Révolution spirituelle

L’invisible à la rescousse

L’invisible à la rescousse

Dans cette chronique, Nathalie Richard, coach et facilitatrice en transition intérieure et gardienne d’un écolieu dans le Finistère, tente de démystifier un sujet aussi mal compris qu’oublié : la spiritualité.

Cette semaine Nathalie vous revenez sur le déni de notre civilisation vis-à-vis des effondrements écologiques et sociaux.

Oui je me devais d’y revenir pour aller plus loin et apporter des pistes car je crois que nous n’avons pas le choix si nous voulons survivre et redonner du sens à nos vies.

Revenons rapidement sur les faits. Le déni dont nous parlons est celui qui explique pourquoi, alors que nous connaissons les effondrements en cours et leur gravité, nous n’agissons pas à la hauteur des enjeux.

Ce déni, la majeure partie du temps inconscient, est sans doute une forme de protection pour nous éviter de ressentir profondément ce que nous savons. Un refus de croire car accepter ferait trop mal.

Nous vivons donc collectivement un écart, un fossé en réalité, entre ce que nous savons et ce que nous faisons en continuant peu ou prou à vivre de la même manière qu’hier. Ce qui est appelé en anglais le knowing - doing gap (le fossé savoir – agir).

Mais alors que faire face à ce fossé Nathalie ?

Tant que nous ne craquons pas ce truc-là. Tant que nous ne regardons pas de près ce qui nourrit et entretient ce déni, nous ne saurons répondre à la hauteur des enjeux. Et nous continuerons à maintenir inconscients, le système mortifère que nous entretenons.

Il s’agit donc de regarder quelque chose auquel nous sommes aveugles aujourd’hui, quelque chose qui empêche nos réponses et qui empêchent de nouveaux futurs d’émerger.

Le fait même de réaliser qu’il y a quelque chose auquel nous sommes aveugles est un grand pas en avant, une petite révolution.

Ce quelque chose, ce point aveugle, est ce qui provoque en surface les différentes fractures sociales et écologiques actuelles : les destructions simultanées de la nature, de la société et de soi.

Ce point aveugle, je l’abordais déjà dans une précédente chronique sur la théorie U il y a quelques semaines car cette dernière révèle à merveille cet impensé. J’aimerais aujourd’hui le développer.

Ce point aveugle c’est la source à partir de laquelle nous agissons, nous communiquons, nous percevons et nous pensons. Cette source elle est partout, elle existe pour les transformations sociales comme pour notre vie quotidienne.

Il est donc vital maintenant pour chacun.e d’entre nous de développer la capacité d’examiner cette source.

De retourner enfin la lunette d’observation vers soi.

Soi en tant qu’individu et soi en tant que systèmes auxquels nous appartenons à toutes les échelles.

Que voulez-vous dire par retourner la lunette vers soi Nathalie ?

Nous sommes aisément capables les uns et les autres de voir ce que nous faisons, c’est-à-dire de voir les résultats, le quoi.

Nous sommes aussi la plupart du temps en mesure de voir la façon dont nous produisons ces résultats, c’est-à-dire le processus, le comment.

Dans ces 2 cas, notre lunette d’observation est tournée vers l’extérieur de soi.

Mais dans la plupart des cas, nous ne sommes pas conscients de l’espace intérieur à partir duquel nous opérons, c’est la dire la source à partir de laquelle nous agissons.

Il s’agit de réaliser que nos agissements et interactions quotidiennes se passent sur deux plans : le visible et l’invisible.

Pour mieux comprendre cette idée, la théorie U nous donne un chouette exemple, celui de l’observation d’une œuvre d’art. Il y a 3 grandes façons de la considérer :

Nous pouvons nous concentrer sur l’objet résultant du processus de création, disons un tableau.

Nous pouvons aussi porter notre attention sur l’artiste entrain de peindre le tableau, le processus.

Ou nous pouvons observer l’artiste face à la toile vierge.

Qu’est ce qui va déclencher le 1er jet ?

D’où son geste va-t-il partir ?

Et de quelle manière cela va-t-il conditionner le résultat ?

Ainsi, en transposant cette réflexion à notre situation, nous pouvons nous poser la question suivante : avons-nous déjà observé les leaders du changement ou nous-même dans nos agissements, nos interactions, nos décisions depuis la perspective de la toile vierge ?

Et qu’est-ce que cela changerait si nous étions capables de nous observer depuis cet angle ?

Tout. Cela changerait tout !

Avez-vous déjà remarqué Laurence à quel point la qualité d’une écoute contribue à la façon dont se déroule la conversation ?

C’est cela la source. C’est cela observer depuis la perspective de la toile vierge.

Autrement dit : « je prête attention de telle façon donc les choses émergent de telle façon. » 

Il en va de même dans tout système social, la qualité des résultats découle de la conscience à partir de laquelle les personnes dudit système agissent.

On peut le résumer ainsi : la forme suit la conscience.

Cela change tout aussi car dans un cas, dans le vieux monde disons, nous percevons le système comme extérieur à nous même. N’entendons-nous pas en permanence que le problème c’est le système ?

Dans l’autre, nous nous percevons faisant partie de lui, en co création de lui.

Nous cessons alors de nous en dissocier, de parler par exemple de nature comme si nous n’en faisions pas partie pour parler de milieu. Et ce n’est pas un simple changement de mot, c’est un changement de paradigme.

Et quel est ce nouveau paradigme Nathalie ?

Lorsqu’un groupe prend conscience de son inter dépendance entre lui et son milieu, il devient capable de se sentir et de se voir lui-même. Cette capacité est inhérente à la pensée systémique.

On passe alors d’une pensée en silo à une vision systémique, c’est-à-dire à une vision de l’ensemble du système, de toutes les relations qui le composent et non plus de bouts de système mis les uns à côté des autres comme s’ils ne communiquaient pas.

On passe d’une conscience égo systémique à une conscience écosystémique.

Mais attention, ce saut de conscience ne se construit pas de l’extérieur, il ne se décrète pas.

Il se permet en créant les conditions qui offrent la possibilité aux collectifs de faire ce pas,

de commencer à se voir et se sentir, de percevoir la source à partir de laquelle ils agissent.

La révolution viendra de l’invisible ou ne viendra pas. Ce retournement s’appelle une métanoïa.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.