Chaque mardi sur euradio, le Think tank Sport et Citoyenneté propose un regard sur l’impact social du sport en Europe : handicap, gouvernance, égalité des genres, sédentarité, inclusion sociale… c’est aussi du sport !
Nous retrouvons une nouvelle fois Rodolphe Doité de Sport et Citoyenneté, pour cette deuxième chronique sur la diplomatie sportive. Et vous évoquiez la semaine dernière une relation positive entre géopolitique et sport. Que pouvez-vous nous en dire ?
Et bien, on peut commencer par le commencement, littéralement. Aux premières heures de l’olympisme, en Grèce antique, l’organisation des épreuves impliquait une période de paix entre les différentes cités-états. Elles s’engageaient à cesser les conflits pendant une période de sept jours avant les événements, et sept jours après, pour permettre le libre passage des sportifs.
C’est un premier exemple, loin d‘être anecdotique, qui montre le rôle que peut avoir le sport dans la construction de la paix et des bonnes relations entre les Etats. On revient à la question du sport comme outil de ce qu’on appelle le soft power. On le définit comme la capacité d’un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs. Et les Etats l’ont compris, le sport, par ses valeurs d’universalisme, d’apolitisme et de respect, peut être un formidable outil de communication dans les relations internationales.
D’accord, nous en avons donc une idée générale. Mais avez-vous des exemples ?
Ils sont nombreux, et les choisir est toujours difficile, mais on peut citer trois exemples différents.
Le premier, celui de l’élaboration d’une stratégie nationale claire. L’Australie a par exemple développé une stratégie propre sur la diplomatie sportive, à horizon 2030. C’est un document qui vient dresser une liste d’objectifs communs que le sport, la société civile et la diplomatie australiennes peuvent viser conjointement. Et il montre que le gouvernement est sérieux dans sa reconnaissance du sport comme outil stratégique en politique étrangère.
Dans les relations entre Etats, la plus connue est la diplomatie du Ping Pong, mise en œuvre en 1971 entre les Etats Unis et la Chine. Alors que les relations entre ces deux Etats étaient au plus bas, en pleine Guerre Froide, l’équipe américaine de tennis de table a été invitée par son homologue chinoise à une tournée en Chine. C’était la première fois qu’une délégation se rendait en Chine, depuis 1949. Cet évènement a d’ailleurs été suivi par une visite du président Nixon à Pékin, dès 1972.
L’un des derniers en date concerne la Corée du Sud et la Corée du Nord. À l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de 2018, et malgré des relations encore très tendues entre les deux Etats, ils ont défilé ensemble lors de la cérémonie d’ouverture. Plus important encore, une équipe commune aux deux Corées a été alignée dans le tournoi dames de hockey sur glace.
Et l’Union européenne, dans tout ça, que fait-elle de la diplomatie sportive ?
Je ne surprendrais personne en disant ici que la diplomatie est un enjeu majeur pour l’Union européenne, pour peser dans les relations internationales. Mais mettre en place une telle politique d’influence n’est pas simple. Et le sport peut être un moyen d’y parvenir.
Nous y avons d’ailleurs consacré une revue spéciale, dédiée à la diplomatie sportive européenne. Antoine Duval, chercheur à l’Institut ASSER à La Haye, a mis en avant deux moyens d’action pour l’Union européenne : l’influence sur les grandes organisations sportives internationales et la promotion des droits de l’homme, valeur cardinale de l’Union, dans les grands événements sportifs internationaux.
Et la Coupe du monde en Qatar en 2022 en est un bon exemple. En effet, l’Union européenne a fait pression sur cet état du Golf pour une amélioration des droits sociaux des travailleurs migrants. Quand bien même la polémique est encore vivace sur ce sujet, il n’en reste pas moins qu’un événement sportif a été utilisé par les institutions européennes pour influencer la politique d’un Etat.
Et s’il est vrai que ce n’est pas suffisant, ce n’est pas rien non plus. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la diplomatie sportive a été un des objectifs principaux de la présidence Portugaise de l’UE en 2021. Affaire à suivre donc !
Rodolphe Doité au micro de Laurence Aubron
Photo : Presidential Executive Office of Russia