L'éco de Marc Tempelman

Quel rôle peut jouer l'industrie pétrolière dans la transition énérgétique ?

Quel rôle peut jouer l'industrie pétrolière dans la transition énérgétique ?

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Les grandes sociétés pétrolières ont annoncé des bénéfices records. En 2022, les six sociétés les plus importantes en Europe et aux US ont, ensemble, généré plus de 200 milliards de Dollars de profits, notamment en vendant du pétrole que le monde doit remplacer si on veut éviter une crise climatique.

Cela a donné lieu à des critiques féroces. Mais dans le même temps, leurs activités ont été cruciales pour assurer la sécurité énergétique, dans un contexte où la guerre en Ukraine a souligné la dépendance des économies modernes aux importations de carburants fossiles.

Je pensais donc qu’il pouvait être intéressant de débattre du rôle que les mastodontes comme Exxon, Total Energies, Shell et BP pouvaient jouer dans la transition énergétique.

Vaste sujet. Tout d’abord, ces sociétés sont-elles obligées de participer à la transition énergétique ?

Oui et non. Il n’y a pas de doutes que la pression du grand public, des dirigeants politiques et de certains de leurs actionnaires a changé la donne pour les grands pétroliers. Leurs stratégies doivent tenir compte de la nécessité urgente de combattre le réchauffement climatique et contribuer à l’effort de décarbonisation.

Mais il y a un grand contraste entre ceux qui se sont réellement engagés dans ce domaine, comme BP, Shell et TotalEnergies et ceux qui résistent à la transition vers des énergies renouvelables, comme ExxonMobil.

Vous parlez de pression politique. Est-elle vraiment encore aussi grande, dans un contexte où nous avons craint manquer de gaz cet hiver ?

Vous avez raison. La situation géopolitique ayant radicalement changé, les pouvoirs publics ont adopté un discours plus ambivalent, voire contradictoire. Même si la transition énergétique demeure un objectif politique clé, à très court terme, s’assurer des approvisionnements en pétrole et en gaz était devenue tout aussi important.

Et qu’en est-il de la pression des actionnaires ? Souhaitent-ils toujours autant forcer les grandes sociétés de pétrole à changer de modèle d’affaires ?

Pas vraiment, si on en juge par l’évolution des capitalisations boursières de ces sociétés. La société de pétrole dont le cours de bourse a le plus monté est ExxonMobil. Or c’est celle qui a le plus résisté au changement et qui a continué à investir massivement dans l’extraction de pétrole et de gaz, en minimisant ses investissements dans le domaine des énergies renouvelables.

Par contraste, BP, qui était sans doute celle qui s’était le plus engagée dans les énergies vertes, en adoptant sa stratégie “Beyond Petroleum” - au-delà du pétrole - vient de faire marche arrière. Elle qui souhaitait réduire sa production de pétrole de 40% d’ici 2030, a annoncé la semaine dernière que cette réduction ne serait que de 25%. En réponse, son action bondit de 10% en bourse.

Pour résumer, les dirigeants des ces sociétés se retrouvent entre l’enclume et le marteau.

Oui. D’un côté, afin de satisfaire leurs investisseurs, ils doivent maintenir ou même booster leurs activités traditionnelles polluantes qui génèrent d’énormes profits et qui assurent une partie de l’approvisionnement énergétique. De l’autre, ils doivent se préparer à un futur dans lequel les grandes économies réduiront leur dépendance aux énergies fossiles et un contexte politique qui les obligera d’y contribuer.

Mais il est clair qu’actuellement les activités traditionnelles l’emportent dans la balance. Ainsi Chevron a réalisé plus de 35 milliards de Dollars de bénéfices en 2022. Elle annonce vouloir verser 75 milliards de Dollars aux actionnaires dans les années à venir. Par contraste, sur un plan d’investissement de 14 milliards, elle n’en consacrera que 2 à des projets bas carbone.

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.