L'état de l'État de droit - Elise Bernard

La libre circulation en question

© Harmen Jelle van Mourik sur Unsplash La libre circulation en question
© Harmen Jelle van Mourik sur Unsplash

Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, Élise Bernard décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L’Etat de droit c’est le droit à la sûreté, on en a déjà parlé mais est-ce qu’il peut vraiment être mis à mal par la liberté de circulation en Europe?

Alors, Laurence, avec le retour de la menace terroriste au premier plan des préoccupations de sécurité, les questions de respect des libertés et d’encadrement de la lutte contre les radicalisations reviennent au centre des préoccupations.

Oui les récentes attaques à Arras et à Bruxelles ont remis au centre des débats la question de l’espace Schengen et des frontières de l’UE.

Oui encore l’attaque de Bruxelles particulièrement, durant laquelle deux citoyens suédois ont été abattus simplement pour leur nationalité. cela a précipité les annonces de rétablissement des contrôles aux frontières, notamment de la part du Premier ministre suédois, Ulf Kristersson.

Il faut bien dire ou faire quelque chose dans le sens du droit à la sûreté des citoyens!

En effet, le droit à la sûreté, très basiquement, c’est le droit de ne pas se faire tuer par le premier qui estimerait cet assassinat légitime. Le risque de mort crée un climat d’angoisse intense. Alors sous la pression d’opinions publiques inquiètes, les gouvernements européens ont annoncé qu’ils allaient resserrer leurs frontières et intensifier les expulsions des individus n’ayant pas obtenu l’asile en Europe.

Même au Parlement européen, les discussions sur la réforme de Schengen laissent entrevoir que les acquis de la libre circulation semblent plus que jamais menacés.

Oui, pour l’instant donc, la question du passage des frontières semble être le seul problème. Donc les seules réponses imaginées tiennent aux frontières extérieures de l’UE, comme si inlassablement, on cherchait à les rendre totalement hermétiques. Et certains comme l’Italie envisagent le contrôle systématique aux frontières. Mais à aucun moment il n’est question des faux visas, ou des visas obtenus par corruption comme on a pu voir en Pologne.

Oui c’est assez curieux cette obsession pour les délimitations frontalières de nos représentants, alors que l’on sait qu’il y a tant à faire pour lutter contre le phénomène de radicalisation.

C’est ce que l’on se demande après l’attentat d’Arras. Beaucoup ne parlent que de l’irrégularité du statut de la famille de l’auteur des crimes, originaire d’Ingouchie, elle n’avait pas obtenu l’asile en France. Ce qui est inquiétant, c’est que la mère et la sœur de Mohammed Mogouchkov craignent maintenant des représailles de la communauté pour avoir coopéré avec la justice.

Régularisé ou non, un radicalisé reste un radicalisé.

Exactement, ce radicalisé est opposé à l’Etat de droit. Réduire l’exigence de l’Etat de droit, c’est quelque part lui donner raison, je trouve.