Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Elle nous parle aujourd'hui des obligations vertes.
D’abord pouvez-vous nous réexpliquer ce qu’est une obligation ?
Une obligation c’est un outil financier qui permet à une entreprise, une institution ou un Etat d’emprunter de l’argent sur les marchés. C’est comme un prêt que vous faites pour acheter un appartement ou une maison ! L’entreprise ou l’état émet l’obligation - elle demande un prêt - l’investisseur achète cette obligation, et prête de l’argent pour financer des projets. En retour, l’entreprise paie des intérêts, qu’on appelle des coupons. L’obligation a une durée de vie : à la fin de la période, l’entreprise ou l’état doit être en capacité de rembourser l’emprunt initial.
Alors c’est quoi une obligation verte ?
C’est une obligation qui sert à financer des projets « verts », c’est-à-dire des projets qui contribuent à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de l’environnement. La première obligation verte a été émise en 2007 par la banque européenne d’investissement. Plus récemment, des obligations sociales ont aussi été émises, qui vont financer des projets de bien-être social. Les obligations vertes et sociales sont des instruments de la finance responsable assez populaires en ce moment.
Pouvez-vous nous donner des exemples de projets que l’on peut financer avec des obligations vertes ?
On peut financer beaucoup de choses, notamment pour diminuer notre consommation d’énergies fossiles. Par exemple, un projet de production d’énergies renouvelables pour alimenter le réseau, ou un projet d’efficacité énergétique, en rénovant les bâtiments d’une société avec de l’isolation thermique très efficace. On peut aussi renouveler le parc automobile avec des véhicules électriques, ou développer la protection de la biodiversité. Tous ces projets ne seraient pas forcément financés sans ces obligations vertes, qui sont vraiment utiles pour mettre en route la transition bas-carbone dans les entreprises !
Est-ce que toutes les entreprises émettent des obligations vertes ?
Il n’y a pas seulement les entreprises, il y a aussi les états et les banques qui peuvent financer leurs projets avec ces obligations vertes ! Par exemple la République Française est le 4ème émetteur mondial d’obligations vertes, qui lui permettent de financer la transition nationale, elle a d’ailleurs prévu de continuer à en émettre de nouvelles en 2021.
Est-ce que ce système a du succès, et attire les investisseurs ?
Le volume des obligations vertes qui sont émises est encore petit comparé aux autres obligations, mais cela progresse. Ces dernières années la demande pour les obligations vertes sur les marchés financiers a beaucoup augmenté! On est passé de 11 milliards de dollars d’obligations émises en 2013 à 251 milliards de dollars en 2019. La crise sanitaire a d’ailleurs eu un effet intéressant : les obligations vertes ont été un peu délaissées au profit d’obligations sociales. En revanche, une obligation verte ne rapporte pas plus d’argent à un investisseur, elle permet seulement de financer un projet vertueux et responsable.
Comment vérifier qu’une entreprise ou un Etat finance bien un projet vert avec ces obligations ?
Les obligations vertes sont réglementées, elles doivent notamment respecter certains principes qui sont dictés par une organisation mondiale de régulation financière, l’ICMA. Les entreprises doivent rendre compte du projet qu’elle finance, en publiant un rapport qui peut être consulté par les investisseurs et des organismes indépendants. La Commission européenne va bientôt publier des règles pour les obligations vertes des entreprises et des états de l’UE.
Cependant il faut rester prudent : les investisseurs doivent aussi surveiller les autres projets qui sont financés par une entreprise ou un état. Rien ne vous empêche d’émettre une obligation verte pour développer un parc éolien, tout en finançant une centrale à charbon avec d’autres moyens financiers !
Emettre des obligations vertes ne suffit pas, il faut donc faire un effort global ?
Exactement ! Les obligations vertes sont très utiles pour financer des projets bas-carbone, ce sont des outils qui attirent les investisseurs parce qu’ils y voient un moyen de faire de la finance responsable. Mais le plus important bien sûr, c’est que les entreprises et les états fassent des efforts dans toutes leurs activités.
Image : eko pramono