L'éco de Marc Tempelman

La livre turque - L'éco de Marc Tempelman

La livre turque - L'éco de Marc Tempelman

Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. De quoi allons-nous parler aujourd’hui ?

Nous parlons souvent d’épargne, d’investissement et des risques qui y sont associés. Un des risques dont nous ne parlons pas souvent, c’est le risque de change. Et je pensais qu’il était bon de le faire aujourd’hui.

Très bien. Il y-a-t-il une raison particulière pour le faire aujourd’hui plus particulièrement.

Oui. Car figurez-vous que le cours de change de la livre turque a dégringolé face aux devises principales que sont le Dollar américain et l’Euro. De telle sorte que rien que depuis le début de l’année, la monnaie turque a perdu plus de 40% de sa valeur. Imaginez-vous les investisseurs étrangers qui auraient investi dans le pays. Toute chose étant égale par ailleurs, leurs placements auraient perdu presque la moitié de leur valeur, rien qu’à cause des fluctuations du change.

Effectivement. Mais alors je vous pose la question à un million de livres turques, qu’est-ce qui a causé cette chute ?

Pour expliquer cet affaiblissement de la monnaie turque, il faut se souvenir que la valeur de l’argent, tout comme les autres biens, évolue en fonction de l’offre et de la demande. 

Aujourd’hui, un euro vaut 1,13 dollars à peu près et ce cours est relativement stable. Cela reflète le fait que de nombreux Européens achètent des biens en Dollars. Pensez au pétrole que nous importons, toujours facturé en Dollars, où aux véhicules Tesla que nous importons. Mais dans le même temps de nombreux américains achètent des Euros, en passant leurs vacances à Paris, ou lorsque leurs sociétés aériennes achètent des Airbus.

Donc il y a une sorte d’équilibre naturel qui est bien utile. Mais que se passe-t-il lorsque cet équilibre est rompu et que, par exemple la demande dépasse l’offre de beaucoup.

Vous avez raison, même si les cours de la plupart des devises évoluent librement, pour faire du commerce international, nous bénéficions tous d’une forme stabilité. Il s’agit d’éviter les évolutions trop brusques. C’est là où les banques centrales jouent un rôle crucial. Elles veillent au grain et se concertent pour éviter les chocs. 

Prenons le cas de la Chine par exemple. Elle exporte beaucoup plus qu’elle n’importe de biens. Sans intervention de la -art de la banque centrale, le cours du yuan risque de s’apprécier trop vite. Mais la banque centrale peut canaliser l’appréciation de sa monnaie en vendant sa propre devise pour acheter des devises étrangères et en baissant ses taux directeurs, afin de rendre les dépôts en yuan moins attractifs.

D’accord, donc inversement si une monnaie s’affaiblit, la banque centrale peut lutter contre cette baisse en vendant ses réserves de devises étrangères pour acheter sa propre monnaie et en augmentant les taux d’intérêt pour stimuler la demande.

Exactement. Et c’est là où nous touchons enfin à l’explication concernant l’effondrement de la devise turque. Car le président Turque Erdogan a imposé des politiques monétaires peu orthodoxes qui consistent à réduire les taux d’intérêt. 

Alors que la demande pour la livre turque est très faible, il a limogé successivement trois gouverneurs de la banque centrale qui souhaitait augmenter les taux d’intérêt afin défendre la monnaie locale.

Pour mettre à leur place un certain Sahap Kavcioglu qui n’est ni un ancien ministre des finances, ni un ancien banquier, mais il a pour lui l’avantage de partager les vues originales du président.

Et pour enfoncer le clou, Erdogan a accepté la démission de son Ministres de Finances, pas convaincu non plus de l’approche à contre-courant de son président.

Ce qui explique sans doute l’accélération de la baisse de la livre turque. Le mot de la fin ?

A ce rythme, la confiance en la monnaie turque risque de se réduire, non seulement à l’international, mais aussi localement. C’est-à-dire que dans un scénario noir, les turques ne feraient de moins en moins confiance à leur propre monnaie, l’inflation, déjà autour de 20% s’envolerait encore plus et l’économie turque s’enfoncerait dans une crise profonde. 

Marc Tempelman au micro de Cécile Dauguet

Chaque semaine, nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons avec lui de finance. 

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Photo de .Gregory provenant de Flickr.