L'éco de Marc Tempelman

La France et les agences de notation

@Jeffrey Blum sur Unsplash La France et les agences de notation
@Jeffrey Blum sur Unsplash

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

On parle beaucoup ces jours-ci des agences de notation et du risque que celles-ci pourraient abaisser la note de la France. Je pensais qu’il pouvait être utile de revenir sur ces fameuses agences de notation, leur rôle et les raisons pertinentes pour lesquelles les gouvernements les craignent tant.

Très bien. Commençons par rappeler qui sont ces agences de notation.

Les trois agences les plus connues sont les deux américaines Moody’s et Standard & Poor’s et l’européenne Fitch. Leur rôle est d’accorder des notes à des émissions obligataires, pour attester de la solidité financière de l’emprunteur. Ils donnent donc leur opinion professionnelle sur la probabilité qu’un investisseur recevra bien les intérêts et le remboursement de son capital sur ses placements obligataires.

Plus la notation est élevée, plus la qualité du crédit de l’emprunteur est meilleure, et plus je suis certain qu’il honorera sa dette. Donc j’imagine que ce sont les États développés qui possèdent les meilleures notes ?

Oui, tout à fait. Pendant longtemps les grands États, dont les États-Unis et la France, possédaient même la toute meilleure note possible de AAA, l’équivalent de trois étoiles Michelin dans le domaine gastronomique.

Mais avec un niveau d’endettement en forte hausse, la France a perdu cette distinction en 2012, après avoir appartenu à ce club très restreint depuis 1975. Aujourd'hui, le pays est noté Aa2 et AA par Moody’s et S&P respectivement. Fitch est un cran plus sceptique et note la France AA-.

Ce qui classe la France parmi les pays les mieux notés au monde tout de même. Alors pourquoi les agences ont la France dans le collimateur ?

La solidité financière de la France a pris un coup. Le déficit budgétaire du pays s’est fortement accru. Nous visons un déficit de 4,9%, celui-ci a finalement atteint 5,5% fin 2023. En cause, les recettes fiscales qui ont significativement baissé dans un contexte de ralentissement économique, selon le ministre des finances et de l’économie, Bruno Le Maire.

Et les agences de notation nous reprochent donc de nous être endetté plus ?

Oui. Pour les pays, c’est comme pour les entreprises ou les personnes physiques. Plus on emprunte et plus c’est difficile de rembourser ses dettes, et plus la charge financière de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts, est lourde. Et cela d’autant plus que les taux d’intérêts sont aujourd’hui plus élevés. On estime qu’en 2024 la France devra verser 57 milliards d’euros rien qu’en intérêts sur sa dette. C’est le double de ce que nous versions en intérêts il y a 3 ans.

Quand est-ce que les agences de notation pourraient agir ?

Le calendrier est serré. Les agences vont se prononcer sur le maintien ou l’abaissement de la note de la France dans les semaines à venir. Donc le temps presse. Et c’est sans doute aussi pourquoi le gouvernement a fait autant d’annonces sur la sobriété et les restrictions budgétaires récemment.

Pour conclure, quel serait l’impact si la note de la France devait être abaissée ?

C’est la question à plusieurs milliards d’euros. Ce n’est pas l’abaissement d’un cran qui détruirait la confiance des investisseurs institutionnels sur lesquels la France compte pour acheter ses obligations. Mais on ne peut pas ignorer que cela aurait un effet sur l’attractivité de la dette nationale. Autrement dit, cela pèserait sur le taux d’intérêt que la France devra payer pour attirer les prêteurs. Et même si le coût de la dette n’augmentait que de quelques centimes, comme nous avons plus de 3 000 milliards de dette à refinancer, cela représenterait un coût supplémentaire considérable pour la nation.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.