L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Une amende record à l'encontre de Google

Image par Firmbee de Pixabay Une amende record à l'encontre de Google
Image par Firmbee de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit européen est rigoureux, on a pu le constater plusieurs fois, mais il se fait particulièrement remarquer en ce moment dans les relations euro-atlantiques !

Oui Laurence, dans ce contexte explosif, l’Union européenne inflige à Google, le 5 septembre dernier, une amende record de 2,95 milliards d’euros pour abus de position dominante dans ce que l’on appelle l’’adtech.

L’adtech, c’est la publicité en ligne, un marché où l’entreprise américaine contrôle à la fois les outils côté éditeurs et côté acheteurs. Mais qu’est-ce que l’Union reproche à cette entreprise ?

Selon la Commission, l’entreprise a systématiquement favorisé son propre serveur publicitaire et verrouille ainsi le marché au détriment de concurrents et éditeurs. Elle oriente artificiellement le trafic de ses propres outils vers sa plateforme. Elle triche donc pour obtenir des commissions de vente.

Une auto préférence abusive qui fausse la concurrence en violation des règles européennes issues de l’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE, en somme, au-delà de la difficulté technique de l’affaire !

Voilà ! Avec une telle sanction, si impressionnante, Bruxelles cible tous les conflits d’intérêts structurels : elle décourage les autres entreprises qui voudraient suivre le modèle Google et exige à cette dernière de proposer des mesures pour y mettre fin.

La sanction n’empêche pas la négociation car l’objectif n’est pas d’empêcher le commerce euro-atlantique !

Oui, mais là, ce que l’on remarque, c’est que la Commission - dans son rôle de pouvoir exécutif - ne se contente plus de simples amendes ! Elle se découvre un appétit pour le démantèlement des géants américains.

Aujourd’hui, on peut dire que l’Europe joue une partie à double front, où se mêlent Etat de droit et équilibres géopolitiques.

Plus précisément, en interne, l’Union consolide son rôle de gendarme du numérique avec des outils antitrust et le Digital Markets Act, et elle crédibilise sa capacité à contrôler des acteurs globaux. Quelle que soit leur nationalité.

D’un point de vue externe, en affrontant la réalité géopolitique d’une Amérique prête à protéger ses champions technologiques comme des actifs stratégiques, Bruxelles affirme son autonomie.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.