L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Comment garantir l'égalité de tous les citoyens européens ? - Elise Bernard

Comment garantir l'égalité de tous les citoyens européens ? - Elise Bernard

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque semaine les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

Alors déjà, les droits constitutionnels européens semblent tous d’accord avec le fait que la puissance publique est, un minimum, encadrée pour éviter l’arbitraire. Cet encadrement est garanti par des contrôles assurés par les cours constitutionnelles ou les juges à l’occasion d’un litige.

Donc devant un juge, un citoyen peut expliquer qu’il n’a pas joui des mêmes droits qu’un autre devant l’administration, au nom du droit à l’égalité.

Exactement, et c’est en cela que l’égal accès à la justice est une traduction capitale du droit fondamental à l’égalité : la personne publique ne peut pas être inattaquable. En pratique, c’est surtout la Cour européenne des DH de Strasbourg qui se charge de ce contrôle là, une fois que le citoyen a épuisé les voies de recours interne.

Mais elle ne peut pas sanctionner en tant que tel, cette Cour européenne des droits de l’Homme?

Les arrêts qui constatent une violation du droit fondamental à l’égalité sont supposés amener les juridictions nationales à interpréter leur droit interne dans le sens indiqué. Mais c’est ce que l’on appelle du soft power, il n’y a pas de sanctions en tant que tel.

La Cour de Justice de l’UE permet un meilleur encadrement de la puissance publique alors ?

Nous semblons être sur cette voie en effet, dans les matières relevant des traités de l’UE bien sûr.

Ah oui ! quand la Commission décide de retenir les aides financières de relance post Covid destinées à la Hongrie pour des raisons de violations de l'État de droit par exemple.

Ça c’est un cas extrêmement intéressant. On se trouve face à une opposition d’interprétation de droits fondamentaux. L’Union estime que l’ordre juridique hongrois ne garantit pas le droit fondamental à l’égalité car il permet trop la corruption. Cette interprétation est argumentée : s’il y a corruption, il n’est pas raisonnable de verser des aides provenant de l’argent public européen.

Le gouvernement Orban n’est pas d’accord avec cette explication et a demandé à la Cour de justice de l’UE de lever cette suspension de paiement. La Cour de Luxembourg donne raison à l’interprétation de l’Union donc le paiement reste suspendu tant que l’Etat membre incriminé ne se conforme pas à cette interprétation de l’Etat de droit.

La lutte effective de la corruption c’est donc une traduction du droit fondamental à l’égalité alors ?

Tout à fait, si la puissance publique reconnaît des faveurs à l’un ou à l’autre pour des raisons qu’elle ne peut expliquer par le biais de la loi, c’est une rupture du principe d’égalité. Donc, l’Union avant de verser ses subventions veut s’assurer que la législation encadre les pouvoirs publics pour éviter ces ruptures d’égalité. Ici, dans le domaine particulier de la corruption.

Entretien réalisé par Cécile Dauguet

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