L'éco de Marc Tempelman

Combien vaut un club de football ?

Combien vaut un club de football ?

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Coupe du monde de football oblige, je vous propos d’échanger sur ce sport, qui attire des milliards de fans dans le monde. Mais toujours sous l’angle économique. Je vous propose donc de parler de la valeur économique d’un club de foot. Essayons aujourd’hui de répondre à la question, combien vaut un club de foot ?

C’est effectivement d’actualité. Non seulement dans le contexte de la coupe du monde au Qatar, mais aussi quand on considère que deux clubs emblématiques ont - ou vont bientôt - changer de propriétaire. Le club de Chelsea s’est récemment vendu et je crois comprendre que Manchester United est à vendre ?

Vous êtes une experte ! C’est bien cette actualité qui me fait d’aborder ce sujet. Commençons par le club de Chelsea. Son ancien propriétaire, l'oligarque russe Roman Abramovich a été contraint de vendre son club, dans le cadre des sanctions contre le régime russe après l’invasion de l’Ukraine. Typiquement quand on est forcé de vendre un bien, le vendeur n’est pas dans la meilleure position pour obtenir le prix le plus élevé.

Mais cette règle ne s’applique pas dans le monde des clubs de foot. Après des enchères rapides mais tendues, il a vendu son club pour 2,5 milliards de livres au milliardaire américain Todd Boehly et le fonds Clearlake Capital.

C’est un record. Mais il se murmure que le tarif pour le club de Manchester United pourrait être encore plus élevé ?

Oui, on entend parler de la somme exorbitante de 7 milliards de livres pour le club mancunien. Précisons quand même qu’il s’agit d’une rumeur et que le prix de vente n’a pas encore été annoncé.

Quel que soit le prix final, comment évalue-t-on la valeur d’un club de foot. Est-ce une entreprise comme une autre ?

Dans le cas de Manchester United, sur papier oui, car il s’agit d’un club coté en bourse. Comme pour toute autre société cotée, il suffit de multiplier le nombre d’actions par son cours pour obtenir sa valorisation.

Le 21 novembre dernier, l’action s’échangeait à 13 dollars. Soit un peu plus de 2 milliards pour tout le club. Mais depuis que la famille Glazer, les propriétaires actuels, a indiqué être disposée à vendre le club, le cours de l’action s’est envolé, pour atteindre un peu plus de 21 dollars. Ce qui correspond à une valorisation de 3 milliards de dollars et demie.

D’accord, mais qu’est-ce qui justifie une telle valeur ?

C’est là où le débat devient intéressant. La valeur vénale de Manchester United est principalement dans sa marque, qu’environ un milliard de fans dans le monde suivent. Aucun autre club de la Première League anglaise ne jouit d’une base de followers aussi importante. Et les seuls deux autres clubs avec autant de fans à travers le monde sont le FC Barcelone et le Real Madrid, tous deux détenus par leurs membres, et donc impossibles à acheter. Ce qui fait de Manchester United un actif unique. Et la rareté tirera forcément le prix vers le haut.

D’accord, mais faut-il encore pouvoir extraire des revenus des fans non ? Car les revenus des seules compétitions sportives ne suffisent sans doute pas pour justifier un prix de plusieurs milliards.

Vous avez raison. Surtout que le club n’est pas très en forme ces dernières années. Il n’a pas réussi à se qualifier pour la très lucrative Ligue des champions. Par conséquent, la saison dernière, le club a généré des revenus en baisse de 583 millions de livres, et surtout a réalisé une perte de 115 millions de livres. Pour retrouver la rentabilité, il s’agira donc de booster la vente de maillots et autres merchandising, de multiplier les partenariats publicitaires et de s’intéresser aux nouveaux canaux de communication et les NFTs.

Mais même avec ces efforts, peut-on vraiment parler d’une valorisation rationnelle ?

C’est la bonne remarque de fin. Vous l’aurez compris, à ces tarifs le nombre d’acheteurs potentiels est très faible. Ce seront des milliardaires, comme Sir Jim Radcliffe, propriétaire du groupe de pétrochimie Ineos, qui se battront avec des fonds du Moyen-Orient pour acquérir de cet actif. Peut-être pour en extraire un gain financier, mais sans doute aussi pour pouvoir s'afficher aux côtés des joueurs et gagner des trophées.

Entretien réalisé par Laurence Aubron