Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.
Alors, Quentin Dickinson, avez-vous passé une bonne semaine ?...
Oui, comme toujours lors des sessions plénières du Parlement européen à STRASBOURG, où cette institution s’arrache à la pesanteur du travail de fourmi de l’UE à BRUXELLES pour s’élever à des considérations plus politiques et où l’on n’hésite pas à échanger des visions d’avenir, des principes, des conceptions morales – bref, une fourmillante et passionnante agora.
Qu’avez-vous retenu particulièrement de votre escapade strasbourgeoise ?...
D’abord, bien sûr, l’annonce par la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der LEYEN, de l’identité et des portefeuilles des vingt-six commissaires-désignés. Ceux-ci sont d’abord passés au crible par la Commission parlementaire des Affaires juridiques, histoire de débusquer préventivement toute source de conflit d’intérêts ; ce n’est qu’après avoir obtenu ce quitus que les commissaires-désignés passent à l’étape suivante, c’est-à-dire les auditions devant les commissions parlementaires spécialisées en rapport avec leur portefeuille, rarement un moment de plaisir pour les impétrants. Des vingt-six, on peut estimer qu’entre deux et cinq pourraient être recalés par les eurodéputés.
Mais il y a un certain problème, Quentin Dickinson…
…et même un problème certain, car les députés veulent aller jusqu’au bout des choses et que cela prend du temps.
Mais – surtout – compte tenu des nouveaux contenus des portefeuilles définis par Mme von der LEYEN, nombre de commissaires-désignés devront être entendus par deux, voire trois, commissions parlementaires différentes. Le remplacement par les gouvernements des pays-membres des candidats rejetés retardera d’autant le processus. Dès lors, l’objectif d’avoir tout bouclé pour le 30 octobre paraît s’éloigner, ce qui reporte évidemment le début du mandat de la nouvelle Commission, alors que la guerre se poursuit en Ukraine, qu’une escalade militaire de fait s’opère au Proche-Orient, et que l’on connaîtra le résultat des élections présidentielles américaines.
Sous réserve de confirmation des commissaires-désignés, quelle impression générale retire-t-on des choix d’Ursula von der LEYEN ?...
D’abord, puisqu’on a beaucoup glosé sur le recul de la parité des genres, avec onze femmes sur vingt-sept commissaires, une forme de compensation a été trouvée : moins de femmes certes, mais à des postes plus importants, de vice-présidences par exemple.
Ensuite, un message clair envoyé à Vladimir POUTINE : la patronne de la diplomatie et le chef de la défense sont tous deux originaires de pays baltes : l’Estonie pour Mme Kaja KALLAS et la Lituanie pour M. Andrius KUBILIUS. Connaissant particulièrement bien les Russes, l’un et l’autre ont la réputation de faucons anti-Kremlin ; on ajoutera qu’ils sont placés sous l’autorité de la vice-présidente Henna VIRKKUNEN, originaire de Finlande, pays qui, historiquement, a lui aussi souffert de nombreuses invasions et annexions de la part des Russes.
Enfin, la redéfinition du contenu des portefeuilles apporte davantage de poids dans les questions économiques aux pays du sud et de l’est de l’Europe.
Mais il y a aussi des affaires de personnes que Mme von der LEYEN a réglé à sa façon, c’est cela ?...
…à sa façon, avec une certaine fermeté (pour rester charitable). Il y a eu le cas du commissaire français, Thierry BRETON, dont elle a obtenu le retrait par le Président MACRON en échange d’un portefeuille plus glorieux, assorti d’un titre de vice-président. Seulement, celui-ci, Stéphane SÉJOURNÉ, éphémère ministre français des Affaires étrangères, débarque à ce niveau de responsabilité avec, sous son autorité, deux commissaires riches d’une grande expérience de la fonction et qui, de toute évidence, n’iront pas souvent lui demander la permission de parler. Ici, on n’hésite pas à parler d’un marché de dupes dont Emmanuel MACRON aurait fait les frais.
Autre règlement dépourvu de délicatesse, le sort du commissaire-désigné italien, proche de Mme MELONI et membre de son parti de la droite nationaliste, M. Raffaele FITTO, dont les partis de gauche et d’autres réclamaient véhémentement le retrait de sa candidature – mais Ursula a tranché : M. FITTO est maintenu, et même avec en prime un titre de vice-président.
Autre chose à signaler cette semaine ?...
Notre chronique semainière est essentiellement consacrée à l’actualité européenne, mais permettons-nous aujourd’hui un petit coup de projecteur sur un aspect injustement méconnu de la campagne présidentielle aux États-Unis.
On le sait, dans le monde merveilleux de Donald TRUMP, l’assassin est toujours supposé être immigré, de préférence noir, et, si possible, haïtien. En revanche, l’innocente victime est nécessairement blanche et trumpiste. Or, lors de la récente tentative supposée d’assassinat de l’ancien Président étatsunien, le mis en cause est un quinquagénaire blanc, alors que le Procureur de la Floride méridionale, qui gère l’affaire, est noir, et est arrivé là en provenance d’Haïti, à l’âge de seize ans.
Comme quoi le hasard a parfois le sens de l’humour.
Un entretien réalisé par Laurent Pététin.