Alors, avez-vous passé une bonne semaine ?
Oui, et l’Union européenne aussi, pour ce qui est d’une élection, en l’occurrence celle au suffrage universel direct du Président de la République tchèque – on a déjà eu l’occasion d’évoquer ce scrutin ici-même.
On redoutait en effet à BRUXELLES que soit élu l’ancien Premier ministre, Andrej BABIŠ, sulfureux homme d’affaires pro-russe, mêlant régulièrement les intérêts de ses entreprises aux décisions du gouvernement, souvent d’ailleurs dans l’utilisation de fonds provenant de l’UE.
Et il n’en fut rien. Son adversaire, le Général (à la retraite) Petr PAVEL, l’aura emporté au second tour, samedi, avec plus de 58 % des voix, en dépit d’une campagne éhontée de M. BABIŠ sur le mode ‘Si un militaire gagne, ce sera la guerre chez nous, comme en Ukraine’.
Mais le Général PAVEL, dit le Lion blanc en raison de la couleur de ses cheveux et de sa barbe, n’est pas n’importe quel soldat : diplômé notamment d’une prestigieuse université britannique, il est l’ancien Numéro un des armées tchèques, poste qu’il a quitté pour venir ici présider le Comité militaire de l’OTAN. C’est dire s’il est chez lui dans les milieux atlantiques et européens.
Il succède au Château de PRAGUE à l’imprévisible et irascible Miloš ZEMAN, comme M. BABIŠ admirateur de Vladimir POUTINE.
Ce n’est évidemment pas la seule nouvelle de la semaine écoulée ?
Non, bien sûr ; et pour rester dans le domaine de l’Alliance atlantique, on notera que le Président turc Recep Tayyip ERDOĞAN entend bloquer l’adhésion de la Suède à l’OTAN, le prétexte étant une manifestation devant l’Ambassade de son pays à STOCKHOLM, au cours de laquelle un militant d’extrême-droite avait mis le feu à un exemplaire du Coran. En Suède, on n’exclut pas la piste d’une provocation pilotée par les services russes.
En attendant la suite, le Ministre finlandais des Affaires étrangères a rappelé que son pays n’entrerait à l’OTAN qu’en même temps que la Suède, en ajoutant qu’il serait conseillable de mettre en veilleuse les négociations en cours avec la Turquie.
L’UE aura, on l’imagine, bien accueilli l’offensive anti-corruption en Ukraine ?
Absolument. Car, avant la guerre, c’était l’un des reproches majeurs adressés par les Européens aux autorités de KYEV. Et le renvoi simultané d’une considérable brochette de ministres et de gouverneurs de province est un message fort du Président ZELENSKY, destiné aussi bien à ses concitoyens qu’aux capitales étrangères : ‘La guerre n’excuse pas tout’.
Enfin – et c’est peut-être un rapprochement osé de ma part – il y a eu dimanche un autre licenciement sec et sans appel : c’est celui du ministre et président du Parti conservateur britannique, Nadhim ZAHAWI, convaincu d’avoir occulté, dans ses déclarations fiscales, des millions de Livres sterling.
Le Premier ministre, Rishi SUNAK, comptait se refaire une réputation de Monsieur Propre de la politique londonienne ; mais, pas de chance, on vient de découvrir qu’il avait été destinataire d’une note de l’administration, lui déconseillant fortement de nommer M. ZAHAWI, précisément pour ce motif fiscal. C’est donc son portefeuille trop garni qui aura précipité la chute de ce Ministre sans portefeuille.
Et cette semaine, chez vous à BRUXELLES, on reparle de l’Ukraine ?
C’est cela. Vendredi se réunit le Sommet Ukraine-Union européenne, rencontre prévue par le statut officiel de candidate à l’adhésion à l’UE reconnu à l’Ukraine depuis juin dernier. On devrait y constater des progrès significatifs dans des domaines pour l’heure marginaux, tels les importations hors-taxes dans l’UE de produits ukrainiens, ou la perspective pour la devise ukrainienne, la Hryvnia, de rejoindre à terme la zone Euro. L’extension au territoire ukrainien de l’itinérance sans frais des téléphones portables est également à l’ordre du jour.
Ce n’est évidemment pas rien, mais on ne voit pas comment à ce rythme-ci on pourrait envisager sérieusement l’adhésion de l’Ukraine à l’UE dès 2026, comme on ne cesse de le répéter à KYEV.
Autre chose, cette semaine ?
Oui (en dehors d’une réunion de routine du Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE), c’est une initiative de la Commission européenne qui traîne la Chine devant l’instance de règlement des litiges de l’Organisation mondiale du Commerce qui a retenu mon attention.
En cause, d’abord les sanctions économiques infligées par PÉKIN à la Lituanie en raison des bons rapports de cet État-membre de l’UE avec Taïwan ; et, ensuite, les obstacles administratifs qui empêchent les entreprises européennes d’attaquer devant les tribunaux chinois les responsables de détournements de leurs brevets.
Vu la durée (qui se chiffre généralement en années) avant qu’aboutisse ce genre de procédures, il faudra assurément s’armer de patience – mais de cela, les Européens ont bien l’habitude. Courage, et ne lâchons rien.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.