L'éco de Marc Tempelman

Don’t fight the Fed

Don’t fight the Fed

Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Depuis la fin de l’année dernière, on assiste à une situation paradoxale sur les marchés financiers. Alors que les banques centrales ne cessent d’augmenter les taux directeurs, ce qui pèse sur l’activité économique, les marchés d'actions ont fortement rebondi et restent - pour l’instant - orientés à la hausse. Je pensais qu’il pouvait être intéressant d’analyser ce phénomène.

Allons-y. Si je comprends bien, vous dites que la politique monétaire de hausses des taux est défavorable à la croissance économique. Ce qui devrait se traduire par une baisse des valorisations boursières.

Oui, c’est bien cela. Et toujours selon cette théorie, tant que les banques centrales continuent d’augmenter les taux directeurs, il vaut mieux rester à l’écart de la bourse, afin d’éviter la baisse des cours probable. Martin Zweig, un investisseur américain connu entre autres pour avoir prédit le krach boursier de 1987, a résumé la stratégie en une seule phrase : “Don’t fight the Fed”. Ou en français, ne vous battez pas contre les banques centrales.

Sauf que les cours de bourse ont récemment significativement monté.

Exactement, en adoptant la maxime de Martin Zweig, l’investisseur·euse prudent sera donc passé à côté du fort rebond des marchés. En occurrence, alors que les banques centrales ont relevé leurs taux directeurs plusieurs fois depuis fin octobre, l’indice S&P 500 a bondi de 15 % sur la même période. Il aurait donc été payant de se battre contre les banques centrales.

… cette fois-ci. Mais j’imagine que c’est plutôt exceptionnel comme phénomène.

C’est ce que je pensais également. Mais figurez-vous qu’une remontée des marchés actions, alors que les banques centrales augmentent les taux directeurs, n’est en fait pas si rare que cela. Une étude récente montre que depuis 1954, l’indice S&P 500 a régulièrement monté durant des phases de hausse des taux directeurs. Sur une base annualisée et en moyenne, l’indice s’est adjugé 9 % entre la première et la dernière hausse des taux directeurs.

Comment peut-on expliquer ce phénomène paradoxal ?

Premièrement, il arrive que les économistes des banques centrales se trompent. Ils·elles prédisent un ralentissement économique significatif, ou même une récession, qui ne se matérialise pas. Certaines banques centrales sont d’ailleurs ironiquement connues pour être régulièrement beaucoup trop pessimistes dans leurs pronostics. Ainsi, la Riksbank en Suède a alerté qu’elle allait augmenter ses taux tous les ans depuis 2011, pour finir par les réduire.

Deuxièmement, il arrive que le sentiment de marché devient très pessimiste quand les banques centrales commencent à relever les taux directeurs, pour redevenir optimistes quelques trimestres plus tard, lorsque les investisseurs anticipent la fin de la période de hausse des taux. C’est sans doute un facteur qui joue un rôle aujourd’hui.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue le pouvoir de la parole des banquiers centraux. Leurs alertes et menaces de hausse de taux peuvent parfois suffire à ajuster les attentes du marché.

Donc pour conclure, ce n’est pas parce que les banques centrales serrent la vis que les marchés financiers corrigent forcément ?

Exactement. Mais en cycle de hausse des taux les marchés financiers restent complexes à naviguer. Aller à contre-courant des banques centrales peut être rentable, mais aussi mener à des grosses pertes. Ce n’est pas pour rien que la stratégie d’investissement qui consiste à acheter des actions alors que les taux montent est souvent appelé le widow-maker, ou, en français, le fabricant de veuves.

L'équipe

Entretien réalisé par Laurence Aubron.