L'éco de Marc Tempelman

Le poids des mots de la BCE

Christine Lagarde, présidente de la BCE/© European Union 2024 - Source : EP Le poids des mots de la BCE
Christine Lagarde, présidente de la BCE/© European Union 2024 - Source : EP

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Bonjour. Je voulais vous parler de la BCE, la Banque Centrale Européenne. Et plus spécifiquement de l’importance des mots que prononcent ses porte-paroles, et notamment sa présidente, Christine Lagarde.

Je sais que de nombreux économistes et investisseurs analysent les paroles des banques centrales. En quoi leurs déclarations sont-elles si importantes ?

Les banquiers centraux possèdent un pouvoir gigantesque, qui est celui de déterminer les taux directeurs. Sans faire un cours de finance, ces taux directeurs sont en gros les taux auxquels les banques commerciales peuvent emprunter. Plus ils sont hauts, et plus les banques seront réticentes à prêter aux entreprises et aux personnes. Donc en établissant les taux directeurs, les banquiers centraux peuvent accélérer ou - au contraire - freiner la croissance économique.

Je comprends l’énorme pouvoir que cela leur donne, mais je n’ai pas encore fait le lien avec leurs déclarations et leur politique de communication.

J’y viens. L’objectif des principales banques centrales, que ce soit la Federal Reserve aux États-Unis ou la BCE en Europe, est de contenir l’inflation, en visant un taux d’inflation d’environ 2%. Et elles y parviennent en montant les taux directeurs quand l’inflation augmente, ou en les baissant quand l’inflation est trop basse.

Mais les banques centrales n’aiment pas surprendre les marchés financiers avec des mouvements de hausse ou de baisse des taux trop brutaux ou inattendus.

Et, sans jamais dévoiler leurs décisions en avance, elles passent donc leur temps à communiquer publiquement pour guider le marché, et éviter les surprises. Car les surprises se traduisent souvent par des corrections brutales des marchés financiers, jugées indésirables par les décideurs politiques et économiques.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de cet exercice délicat qui consiste à guider le marché ?

Avec plaisir. L’actualité s’y prête. Car après une série de dix hausses de taux consécutives la BCE a réussi à inverser l’évolution à la hausse de l’inflation en Europe. Celle-ci avait atteint les 10% à la fin de 2022, mais est retombée à 2,6% en février.

La question que beaucoup de financiers et d’épargnants se posent est quand la BCE se sentira suffisamment confortable pour commencer à couper les taux directeurs, actuellement à 4% pour la zone Euro.

Voici les mots employés par Christine Lagarde la semaine dernière. “Nous progressons bien pour atteindre notre objectif d’inflation et sommes donc plus confiants. Mais nous ne sommes pas suffisamment confiants. Nous avons clairement besoin de plus de preuves et d’informations. Nous en saurons un peu plus en avril, mais beaucoup plus en juin.”

D’accord, mais cela veut dire quoi ? Comment faut-il interpréter ces quelques phrases opaques, lourdement tournées ?

Selon les experts - car oui, il y a des économistes dont l’expertise consiste à interpréter les paroles des banquiers centraux - le message est clair. La BCE ne coupera pas les taux directeurs avant juin, mais la probabilité qu’elle le fasse en juin est très grande.

Et ce type de déclaration donne donc lieu à une plus grande stabilité de marché ?

Exactement et c’est bien le but. Le discours est suffisamment vague pour laisser les lois de l’offre et de la demande faire son travail. Car notez que Madame Lagarde n’a fait aucune allusion à l’ampleur de la réduction des taux à venir. Mais ses observations donnent suffisamment de clarté aux intervenants de marché pour éviter un choc brutal.

Il est donc pertinent de suivre les déclarations des banquiers centraux. Tout en se souvenant que comme toute autre personne, ils ont le droit de changer d’opinion !