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La consolidation bancaire en Europe

JÉSHOOTS La consolidation bancaire en Europe
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Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.

Je souhaitais vous parler aujourd'hui de la consolidation bancaire en Europe. Le sujet est d’actualité car la banque italienne Unicredit a pris tout le monde de court en prenant une participation conséquente dans sa rivale Allemande Commerzbank en quelques jours.

Cela fait longtemps qu’on parle de cette consolidation bancaire qui, selon de nombreux experts, serait nécessaire en Europe. Pourquoi ? Les banques ne sont-elles pas déjà très grosses ?

Elles peuvent paraître très grosses, mais dans la réalité, elles sont en train de se faire dépasser par leurs concurrentes américaines et chinoises. Si vous prenez les 10 plus grosses banques européennes, dont font partie BNP Paribas en France ou encore la banque Santander en Espagne, elles sont - ensemble - plus petites que JP Morgan la plus grosse banque américaine.

Or dans le domaine bancaire, l’effet de taille est crucial pour pouvoir accompagner les plus grosses entreprises dans leurs activités mondiales et pour amortir des coûts fixes très importants.

D’accord. Donc comment Unicredit s’y est prise pour débarquer chez Commerzbank ?

L’approche a été très bien pensée et s’est déroulée en deux étapes. Dans un premier temps, la banque italienne a profité de la vente par le gouvernement allemand d’une partie de sa participation dans Commerzbank. Pour rappel, lors de la crise financière de 2008, le gouvernement allemand a sauvé ses grandes banques en y injectant d’importants capitaux.

Ces banques étant à nouveau solides, il procède régulièreent à la vente des ses participations. À la dernière occasion, Unicredit est arrivé pour rafler la totalité du paquet d’actions représentant 4,5% de Commerzbank. Au même moment, elle achète autant d’actions de la banque allemande sur le marché, pour détenir, en un seul coup 9% de Commerz.

Dans les jours qui suivent, Unicredit procède à d’autres achats, qui lui permettrait de monter jusqu’à 20% du capital de Commerzbank et ainsi en devenir le principal actionnaire.

N’y-a-t-il pas des barrières réglementaires à respecter ? Des obstacles à surmonter ?

Oui. Pour prendre plus de 10% dans une grande banque, vous devez obtenir l’accord du régulateur bancaire européen. Mais cette instance a souvent exprimé son désir de voir la consolidation bancaire s’opérer en Europe. Donc leur approbation semble probable.

De nombreux décideurs politiques allemands ont exprimé leur mécontentement et leurs craintes face à l’arrivée surprise d’Unicredit au sein d’une des grandes enseignes bancaires allemandes. Mais dans la pratique, ils ne disposent pas de moyens pour s’y opposer.

Les syndicats ont clairement exprimé leur opposition à une fusion, qui entraînerait sans doute une coupe dans les effectifs. Mais, à ce stade, ils ne peuvent pas aller bien plus loin.

Enfin, la direction de Commerzbank a signalé sa conviction qu’une fusion ne serait pas souhaitable, et que le futur de Commerzbank sans Unicredit serait plus rentable pour ses actionnaires, et meilleur pour l’Allemagne, dans le long terme.

Pensez-vous que cette manœuvre a des chances d’aboutir, face à tant de résistance ?

Oui. Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le patron d’Unicredit, Andrea Orcel, est un banquier d’affaires de formation, spécialiste des acquisitions bancaires. Ce tacticien a mûrement réfléchi et minutieusement préparé son approche.

L’opération fait sens. En fusionnant les opérations de Commerzbank avec sa filiale allemande, Unicredit pourrait extraire beaucoup de synergies. Et les actionnaires l’ont bien compris, le titre de Commerzbank est fortement monté en bourse, reflétant leur espoir que cette acquisition puisse se faire.

Mais les opérations transfrontalières restent complexes. Il faudra probablement être patient. À suivre donc…

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.