Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Nous accueillons Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee. Nous discutons toutes les semaines de finance. Bonjour Marc, de quoi allons-nous parler aujourd’hui ?
Bonjour. Nous avons parfois l’impression que l’économie américaine est fondamentalement plus forte que celle de l’Europe. Voilà que des économistes de renom, représentant le Fonds Monétaire International, enfoncent le clou. Ils affirment que l’économie américaine a toutes les chances de croître plus rapidement que celles du Vieux Continent.
J’imagine que ce genre de prédiction, par des professionnels aussi sérieux, doit être basée sur de solides arguments.
Vous avez raison, il y en a plusieurs. Commençons par un constat factuel. Pendant les deux dernières décennies, l’économie a crû deux fois plus vite aux US qu’en Europe. Selon les économistes, cette divergence est due à des facteurs cycliques que structurels.
Commençons par des facteurs cycliques. J’imagine que vous faites référence aux programmes de relance post Covid et à la guerre en Ukraine ?
Exactement. Pour relancer l’économie après les confinements longs qui ont mis les grandes économies et le commerce international à l’arrêt, les gouvernements des deux côtés de l’Atlantique ont annoncé des programmes de relance importants. Mais les US sont allés beaucoup plus loin que les pays Européens. Ils n’ont pas hésité à creuser leur déficit budgétaire, qui atteignait 9,4% en 2021, plus que le double du déficit en Europe.
Par ailleurs, la guerre en Ukraine est géographiquement proche de nos frontières. Ce qui rend les consommateurs européens plus prudents dans leurs dépenses. Par ailleurs, le choc énergétique nous touche beaucoup plus fortement que les US, l’Europe étant partiellement dépendante d’importations de gaz.
OK. Voilà pour les explications contextuelles. Qu’en est-il des raisons structurelles ?
Structurellement, les économistes pointent notamment le poids du secteur technologique dans l’économie américaine. Amazon, Microsoft, Apple et Google sont des mastodontes dans leurs domaines technologiques respectifs qui n’ont pas d'équivalents européens. Et cet écart risque de se creuser au regard des moyens que les USA consacrent à l’intelligence artificielle, actuellement en très forte expansion.
Si on prend les secteurs en très forte expansion il y a aussi la transition énergétique. Ce n’est pas là où l’Europe a une carte à jouer ?
Peut-être, mais les faits sont, ici aussi, à l’avantage des US. Leur Inflation Reduction Act est assortie d’un budget de 369 milliards de dollars dont une partie sera consacrée aux technologies vertes, sous forme d'avantages fiscaux et d’aides gouvernementales. Pour pouvoir bénéficier de ces subventions plusieurs entreprises européennes dont BMW et TotalEnergies ont transféré des investissements aux US.
Et à tout cela s’ajoute sans doute la profondeur des marchés de capitaux américains, n’est pas ? Aux US il est simplement plus simple d’entreprendre.
Oui, et ce sera mon mot de la fin. Pour reprendre l’exemple de l’intelligence artificielle, aux US les fonds de capital risque ont déjà investi plus de 450 milliards dans le domaine, soit dix fois le montant qui a été déployé dans ce domaine en Europe. Le modèle européen est toujours très fortement orienté vers le financement bancaire. Or les banques ne sont pas là pour prendre des risques importants et investir dans des projets entrepreneuriaux dont une grande partie est vouée à l’échec. Mais du coup, les projets les plus fous qui réussissent ont statistiquement plus de chances de trouver le financement nécessaire aux US. Nous pouvons citer Netflix, Uber, et Tesla comme exemples récents dans ce domaine.
C’est aussi pour cela qu’il est important de démocratiser l’investissement et de faire de la pédagogie financière ! Car sinon, difficile de voir comment l’Europe rattrapera le développement économique et la force d’innovation de nos cousins outre-Atlantique.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.