Par les mots qui courent…

Quel impact ?

Quel impact ?

Une fois par mois, Alexandra Fresse-Eliazord décrypte les mots de l’actualité pour nous faire prendre un peu de recul sur le vocabulaire employé par les personnes publiques, les responsables politiques, les journalistes ou les entrepreneur.es.

Vous avez été touchée par plusieurs mots ce mois-ci…

L’autre jour, je souriais toute seule dans ma voiture, à l’écoute de la radio, où un mot venait percuter mon idée de chronique. Il s’agissait, vous savez, de cette pub qui vous rappelle la dangerosité d’un « impact sur votre pare-brise » ? A priori, rien de drôle au demeurant.

Effectivement.

Oui, un impact, si c’est sur votre pare-brise, ce n’est pas quelque chose que l’on recherche, c’est quelque chose de subi, suite à un choc. On retrouve cette notion physique et subie de l’impact, dans les impacts de balles, qui restent alors traces d’une violence, et quand j’étais à Berlin au tournant des années 2000, dans la partie Est de la ville, on voyait encore sur les murs les impacts de balles de la Seconde Guerre mondiale.

Donc l’impact serait connoté négativement ?

Dans son sens premier, c’est souvent le cas. Et dans son sens métaphorique, on peut aussi en retrouver l’idée lorsque dans un des journaux « météo climat » de France 2 on traite la question de « l’impact sur votre santé » du réchauffement climatique.

Cependant, dans son usage le plus courant, « l’impact », c’est quelque chose de positif, que l’on recherche. Notamment dans le domaine économique.

Et ce encore plus dans le milieu des entreprises qui souhaitent, ou annoncent qu’elles souhaitent changer le monde, vers une meilleure version de lui-même. On parle « d’entreprises à mission », c’est la mission qu’elles se donnent, mais aussi de plus en plus, « d’entreprises à impact », ou de « projets à impact », sous-entendu : nous, on est vraiment efficaces dans notre action. Notion d’efficacité que l’on retrouve également dans la gestion des comptes publics depuis le tournant de la LOLF de 2001 (loi organique relative aux lois de finances), où désormais à chaque ligne budgétaire correspondant des « indicateurs de performance ».

Et sur les réseaux professionnels, de nombreuses et nombreux spécialistes de la communication vous vendent, je le sais bien, leurs conseils pour que vous puissiez « maximiser votre impact », c’est-à-dire, l’effet que vous faites sur les autres et sur la société, ou pour délivrer « un discours impactant. »

Donc une notion positive, finalement…

Oui, positive, et comptable. Au sens où un impact, c’est quelque chose qui se voit (comme l’impact sur votre pare-brise), mais surtout : un impact, ça se mesure. Or, il y a, à mon avis, beaucoup de choses qui ne se mesurent pas. Et c’est-là que j’en viens à un autre mot qui a aussi « percuté » le fil de ma pensée.

Et quel est ce mot ?

Il s’agit de la « considération ». Souvenez-vous, dans le film « Un air de famille » (de Cédric Klapisch, en 1996), le personnage joué par le bougon Jean-Pierre Bacri ne comprend pas ce mot. Sa femme est partie, et lui demande de la considération ; et lui de s’énerver : « La considération, je sais même pas ce que ça veut dire… Il paraît que je n’ai pas de considération pour elle ? »

Et qu’est-ce que ça veut dire ?

Alors, la considération, c’est une notion qui recouvre l'attention, l'estime que l’on a pour quelqu’un et les égards qu’on lui manifeste. Car comme pour l’impact, la considération ne sert pas à grand-chose si elle ne se voit pas, si elle ne se sait pas !

Ce besoin de considération, c’est ce qu’ont bien compris les dirigeants du RN lors des dernières élections législatives, qui ont eu un usage très habile de ce mot, la considération, pour délivrer comme message : « nous, on considère vraiment les gens ». Et on pourrait se dire que ce mot, qui traduit non pas une opération comptable mais une posture, a eu un impact sur les votes !

Et aujourd’hui ?

Eh bien j’ai entendu ce mot dans un des nombreux reportages sur le nouveau pape, Léon XIV, et c’est un prêtre qui le connaissait bien qui a dit, à son sujet, pour l’avoir côtoyé : « vous avez l’impression d’être considéré… » On est ici dans le registre du ressenti. Et de quelque chose de positif, voir précieux.

Et vous, vous avez envie d’être impacté·e ou d’être considéré·e ?

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.

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