Chaque mois, retrouvez Pierre Maus dans l’émission Colonne Verbale, une sélection musicale douée de parole. Réalités infimes et fictions dérisoires s’entremêlent à des morceaux oscillant entre electro, groove et jazz.
Tracklist :
Sauveur Mallia – Synthetic Neutron
Shamos – Bleep Cover
Nackt - Der Konig 1-4
System Olympia, DXJX – My Lincoln (feat. DXJX)
Lord Tusk – AM:PM
Linkwood – Squeeze
Transllusion – Dimensional Glide
Alan Shearer – Sons Of The Snake
Sexo Y Fantasia – Luce
DMX Krew – Ring of Brodgar
Ground – Maza!
Afin de sécuriser l’accès à Internet de la Guyane, l’opérateur de télécommunications Purple avait procédé, en 2018, à la pose d’un nouveau câble sous-marin dans l’Atlantique. L’opération, réalisée par le tout nouveau navire câblier de Purple Marine, le Pierre Des Mairessalles II, s’était déroulée sans difficultés majeures et dans le plein respect des contraintes environnementales liées à la reproduction des espèces marines – les tortues notamment. Cette opération avait d’ailleurs fait l’objet d’une importante communication auprès du public, et avait été l’occasion de fédérer les salariés du groupe autour d’un projet ambitieux.
Aussi, lorsqu’en 2020, dans le contexte si particulier du confinement, des perturbations commencèrent à se produire sur le fonctionnement d’internet, le Pierre Des Mairessalles II fut à nouveau mobilisé pour identifier et résoudre le problème ASAP.
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Au terme d’un diagnostic élaboré, le problème sur le câble fut localisé précisément, au large des côtes guyanaises. Le Pierre Des Mairessalles II se positionna juste au-dessus de la zone et sans plus tarder, son robot sous-marin téléguidé fut mis à l’eau pour une descente à presque 1500 mètres de fond.
Les lampes et caméras du sous-marin dévoilèrent qu’il ne s’agissait pas d’un cas commun de rupture de câble provoquée par un chalut : un genre de grande dalle était plantée à la verticale dans le sable, et entravait la manipulation du câble détérioré, bloqué en dessous. Pas question à ce stade de le libérer en le sectionnant de part et d’autre de la dalle, puisque la partie coincée retenait un répéteur, de sorte qu’il aurait fallu trancher en aval de celui-ci et l’abandonner au fond. La réparation s’annonçait très complexe.
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Si le robot sous-marin téléguidé avait la capacité de saisir et remonter à la surface les deux parties d’un câble sectionné, il ne pouvait en aucune manière déplacer cette dalle qu’on estimait mesurer 2 mètres de large et environ 20 centimètres d’épaisseur et donc plusieurs centaines de kilos voire plusieurs tonnes.
Les ingénieurs à bord du Pierre Des Mairessalles II contactèrent leurs collègues du siège de Purple Marine à Brest, pour qu’ils lancent des recherches afin d’identifier un engin susceptible de réaliser une telle intervention.
Dans cette attente, l’équipage se lança dans l’analyse des causes du problème.
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Les ingénieurs de Purple Marine se heurtèrent à une première inconnue : par quel hasard cette dalle avait-elle pu tomber en plein sur le câble ? Certes, on pouvait fort bien concevoir que du matériel de construction ait pu plonger à l’occasion d’une avarie, mais il était alors étonnant qu’aucune autre pièce similaire ne repose à proximité – leur poids devant a priori exclure qu’elles dérivent significativement. Surtout, la manière dont la dalle était plantée dans le sol, dressée à la verticale, semblait exclure une réception spontanée sur le fond sablonneux, et suggérait plutôt une installation délibérée et visiblement robuste.
Mais plus encore que cette disposition, c’est l’aspect de la dalle elle-même qui les dérouta.
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Les images fournies par le robot sous-marin indiquèrent que la dalle qui entravait le bon fonctionnement du câble Internet n’était pas, comme les ingénieurs de Purple Marine l’avaient d’abord présumé, en béton mais en pierre.
