Chaque semaine, François Delay, Clémence Villefranche et Mathilde Vrignaud de La case des Pins nous présentent un livre de leur sélection.
Cette semaine Clémence Villefranche vous présente Les Danseurs de l'aube, de Marie Charrel, paru aux éditions de l'Observatoire.
Je suis heureuse de vous présenter aujourd'hui un roman cosmopolite, qui fait l'éloge de la différence, de l'art, de la musique, de la jeunesse aussi ; un roman qui va vous transporter entre l'Europe des années 30 et l'Allemagne contemporaine. Bref, un vrai coup de cœur !
En Hongrie, de nos jours, Iva fait partie de la communauté Rom, sans cesse tourmentée. Chassée avec sa mère de sa maison par une milice armée, elle décide de prendre son envol et part direction Berlin, avec en tête le sud de l'Espagne ; car Iva rêve de danser, de se découvrir à travers le Flamenco, qu'elle pratique depuis toute petite.
A Hambourg, par hasard, elle rencontre Lukas : ce jeune homme à l'identité trouble, à la frontière entre féminin et masculin, ne sait où se situer dans le monde ; la danse les rapproche, les unit, guide ces deux âmes meurtries l'une vers l'autre. Ensemble, ils entament un tour d'Europe des cabarets, où la vie nocturne les happent, où la danse les transcendent. Et surtout, ils partent sur les traces d'un couple de danseurs stars de la première moitié du vingtième siècle.
Sylvin et Maria Rubinstein sont frères et sœurs, nés d'un père tsariste russe et d'une chanteuse d'opéra. Obligés de fuir la Russie après la mort de leur père, les enfants grandissent comme ils peuvent en Europe de l'est, au milieu des Pogroms et des exécutions. Grâce à une communauté tsigane, ils découvrent le flamenco, et c'est une révélation : la danse les appelle, et ils deviendront de véritables stars en Europe pendant l'entre-deux guerres.
Mais la seconde guerre éclate, et Maria disparaît. Sylvin se contraint au combat, devient un grand résistant.
A la fin de la guerre, sur scène, il se grime en femme pour retrouver un peu de sa sœur jumelle perdue, et brouiller les frontières entre les genres.
A travers ce portrait en miroir, Marie Charrel signe un roman puissant, à la fois immense témoignage sur Sylvin Rubinstein, personnage ayant réellement existé, mais aussi ode à la liberté et à la jeunesse. La danse y est omniprésente et devient le moyen pour l'auteur de dénoncer les injustices, mais aussi de valoriser la force et le magnétisme de ses personnages.
Les hommes sont parfois cruels, le racisme et l'antisémitisme rodent dans ces pages, pourtant l'art semble faire un beau pied de nez au réel. Quoi de mieux en ces temps troublés que de se rappeler la valeur de la danse et de la littérature ?
Clémence Villefranche
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