rappeler que la période de crise pandémique nous a permis de constater que cet accès à la contraception est loin d’être considéré comme prioritaire en France. Ce qui nous amène à la conclusion que l’accès à la contraception doit être d’accès absolument direct, même en période de confinement, ou de fermeture des centres de planning familial.
Qu’en est-il des législations au sein de l’Union européenne ?
Il faut savoir que le Forum parlementaire européen sur les droits sexuels et reproductifs a lancé, en février 2019, la troisième édition de l’Atlas européen de la contraception. Il s’agit d’une carte évaluant 46 pays à travers l’Europe sur leur politique de contraception. Et à la deuxième place, on retrouve nos voisins les Belges. Une place bien méritée puisqu’en Belgique, depuis le 1er avril 2020, la plupart des contraceptifs, et j’insiste sur le mot plupart, sont gratuits jusqu’à 25 ans. Alors que la prise en charge est totale en France.
Vous avez insisté au début notre échange sur le retrait de la mention de la contraception lors du projet de loi, pourquoi ?
Nous vivons dans un monde où chacune de nos lois et chacun de nos droits nous semblent acquis. Et malheureusement, le législateur est quelque peu surprenant. Prenons le cas des Pays-bas par exemple. En 2008, ce sont eux qui disposaient de la meilleure législation en matière de contraception. Les mineures et les femmes adultes disposaient d’un accès libre, direct et gratuit. Pourtant cette loi a été remise en cause. La pilule contraceptive, alors prise en charge par l’assurance maladie, a été retirée de la liste des traitements pris en charge par la collectivité, pour les femmes de plus de 21 ans. D’ailleurs, à ce sujet, le 6 octobre 2021, le tribunal de la Haye a jugé, consécutivement à la saisine de plusieurs organisations féministes et plus de 7000 sympathisant·es individuel·les, que la pilule contraceptive n’a pas à être réinscrite comme traitement dans l’assurance maladie.
Un mot pour la fin ?
Il y a de ces batailles qui rassemblent, et c’est sur celles-ci que nous devons nous concentrer. Car le monde meilleur que nous souhaitons, c’est uni que nous le bâtirons.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.