À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit ce sont des mécanismes de prise de décision démocratiques et représentatifs, mais à l’heure d’envisager un nouvel élargissement de l’UE à l’Est, comment garantir ces qualités?
Pour garantir démocratie et représentativité dans l’UE de demain, il apparaît nécessaire de réformer les traités actuellement en vigueur.
Oui si on veut une UE à 30 en 2030, il faut à la fois élargir et approfondir surtout si on veut intégrer un grand Etat comme l’Ukraine.
En effet, sa seule adhésion entraînerait de nombreux bouleversements : elle deviendrait le 5e pays le plus peuplé et la population européenne augmenterait de 10%. La superficie de l’UE augmenterait de 14%.
Qu’est ce que cela changerait au niveau des institutions?
Si les traités restent en l’état, l’Ukraine pourrait prétendre à 50 eurodéputés au Parlement.
Et on compterait de 30 commissaires européens alors.
L’augmentation du nombre de commissaires est un vieux sujet. En 2001, le Traité de Nice était censé préparer l’UE à l’élargissement de 2004 à dix nouveaux membres - 8 d’Europe centrale et orientale et 2 Méditerranéens. Mais les Etats membres ne se sont jamais montrés prêts à renoncer à un commissaire européen.
C’est pour réfléchir à cela que les ministères français et allemands des affaires européennes ont réuni un groupe d’experts indépendants qui a rendu un rapport au mois de septembre 2023 ?
Entre autres oui. Plus que jamais, une "zone grise" entre la Russie et l'UE n'est plus possible. Si l’UE veut que ces pays de la zone fassent partie du bloc occidental il faut les intégrer, pour ne pas risquer que d’autres pays viennent étendre leur influence.
Il faut que ces nouveaux Etats soient correctement et démocratiquement représentés.
Exactement c’est la 1e difficulté de cet élargissement envisagé. C’est pour cela que l’on parle dans le rapport d’une réduction du nombre de députés européens et de Commissaires.
Ca va être difficile à faire admettre aux Etats membres actuels !
Oui! Plus envisageable, ce serait de limiter le nombre de décisions prises à l’unanimité. Le défi majeur, à mon avis, c’est de convaincre les citoyens de l'Union que les Etats candidats ont leur place au sein de l’UE. Élargir sans démocratiser et assurer la représentativité - coté citoyens actuels et candidats - reviendrait à remettre le feu sous la bouilloire antieuropéenne. Retirer quelque chose – des budgets, un commissaire, des prérogatives - c’est le genre d’argument qui peut nous amener à des refus similaires à ce qu’on a connu avec les référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas et de 2016 sur le Brexit.