Échos d'Europe

Trump II : Bouleversement des relations transatlantiques

Photo de Chait Goli - Pexels Trump II : Bouleversement des relations transatlantiques
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Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Michel Derdevet, président de Confrontations Europe, présente le dossier spécial intitulé : “Trump II : Bouleversement des relations transatlantiques”, rassemblant des publications de six contributeurs différents qui soulèvent les enjeux majeurs du retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, en quoi le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pose-t-il de nouveaux défis géopolitiques à l’Union européenne ?

Le déclenchement de la guerre en Ukraine a mis en lumière la vulnérabilité de l’Europe à face à la nécessité d’assurer sa propre défense. Avant l’invasion russe, aucun des Etats européens membres de l’OTAN n’atteignait l’objectif de consacrer 2 % de leur PIB à la défense. Aujourd’hui, 23 des 32 pays membres de l’Alliance respectent cet engagement. Pourtant, l’Union européenne est confrontée à une nouvelle réalité géopolitique avec le retour de Donald Trump au pouvoir.

La gestion du dossier ukrainien par l’administration Trump suscite de profondes inquiétudes chez les Européens. D’une part, ceux-ci sont exclus des négociations, de qui les empêche de défendre leurs intérêts en matière de sécurité européenne. D’autre part, la réouverture du dialogue avec le Kremlin, marque une rupture avec la posture adoptée jusqu’ici par les Européens. Au-delà d’un simple cessez-le-feu entre l’Ukraine et la Russie, l’enjeu porte aussi sur la sécurité de l’Ukraine et de l’ensemble du continent européen, alors que Donald Trump a laissé entendre un désengagement progressif du parapluie sécuritaire américain.

La guerre en Ukraine et les incertitudes entourant la politique étrangère américaine imposent une réflexion stratégique majeure à l’Union européenne et offrent une occasion unique d’approfondir son autonomie stratégique.

Quel est l’impact de l’approche “America First” de Donald Trump sur les relations économiques et commerciales avec l’Union européenne ?

Les économies américaine et européenne sont profondément interdépendantes, les Etats-Unis étant le principal partenaire commercial de l’Union européenne. Le commerce transatlantique est excédentaire pour l’Europe, et les investissements directs étrangers entre les deux blocs sont particulièrement importants. Toutefois, la politique protectionniste de Donald Trump, marquée par l’imposition de droits de douane de 25 % sur les produits européens, menace plusieurs secteurs industriels européens et fragilise les relations économiques bilatérales.

Face à cette nouvelle donne, l’Union européenne doit se préparer à une reconfiguration des relations commerciales sous l’administration Trump, caractérisée par un affaiblissement du multilatéralisme et une instrumentalisation croissante des relations économiques à des fins géopolitiques.

Enfin, l’unité européenne sera mise à l’épreuve, Donald Trump pouvant chercher à diviser les Etats membres pour affaiblir leur position. L'UE devra donc adopter une approche cohérente et équilibrée afin de défendre ses intérêts communs face aux défis posés par la nouvelle administration américaine.

Est-ce qu’un partenariat transatlantique sur l’énergie est toujours possible ?

Le 27 janvier dernier, les Etats-Unis ont acté le retrait, pour la deuxième fois, des Accords de Paris sur le climat, laissant l’Union européenne plus isolée sur ce front. Néanmoins, un partenariat transatlantique sur l’énergie pourrait constituer une option positive et limiter les tensions entre les deux blocs.

Les expériences passées en ont déjà démontré l’efficacité d’une telle coopération, notamment avec le succès du partenariat stratégique sur le gaz naturel liquéfié.

De nombreux terminaux GNL ont été construits en Europe, tandis que la production de GNL et la construction de méthaniers ont été accélérées aux Etats-Unis. Cette double manœuvre a largement contribué à préserver le système énergétique européen lorsque la guerre de haute intensité a éclaté en 2022, privant l'Europe d’environ 100 milliards de mètres cubes de gaz russe. L’énergie est un enjeu de plus en plus stratégique, tant en termes de sécurité que de compétitivité et de transition climatique. Les technologies émergentes joueront un rôle primordial dans l’avenir : batteries, stockage, nouveaux réacteurs nucléaires (SMR), gestion des déchets nucléaires, fusion, composants essentiels du solaire et de l’éolien, capture du CO₂, hydrogène, réduction du méthane, carburants avancés.

Ainsi, il est essentiel d'identifier les domaines où des intérêts communs existent, car tout partenariat stratégique doit être équilibré pour garantir sa pérennité.

L’Union européenne arrivera-t-elle à sauvegarder sa souveraineté numérique face aux Etats-Unis ?

La relation transatlantique dans le domaine du numérique a toujours été déséquilibrée en faveur des Etats-Unis. Aujourd’hui, les GAFAM dominent l’économie numérique occidentale, tandis que les Européens peinent à rivaliser. Afin d’éviter un contrôle total dans la chaîne de valeur du numérique par ces géants, la Commission européenne a adopté le Digital Markets Act pour empêcher les GAFAM d’abuser de leur position de monopole au détriment des entreprises européennes, souvent reléguées en bout de chaîne.

La nouvelle politique américaine en matière de numérique s'annonce intransigeante, comme l’a montré les menaces du Vice-président JD Vance visant les réglementations européennes, notamment le Digital Services Act, qui encadre les plateformes du numérique. L’UE va devoir se battre pour appliquer ses politiques visant à limiter le pouvoir des grandes entreprises technologiques américaines et développer une véritable stratégie industrielle européenne couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur du numérique.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.