Sa surface était recouverte d’une couche d’algues qui révélait un séjour prolongé en mer à une profondeur bien moindre que celle à laquelle elle reposait actuellement. Ce qui impliquait non seulement que la dalle avait été déplacée, mais encore qu’elle l’avait été avec un équipement suffisamment puissant et élaboré pour la saisir au fond de l’eau, la déplacer et sans doute même la disposer par moins 1500 mètres. Un équipement qui manquait justement à Purple Marine pour mener à bien son intervention.
Un échantillon de ces algues fut prélevé par le robot sous-marin, et envoyé par hélicoptère à Cayenne pour analyse.
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Les résultats de l’analyse furent communiqués dès le lendemain. Ils achevèrent de confondre l’équipe de Purple Marine. En effet, les algues prélevées sur la dalle correspondaient à une espèce caractéristique des côtes européennes, ce qui induisait que la pierre avait traversé l’Atlantique. Plus troublant encore, on avait retrouvé dans l’échantillon prélevé des mousses et lichens qui induisaient, quant à eux, que la pierre avait également séjourné durant une longue période sur le littoral.
Purple Marine prit la décision d’informer le préfet de la région Guyane lequel, face à l’enjeu stratégique que représentait Internet, relaya les éléments à Paris. Une équipe d’un laboratoire de recherche fût mobilisée, dans la foulée, pour clarifier la situation.
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La décision fût prise d’envoyer le robot sous-marin de Purple Marine racler toute la surface de la dalle pour récolter l’intégralité des algues et mousses la recouvrant et les analyser plus largement. Cela permettrait en outre de préciser l’examen visuel de la pierre proprement dite et de faire apparaître si elle avait été esquintée par une éventuelle opération de transport.
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Une fois libérée des algues qui la recouvraient, la dalle put être observée de manière rigoureuse. Aucune trace d’altération liée à sa manipulation n’était à constater. En revanche on découvrit que le terme français « crépuscule » avait été gravé sur l’une des faces. A en juger par le style des lettres et le manque de précision dans l’exécution, cette gravure devait avoir été réalisée bien longtemps avant.
L’énigme de la dalle était d’une complexité abyssale.
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D’autres experts, historiens, philosophes, etc. furent sollicités pour proposer un sens à la présence, si ce n’est de la dalle elle-même, de l’inscription « crépuscule » sur sa face. Les pistes suivantes furent proposées :
- L’installation de la dalle à la verticale faisait écho au monolithe de 2001 l’odyssée de l’espace, mais quel message en tirer, sachant que sa signification dans le film donne elle-même matière à interprétation ?
- « Crépuscule » désignant une lueur due à la diffusion de la lumière solaire, le terme faisait nécessairement référence à l’absence de celle-ci par 1500 mètres de profondeur, mais pourquoi ?
- Le crépuscule pouvant correspondre au moment où le soleil vient de se coucher ou celui où il va se lever, la dalle plantée sur le câble sous-marin pouvait à la fois symboliser un éveil au monde passant par Internet, et le signe avant-coureur de ténèbres à venir. Dans quel sens trancher ?
Il importait en tout cas que l’affaire ne s’ébruite pas, car elle contenait tous les ferments d’une récupération complotiste, mystique et/ou collapsologique de grande ampleur.
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Une légende celte raconte que la Nature mettra l’Homme face à un choix crucial consistant à décider d’aller vers la lumière ou l’obscurité. La Nature lui formulera cette alternative d’une manière parfaitement neutre de manière à ne pas influencer son choix.
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On a par la suite pu prélever un morceau de la dalle qui dégradait le fonctionnement du câble internet au large de la Guyane. Il apparaît qu’elle présente exactement les mêmes caractéristiques que les pierres formant le site mégalithique qui jouxte la plage finistérienne d’où partent plusieurs câbles sous-marins.
Épisode réalisé par Pierre Maus.
