Par les mots qui courent…

Déconnexion

Image d'un rouge-gorge Déconnexion
Image d'un rouge-gorge

Une fois par mois, Alexandra Fresse-Eliazord décrypte les mots de l’actualité pour nous faire prendre un peu de recul sur le vocabulaire employé par les personnes publiques, les responsables politiques, les journalistes ou les entrepreneur.es.

Ce mois-ci votre chronique aurait-elle un petit air de vacances ?

Oui, car un mot revient dans notre quotidien, et il s’agit de quelque chose que nous faisons et ne faisons pas tout à la fois.

Cela semble bien mystérieux.

Et pourtant c’est sous nos yeux ! Combien de fois avons-nous cliqué sur notre écran, et encore plus le mois dernier, mois des déclarations, sur le mot, déconnexion, ou le verbe « se déconnecter »… tout en restant devant notre écran… D’ailleurs, comment écrivez-vous déconnexion ?

Avec un « x » ?

Tout à fait, et pourtant, nous sommes parfois tentés de l’écrire, en toute logique, « déconnection », avec « -ction » à la fin, en se calquant sur le verbe « déconnecter ».

Le mot connection, en « ction », existe, mais c’est le mot anglais, pour désigner la même chose, en informatique, comme « Network connection », ou « security connection » mais on le trouve dans bien d’autres contextes, puisque « connection », c’est aussi la relation. Alors, après, il faut choisir ses relations, le mot « connection » a été aussi utilisé, par les Américains, pour nommer des organisations criminelles, comme la « French Connection » des années 1960-70.

Alors, pourquoi ce « x », dans connexion avons-nous voulu juste nous distinguer de l’anglais, une sorte de sursaut culturel, l’exception française (avec un x) ?

Et donc, vous avez enquêté sur le sujet ?

Oui, et plus qu’une règle logique, on se retrouve devant un usage : le mot connexion s’écrit avec un x depuis le 16e siècle au moins, même si dans les années 1950 l’orthographe « connection » (avec ct à la place du x) était tolérée. La présence de cette lettre X me permet aussi de renvoyer nos auditrices et auditeurs à une précédente chronique.

Dites-nous tout…

Le X en forme de croix peut évoquer l’interdiction, c’est le sens originel des films « classés X », l’inconnu, comme le X en mathématique, ou dans le cas des enfants nés sous X.

Et nous avons vu dans une précédente chronique, autour du mot « crucial », la figure de cette croix évoque aussi un croisement, un carrefour, et j’évoquais le Crossroad mythique américain, ce carrefour entre l’est et l’ouest, ou, symboliquement, dans certains films, entre le bien et le mal, entre une vie et une autre, un choix « crucial », donc. Image que l’on retrouve dans l’expression « à la croisée des chemins », pour reprendre le titre de l’allocution du gouverneur de Californie, le démocrate Gavin Newsom, le 10 juin dernier, au sujet de la démocratie américaine.

Le « Projet Voltaire », qui est ressource de référence sur l’orthographe du français, nous propose justement de visualiser le panneau indicateur d’un croisement, comme moyen mnémotechnique pour bien écrire le mot connexion, faisant le rapprochement avec l’idée de mise en relation homme-machine.

Et je continue la métaphore…

Bien sûr…

Si la « déconnexion » s’écrit avec un X, prenons donc ce X comme symbole d’un choix crucial : rester devant l’écran qui nous informe « vous êtes bien déconnecté », ou quitter l’écran, pour aller dans un monde qui ne nous demande pas de mot de passe.

Car nous sommes très souvent soumis à une injonction contradictoire : déconnectez-vous mais restez bien en ligne, pour, au choix, relire le document téléchargé, vérifier dans vos mails que la commande est bien passée, allez vous divertir, ou vous informer, à quelques clics de là.

Or on le sait, les injonctions contradictoires, c’est l’une des causes de burn-out. Alors pour éviter le burn out numérique, déconnectons-nous vraiment, et après cette chronique, allons marcher dehors : les abeilles font le buzz, les oiseaux tweetent aussi, oui, car ils n’ont pas migré vers le réseau X (!), et ils nous connectent tout de même à autre chose, un monde de relations où nous n’avons pas à prouver que « nous ne sommes pas des robots. »

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.


Sources :

- « connection » ou « connexion » ?

La lettre X comme… une connexion ou une déconnexion