L'Europe, le monde, la paix

L’opération de gestion de crise Atalanta de l’Union européenne

© European Union Naval Force – Operation Atalanta / IG L’opération de gestion de crise Atalanta de l’Union européenne
© European Union Naval Force – Operation Atalanta / IG

Toutes les semaines, la chronique « L’Europe, le monde, la paix » donne la voix sur euradio à l’un·e des membres du collectif de chercheur·ses réuni·es dans UNIPAIX, le Centre d’Excellence Jean Monnet basé à Nantes Université.

Bonjour Anne Hamonic, vous êtes juriste, Maître de conférences en droit public à l’Université de Rennes, et vous vous intéressez aux opérations de gestion de crise conduites par l’Union européenne.

Si le public associe généralement le « maintien de la paix » aux fameux « casques bleus » de l'ONU, les opérations de gestion de crise de l’Union européenne demeurent largement méconnues. Pourtant, depuis 2003, l’Union en a déployé plus de 40, en particulier dans les Balkans occidentaux et en Afrique, mais aussi en Europe orientale et dans le Caucase du sud.

En quoi consistent-elles, ces opérations ?

Ce sont des déploiements, sur le territoire d’Etats tiers et/ou en haute mer, de moyens civils ou militaires, mis à disposition par les Etats membres. Il s’agit pour l’Union européenne de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationales, en assurant par exemple des tâches de prévention ou des tâches de conseil et d’assistance, voire des actions impliquant le recours à la force.

Vous vous êtes penchée particulièrement sur l’opération nommée « EUNAVFOR Atalanta ».

Oui, c’est le nom d’une opération militaire de l’Union qui repose sur le déploiement de moyens navals et aéronavals (des navires de guerre, des avions de patrouille et de reconnaissance maritime).

Décidée en novembre 2008, c’est d’ailleurs la toute première opération navale de l’Union européenne ! Elle a été conçue comme une, je cite, « opération militaire en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie ».

Concrètement, elle fait quoi ?

Dès l’origine, elle a participé à la protection des navires du Programme alimentaire mondial – le PAM – acheminant l’aide alimentaire en Somalie, et à la protection des navires vulnérables naviguant au large de ses côtes. Pour ce faire, le mandat d’EUNAVFOR Atalanta lui a notamment permis de poster des personnels armés à bord des navires affrétés par le PAM, de prendre les mesures nécessaires contre les actes de piraterie, y compris l’usage de la force, ou encore d’appréhender, retenir et transférer les personnes ayant commis des actes de piraterie et de saisir les navires et les biens se trouvant à bord. .

Est-ce qu’il faut l’assentiment des Nations-Unies pour mener une telle opération ?

Oui, c’est sur plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies autorisant le recours à la force que repose sa légalité internationale, ainsi que sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

En outre, afin que les pirates appréhendés soient jugés, l’Union européenne a conclu, avec plusieurs Etats de la région, des accords sur les modalités régissant le transfert de ces personnes. EUNAVFOR Atalanta aurait ainsi transféré plus de 170 pirates.

Et cette opération est-elle toujours en cours ?

Oui, tout en évoluant régulièrement.

Après un pic en 2011, les actes de piraterie ont fortement décru dans la région. Si c’est évidemment le résultat d’une combinaison de divers facteurs, l’Union y a indéniablement contribué avec EUNAVFOR Atalanta. Et, alors que certains acteurs se sont retirés de la zone, comme l’OTAN qui a mis fin à son opération « Ocean Shield » en 2016, l’opération de l’Union, elle, s’est poursuivie.

Dès 2010, son champ d’action géographique s’est étendu, au large des côtes des pays voisins de la Somalie, puis dans les eaux intérieures de cette dernière.

Ses tâches se sont également diversifiées. A la lutte contre la piraterie se sont ajoutés progressivement le suivi des activités de pêche, mais aussi la contribution à la mise en œuvre de l’embargo sur les armes de l’ONU et la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Reflet de ces évolutions, l’opération a changé de dénomination, en décembre 2022, pour devenir, je cite, l’« opération militaire en vue d’une contribution à la sûreté maritime dans l’ouest de l’océan Indien et en mer Rouge ».

Quel bilan tirez-vous de cet engagement extérieur de l'Union européenne ?

Aujourd’hui, EUNAVFOR Atalanta s’inscrit dans l’action globale que l’Union entend mener dans la région contre les causes profondes de la piraterie, en même temps qu’elle reflète son ambition de s’imposer comme une référence en matière de sûreté maritime.

Et son objet initial reste pertinent, puisqu’une recrudescence d’actes de piraterie aurait été constatée récemment, non sans lien avec la nouvelle crise provoquée par les attaques houthistes de navires en mer rouge, à l’encontre desquelles l’Union a justement décidé, en février 2024, de déployer une nouvelle opération navale (la 4e !), EUNAVFOR Aspides.

Les opérations navales, inaugurées par EUNAVFOR Atalanta, deviennent ainsi un véritable marqueur du développement des opérations de gestion de crise de l’Union.

Merci beaucoup, Anne Hamonic. Je rappelle que vous êtes Maître de conférences en droit public à l’Université de Rennes.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.