Le Journal des 27

Le Journal Des 27 - Mardi 21 Juin

Le Journal Des 27 - Mardi 21 Juin

Bienvenue dans cette édition du journal des 27, l’émission qui suit le travail de la présidence française de l’UE. Depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’à la fin du mois de juin, c’est la France qui est ainsi chargée de coordonner le travail des 27 au sein du Conseil de l’Union européenne, institution qui réunit les ministres des différents Etats-membres. 


Commençons cette édition en nous intéressant au travail du Conseil Agriculture et Pêche qui a validé, la semaine dernière, la mise en place de clauses dites “miroir” pour les produits agroalimentaires. Avant de nous intéresser à ce que sont ces clauses, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le contexte dans lequel intervient cet accord ?

Au cours des dernières années, le nombre de réglementations concernant la chaîne de production alimentaire a fortement augmenté en vue de protéger davantage l’environnement et les consommateur·rices. Une activité législative bénéfique pour les consommateur·rices mais qui crée néanmoins des distorsions de concurrence pour les agriculteur·rices européen·nes, par rapport aux agriculteur·rices d’autres zones géographiques, qui ne sont pas soumis aux mêmes règlements. 

Et en quoi consistent lesdites normes miroir ?

Les clauses miroir sont des normes environnementales, appliquées aux produits importés sur le territoire de l’UE, qui offrent une protection équivalente à celle en vigueur dans l’UE. Elles visent essentiellement à promouvoir la sécurité alimentaire, à combattre la crise environnementale ainsi qu’à assurer une juste rémunération aux éleveur·euses et agriculteur·rices.

Qu’impliquent ces distorsions de concurrence concrètement?

Cela signifie, par exemple, que des lentilles cultivées au Canada peuvent être importées dans l’UE alors que des pesticides interdits en Europe ont été utilisés. L’application de normes plus protectrices de l’environnement et des consommateur·rices dans l’UE devient alors obsolète car les agriculteur·rices hors UE ne sont pas tenu·es de les respecter et des produits non-conformes auxdites normes entrent dans le marché européen. Ces pesticides interdits en Europe sont, par ailleurs, moins chers, ce qui a pour effet de créer un désavantage économique dans le chef des agriculteur·rices européen·nes.

Et si le principe d’imposer ces normes fait l’unanimité parmi les ministres de l’agriculture réunis en Conseil, leur application risque de rencontrer quelques difficultés.  

En effet, les règles de l’OMC pourraient constituer un blocage à cette politique. Tout d’abord, l’UE ne peut pas imposer ces mesures de manière unilatérale. Contrairement à d’autres secteurs tels que la biodiversité, aucun accord international ou organe indépendant n’est prévu en vue d’assurer des systèmes alimentaires durables. Un consensus international en la matière est nécessaire ou la conclusion d’accords bilatéraux avec les différent·es partenaires commerciaux·ales.


Continuons ce journal en nous penchant sur la proposition de règlement sur l’Espace européen des données de santé, discutée la semaine dernière au sein du Conseil de l’UE. Les ministres ont accueilli favorablement ce qui constituera un véritable pilier de la politique de santé de l’UE. Que contient cette proposition de règlement ?

Cette proposition de règlement a pour objectif de mettre en place un cadre juridique clair en vue de faciliter l’accès des patient·es à leurs données sous forme électronique, le partage desdites données avec les professionnel·les de la santé au sein de l’UE ainsi que la réutilisation de ces données par les chercheur·euses, entreprises et pouvoirs publics. 


Concrètement, comment ces objectifs seront-ils mis en place ?

Ce règlement permettra par exemple, à un·e patient·e espagnol·e en voyage en Italie d’accéder à une prescription dans une pharmacie locale. Ou encore, à un docteur aux urgences en France d’accéder aux informations de santé d’un·e patient·e finlandais·e.

Et une nouvelle gouvernance des données de santé va être mise en place. 

La Commission souhaite créer le European Digital and Health Data Board. Il s’agit d’un groupe d’expert·es assurant la coopération entre les différentes autorités compétentes. Ils·elles seront chargé·es de gérer les demandes d’accès à certaines données.

Mais l’efficacité de l’Espace de santé européen risque de rencontrer quelques obstacles.

En effet, la réussite du programme dépend de la volonté des citoyen·nes européen·nes à partager certaines de leurs données les plus intimes alors que la technologie du COVID Pass avait déjà été accueillie avec grande méfiance. Par ailleurs, l’idée d’un contrôle accru de l’Union sur cette infrastructure suscite des inquiétudes auprès des Etats-membres. Ils craignent de perdre le contrôle en matière de données de santé en devenant de simples utilisateur·rices du système qui sera mis en place et géré par l’Union. Enfin, la conformité entre le RGPD - le Règlement général sur la protection des données - et l’interprétation qui en est donnée par chaque Etat-membre risque de poser problème dès lors que celle-ci est fortement fragmentée.


Et clôturons enfin ce journal avec le thème de l’écologie. Le Conseil de l’UE a préparé une réponse pour se défendre face aux accusations sur les quotas de pêche des Etats-membres, formulées par l’ONG ClientEarth. Pourriez-vous nous rappeler de quoi il s’agit ?

L’ONG avait formulé, au cours du mois de mars dernier, une demande de réexamen du Règlement du Conseil de l’UE fixant les quotas de pêche des Etats-membres pour l’année 2022. Elle considère ces quotas comme « non-durables » et estime que la fixation des limites de pêche à des taux supérieurs aux recommandations scientifiques est une violation du droit européen. 


Et c’est la première fois qu’une telle demande de révision auprès du Conseil a été introduite par une ONG, en matière d’environnement. Comment le Conseil a répondu à cette contestation ?

L'institution estime ne pas avoir violé le principe de précaution ainsi que l’approche dite d’« écosystèmes » dans l’élaboration desdits quotas. Une lettre de réponse à l’ONG ClientEarth a été préparée et sera soumise à l’approbation des ambassadeurs.

Juliane Barboni - Violette de Croÿ