Consommateurs européens - Elphège Tignel

TikTok Shop : la nouvelle vitrine qui vous veut… du clic

© Wikimédia Commons - Solen Feyissa (l'application TikTok sur un téléphone mobile) TikTok Shop : la nouvelle vitrine qui vous veut… du clic
© Wikimédia Commons - Solen Feyissa (l'application TikTok sur un téléphone mobile)

Voyage, transport, e-commerce, protection des données personnelles… Les 3/4 des droits des consommateurs qui s’appliquent en France comme dans les autres pays européens sont issus de directives et règlements européens. Dans cette chronique, Elphège Tignel, du Centre Européen des consommateurs France, vous explique sur euradio comment l’Europe protège les consommateurs dans leur vie quotidienne et quels sont vos droits si vous voyagez, déménagez, achetez, payez, étudiez, téléphonez… en Europe.

Elphège, aujourd’hui, on parle shopping… Et plus précisément du social commerce, cette nouvelle manière d’acheter en ligne. De quoi s’agit-il exactement ?

Laurence, si je vous dis TikTok Shop, ça vous parle ? Depuis quelques semaines, c’est la grande nouveauté du réseau social. Une nouvelle fonctionnalité qui permet, en quelques clics seulement, de faire des achats, sans quitter l’application, sans aller sur le site du vendeur. Il est donc plus facile que jamais d’acheter des produits aperçus, par exemple, dans une vidéo. Tiktok est le premier réseau social à se lancer dans ce type de social commerce. Et forcément, cela va créer de nouvelles habitudes de consommation.

Mais derrière ces apparences séduisantes, il y a des risques bien réels.

Lesquels par exemple ?

D’abord, l’achat impulsif. Les réseaux sociaux reposent bien souvent sur la diffusion de vidéos très engageantes, très séduisantes. Vous avez sûrement déjà vu ces lifestream d’influenceurs, qui partagent en direct leur quotidien. Ils citent, bien souvent, et très généreusement les produits de beauté qu’ils utilisent, la marque de leurs vêtements ou encore l’hôtel où il se trouve. Et ils ne manquent jamais d’« offrir », et je mets des guillemets à « offrir », un code promo à utiliser rapidement pour se procurer toutes ces merveilles. Ces vidéos créent bien souvent un sentiment d’urgence ou de rareté ce qui pousse les consommateurs à se précipiter, à acheter sans réfléchir. Et donc sans lire, ce qui est pourtant essentiel : les conditions générales de vente.

Ensuite, il y a la qualité des produits qui peut poser problème. Beaucoup de vendeurs sur TikTok shop pratiquent le dropshipping. C’est à dire qu’ils vendent un produit mais ne le fabriquent pas et ne le livrent pas. Ils ont donc peu, voire pas du tout, de contrôle sur la qualité des produits. Résultat : les produits, qu’ils promeuvent, peuvent être de mauvaise qualité, défectueux, contrefait, voire même dangereux pour la santé.

Et qu’en est-il du service après-vente ?

Tik-tok shop n’est qu’une place de marché. C’est-à-dire que le réseau social ne peut être tenu responsable de la non livraison ou de la non-conformité du produit. En cas de problème, vous devrez donc contacter le vendeur. Ce qui ne sera pas si facile, surtout s’il est situé à l’autre bout du monde.

Est-ce que le droit européen protège les consommateurs face à ce type de commerce en ligne ?

Oui, heureusement. Plusieurs textes sont là pour encadrer ces pratiques.

D’abord, la directive sur les droits des consommateurs. Elle oblige les vendeurs à fournir des informations claires sur leur identité, sur les caractéristiques du produit et sur le prix total à payer. Ils doivent aussi permettre à l’acheteur de changer d’avis dans les 14 jours après la livraison et d’être remboursé. Ce n’est pas un cadeau fait par le vendeur, mais une obligation qu’il doit respecter.

Et puis tout achat dans l’UE est garanti pendant 2 ans. Là encore, le vendeur ne fait pas une fleur au consommateur, c’est une obligation européenne. Il doit remplacer ou réparer un produit quand il est défectueux et encore sous garantie.

Enfin, depuis 2024, le Digital Services Act impose aux grandes plateformes – comme TikTok – des obligations très strictes. Elles doivent identifier les vendeurs professionnels, supprimer les contenus illégaux ou trompeurs rapidement, et permettre aux utilisateurs de signaler facilement un abus ou une arnaque.

Mais dans les faits, est-ce appliqué ?

C’est là que ça coince. De nombreux vendeurs se présentent sur ces plateformes comme des particuliers pour éviter les obligations professionnelles. D’autres utilisent de faux avis pour rassurer les acheteurs.

Donc en pratique, les règles protectrices sont difficiles à appliquer.

Mais la Commission européenne ne baisse pas, pour autant, les bras face à TikTok.  Elle a ouvert plusieurs enquêtes en 2024 contre le réseau social. Une par exemple sur les effets négatifs de ses algorithmes en matière d'addiction. Ou une autre sur ses mécanismes pour vérifier l’âge des utilisateurs. Désormais, elle accuse la plateforme de manquer de transparence dans ses publicités et la menace de sanctions pécuniaires. Des menaces qu’elle n’hésitera pas à mettre à exécution. D’autant plus que TikTok a déjà été condamné à une amende de 530 millions d’euros, le 2 mai dernier, pour ne pas avoir suffisamment protégé les données personnelles des Européens.

Alors, quels conseils donnez-vous aux consommateurs qui nous écoutent et qui seraient tentés d’acheter via les réseaux sociaux ?

Il n’y a pas de recette miracle pour se protéger mais on peut minimiser les risques d’avoir un problème. Et ça, ça passe par de bons réflexes.

D’abord, vérifiez l’identité du vendeur. Avant d’acheter, quittez l’application pour comparer les prix sur d’autres sites et consulter des avis en ligne.

Ensuite, méfiez-vous des prix trop alléchants, des méga promos. Ils cachent bien souvent une fraude ou des produits de mauvaise qualité.

Et enfin, ne cédez pas à la pression. Les promotions à durée limitée ou les offres vantées dans des vidéos par des influenceurs n’ont qu’un seul but : vous pousser à acheter tout de suite et maintenant ! Mais vous devez prendre votre temps. Et si, finalement, vous décidez d’acheter, payez toujours via l’application. Et uniquement via l’application.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

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