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L’économie européenne face à un nouveau mandat Trump

Photo de Carlos Herrero - Pexels L’économie européenne face à un nouveau mandat Trump
Photo de Carlos Herrero - Pexels

Euronomics sur euradio est une émission du Centre de Politique Européenne, think-tank spécialisé dans l’étude des problématiques réglementaires, économiques et technologiques européennes, dont Victor Warhem, économiste de formation, est le représentant en France.

Bonjour Victor Wahrem, aujourd’hui, vous allez nous parler de ce nouveau mandat de Donald Trump, qui a débuté lundi, et des réactions européennes qui s’en sont suivies.

Oui Laurence, Trump est véritablement arrivé au pouvoir le 20 janvier, comme le prévoit la Constitution américaine, et les Etats-Unis ont bel et bien basculé dans une toute nouvelle ère, emportant bon gré mal gré le reste du monde avec eux.

Effectivement … Comment cela se concrétise-t-il économiquement parlant pour les Etats Unis, Victor Warhem ?

Concentrons-nous sur les principales mesures économiques nous concernant qui ont été annoncées, ma chère Laurence.

S’agissant des droits de douane qu’il a promis, ce sont d’abord le Canada et le Mexique qui les subiront dès le 1er février, avec 25% prévus sur toute une gamme de produits. S’agissant de la Chine et de l’Union européenne, aucun droit de douane n’est officiellement prévu pour le moment même si l’épée de Damoclès des 60% pesant sur les produits chinois, et des 10 à 20% sur les produits européens, reste à l’ordre du jour.

Par ailleurs, s’agissant de l’environnement, Trump n’a pas perdu une seconde en faisant sortir les Etats Unis de l’accord de Paris, tout en facilitant drastiquement le forage d’hydrocarbures afin de réduire au maximum le coût de l’énergie outre-Atlantique. Beaucoup de mesures de Biden en faveur de la transition écologique ont également été annulées.

Mais d’où vient, Victor Warhem, cette volonté de réduire au maximum le coût de l’énergie alors qu’elle est déjà peu chère outre-Atlantique ?

Car – et c’est probablement l’une des annonces les plus importantes de ces derniers jours – le gouvernement Trump soutient également la révolution promise par l’IA générative, qui sera extrêmement gourmande en énergie.

En effet, Trump a surpris la Terre entière en annonçant accompagné de Sam Altman – l’ennemi désormais juré d’Elon Musk – le « Stargate Project », faisant écho à une série télévisée de science-fiction que beaucoup de gens de ma génération connaissent.

De quoi s’agit-il ? Le Stargate Project prévoit simplement de créer une infrastructure à 500 milliards de dollar distribuant l’IA générative d’OpenAI, l’entreprise de Sam Altman, dans toutes l’économie américaine, probablement dans un maximum d’entreprises et de foyers.

Cela va de manière certaine faire bondir la productivité de l’économie américaine grâce à la quantité d’innovation et de gains de productivité en perspective. En faisant de ChatGPT une matière première disponible pour tous, comme le fut l’électricité au siècle dernier, Sam Altman et Donald Trump espèrent vraiment faire entrer les Etats Unis dans un « nouvel âge d’or » économique, et cela est effectivement probable ! Si le reste du monde n’en prend pas la mesure, on pourrait même assister à un découplage en termes de croissance de la part des Etats Unis, une situation totalement inédite.

Les menaces concernant la relation transatlantique étaient donc bien réelles. Comment réagit l’Europe à l’heure qu’il est ?

Comme je le soutiens depuis des semaines, la probabilité que l’Europe soit au rendez vous augmente de jour en jour.

En témoignent les interventions d’Ursula von der Leyen et du futur chancelier allemand probable Friedrich Merz, à Davos.

Pour commencer, la présidente de la Commission européenne, remise de sa longue pneumonie, a délivré un discours puissant sur l’économie européenne il y a quelques jours. Elle a acté la disparition du modèle allemand appliqué à l’Europe, fondé sur le commerce international, l’énergie russe peu chère, et la sécurité américaine.

Elle a également souligné la nécessité de s’unir pour protéger notre modèle social européen. Pour ce faire, elle a mis en avant trois priorités pour l’Europe :

L’Union des marchés de capitaux pour permettre à l’épargne européenne de financer l’économie européenne et pas américaine,

Une salve de mesures de simplification réglementaire pour les entreprises et un 28ème régime permettant aux jeunes entreprises innovantes européennes de bénéficier des mêmes conditions de développement partout en Europe – à propos duquel j’avais fait une chronique il y a quelques mois –,

Et enfin une nouvelle stratégie pour faire baisser durablement les coûts de l’énergie en Europe à l’aide de davantage d’énergies renouvelables et non-carbonées.

S’agissant du commerce international, elle a souligné la volonté de jouer sur « chaque opportunité » qui se présenterait à l’Europe.

Et s’agissant de Friedrich Merz ?

Friedrich Merz, lui, n’a pas tenu un discours très différent !

Son obsession est bien de baisser le coût de l’énergie par tous les moyens, y compris par le nucléaire, tout en aidant le plus possible la compétitivité de l’industrie manufacturière allemande, colonne vertébrale de l’économie selon ses propres termes.

Il a également souligné la nécessité de se mettre d’accord avec le président Macron à propos de l’Union des marchés de capitaux et du traité MERCOSUR. Néanmoins, on peut regretter qu’il n’accorde pas plus d’attention à la nouvelle vague technologique qui va déferler des Etats Unis.

Et donc, l’Europe va-t-elle dans la bonne direction, Victor Warhem ?

Oui, si elle prend la mesure d’un possible découplage technologique américain vis-à-vis du reste du monde. Au Stargate Project doit ainsi répondre le Projet Fondation, du nom de la série de livres d’Isaac Asimov, permettant à l’Europe de rester dans la course technologique.

Car c’est dont l’Europe a besoin, d’une nouvelle fondation qui la guide vers l’unité dont la pertinence se renforce jour après jour.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.