Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Je souhaite échanger avec vous au sujet de Silicon Valley Bank, une banque régionale américaine qui valait plus de 40 milliards de Dollars il y a peu, mais qui s’est effondrée la semaine dernière, causant énormément de remous dans le monde bancaire.
Commençons par le début, comment cette banque s’est elle retrouvée sous le contrôle des régulateurs, et en liquidation ?
Tout est allé très vite. À la hausse comme à la baisse. Cela commence il y a quelques années, quand les dirigeants de la Silicon Valley Bank décident de se focaliser sur le secteur en forte croissance de la tech et des fonds de capital risque qui investissent dans les start-ups. Le choix stratégique s’avère payant, et la banque connaît une croissance forte. Ses client·es, en plein boom, déposent de plus en plus de liquidités chez elle, et ses dépôts augmentent rapidement d'à peine 100 à 189 milliards de Dollars.
Elle dispose donc soudainement de liquidités excédentaires, que la direction financière de la banque décide de placer dans des obligations d’État.
Je ne vois pas de mal à cela. Il s’agit d’un placement très sûr non ?
Oui, ce portefeuille de 120 milliards de Dollars d’investissement en US Treasuries est très sûr en termes de risque de crédit. Vous êtes sûr d’être remboursé par l’État américain à la fin. Mais le problème vient du fait qu’une partie importante de ce portefeuille était investi dans des US Treasuries à long terme. Or, en attendant de vous faire rembourser dans 8 ou 10 ans, si les taux se mettent à augmenter, le cours des obligations baisse. Dans un contexte inflationniste, la FED a adopté une politique de hausse des taux agressive.
Je vois. Donc la valeur du portefeuille de placement s’est mise à baisser. Mais tant que vous êtes sûr de vous rembourser à la fin, il n’y a toujours pas de souci majeur.
Oui, sauf si vos client·es commencent à retirer leurs dépôts, simultanément en quantités importantes. Car cela force alors la banque de vendre immédiatement des bouts de son portefeuille obligataire, à perte. Et c’est ce qu’il s’est passé. Certains fonds d’investissement et certaines start-ups ont perdu confiance en la Silicon Valley Bank et ont déplacé leurs dépôts vers d’autres banques. Et ont ainsi amorcé une spirale infernale, par laquelle la banque devait vendre de plus en plus de son portefeuille, enregistrant de plus en plus de pertes, conduisant de plus en plus de clients à perdre confiance.
Tout est alors allé très vite j’imagine.
Oui. Mercredi la banque annonce vouloir lever 2,5 milliards de dollars de capitaux frais, afin de renforcer son bilan, précisant que sur cette somme le fonds General Atlantic est bon pour un demi-milliard de Dollars. Les client·es de la banque n’y croient pas et initient des retraits pour plus de 40 milliards de Dollars jeudi. Vendredi, la fête est finie et le régulateur bancaire des US intervient pour prendre le contrôle de la banque.
C’est ce qu’on appelle une ruée aux guichets. Quelles leçons en tirer ?
Il y en a plusieurs. Mais j’en soulignerai au moins trois. Premièrement, la banque a fait une grossière erreur. Elle a investi à long terme des dépôts qui peuvent être retirés tous les jours. C’est ce qui s’appelle le risque de duration, qu’il est bon de rappeler.
Deuxièmement, ce cas souligne l’importance de la confiance dans le monde de la finance. Lorsqu’elle disparaît, la dégringolade est souvent brutale. C’est la raison pour laquelle ce secteur est autant régulé.
Et enfin, l’effondrement de la Silicon Valley Bank souligne le risque de contagion. En quelques sessions boursières, les grandes banques ont vu leurs cours de bourse corriger. Y compris les banques françaises qui ont perdu entre 3 et 5 % vendredi. Car quand un vent de panique s’empare de la bourse, les investisseurs se mettent à l’abri d’abord et réfléchissent ensuite. Je ne pense pas que les bilans des banques françaises soient aussi fragiles que celui de la Silicon Valley Bank. Mais dans le doute ...
Entretien réalisé par Laurence Aubron.