Voyage, transport, e-commerce, protection des données personnelles… Les 3/4 des droits des consommateurs qui s’appliquent en France comme dans les autres pays européens sont issus de directives et règlements européens. Dans cette chronique, Elphège Tignel, du Centre Européen des consommateurs France, vous explique sur euradio comment l’Europe protège les consommateurs dans leur vie quotidienne et quels sont vos droits si vous voyagez, déménagez, achetez, payez, étudiez, téléphonez… en Europe.
Elphège, vous nous parlez aujourd’hui des défis qui attendent les nouveaux députés européens en matière de consommation.
Oui Laurence, les élections européennes sont maintenant derrière nous et il est temps de mettre le cap sur la période 2024-2029. Comme nous l’avions vu dans une précédente chronique, le Parlement européen n’a pas chômé ces 5 dernières années. De nombreux droits qui protègent les consommateurs ont été créés entre 2019 et 2024. Mais nos habitudes de consommation évoluent, notamment vers le tout numérique. Et cette tendance oblige donc l’Europe à anticiper, à voir plus loin, à définir une législation avant-gardiste.
Le secteur du e-commerce notamment est le théâtre de toutes les innovations, c’est donc dans ce domaine que l’UE doit continuer à protéger les consommateurs européens.
Oui. 76 % des Européens déclarent acheter en ligne et le chiffre d’affaires du e-commerce en Europe se compte en milliard d’euros. Ce n’est donc pas étonnant que, chaque année, de nouveaux acteurs apparaissent. Et parmi eux, les plateformes de vente qui mettent en relation acheteurs européens et vendeurs du monde entier, ont le vent en poupe.
Or, aujourd’hui, ces marketplaces ne sont pas tenues responsables en cas de livraison d’un produit contrefait ou qui ne respecte pas les normes de sécurité européennes. Elles permettent pourtant d’importer dans l’UE des produits provenant de pays tiers ou de vendeurs souvent difficilement identifiables. Et elles usent et abusent très souvent des dark patterns. Vous savez ces messages incitatifs qui vous poussent à cliquer, acheter encore plus ou ces publicités qui s’ouvrent de façon intempestive. Un des défis des nouveaux eurodéputés pourrait donc être de leur imposer de nouvelles obligations et les rendre responsables des produits vendus.
Parmi les autres acteurs du e-commerce à réglementer, il y a les influenceurs car ils jouent un rôle décisif dans les achats de millions de consommateurs. L’UE planche déjà sur un texte mais les Etats membres devront s’accorder sur une législation commune qui réglemente le marketing d'influence. Il est impératif que tous les consommateurs européens soient clairement informés lorsqu’un influenceur poste des publications à but commercial. Et ils doivent pouvoir se retourner contre lui s’il les a poussés à acheter des produits illégaux ou défectueux.
Un autre défi et peut-être le plus grand en matière de consommation pour la prochaine mandature du Parlement européen, sera de protéger les consommateurs dans l’univers de l’intelligence artificielle
Oui, l’intelligence artificielle prend de l’ampleur dans nos usages de consommation. Elle est notamment de plus en plus utilisée dans le commerce en ligne ou sur les réseaux sociaux. Elle permet de proposer aux consommateurs des produits qui correspondent à leurs recherches, leurs intérêts ou leurs habitudes. Bon nombre d’entreprises l’utilisent même pour répondre aux consommateurs qui font une réclamation.
Alors certes, l’Union européenne a déjà voté une loi sur l’IA. Elle va donner un premier cadre juridique en Europe. Mais face à sa vitesse de développement, il va falloir agir vite, beaucoup plus vite. Et notamment pour garantir aux consommateurs une information claire et systématique sur les algorithmes utilisées pour exploiter leurs données personnelles afin de leur vendre des biens et des services.
Enfin, face à la mobilité grandissante des Européens, les droits des voyageurs devront être améliorés
Là encore, de nombreux textes existent déjà pour protéger les voyageurs dans tous leurs modes de transport. Mais des évènements comme la pandémie de Covid-19 ont montré des limites dans l’application de ces textes.
Par exemple, à ce jour, aucune disposition ne prévoit clairement la responsabilité des intermédiaires de voyage. Les consommateurs sont pourtant de plus en plus nombreux à utiliser des plateformes de réservation en ligne ou des comparateurs de vols. Et, vous le savez probablement, ce sont d’ailleurs bien souvent ces acteurs qui sortent en premier dans une recherche internet. Sauf que dans la pratique, ces intermédiaires n'assistent pas toujours les consommateurs en cas de d’annulation ou retard de vol, train, bus ou bateau et parfois, ils ne leur remboursent pas les billets annulés par les compagnies. C’est donc un point à améliorer.
Ensuite, il existe aucune protection européenne en cas de faillite des compagnies aériennes. Or les passagers européens perdent en moyenne 431 euros lors d’une faillite. Et ils n’ont aucun espoir d’être remboursés. Pourtant, des faillites, il y en a chaque année. La dernière en date c’est Air Malta en mars dernier. Il est donc urgent de créer un système de garantie, pour protéger les consommateurs contre l’insolvabilité des compagnies.
Ces recommandations, c’est le réseau des Centres Européens des Consommateurs qui les formulent. Elles peuvent être consultées gratuitement sur le site : eccnet.eu
Un entretien réalisé par Laurence Aubron