Europe Puissance

Rapport annuel : où en sont les pays souhaitant intégrer l'UE ?

Photo de Guillaume Périgois sur Unsplash Rapport annuel : où en sont les pays souhaitant intégrer l'UE ?
Photo de Guillaume Périgois sur Unsplash

Toutes les deux semaines, retrouvez Romain Le Quiniou sur Euradio avec sa chronique Europe Puissance, qui parle des faiblesses européennes sans tabou pour mieux imaginer l’Europe stratégique de demain.

Aujourd’hui, dans Europe Puissance, on parle de l’Elargissement de l’Union européenne. La Commission a publié son rapport annuel sur l’avancement des pays candidats. Où en est-on ? Et vers quelle Europe allons-nous ?

En effet, la Commission européenne vient de publier ce qu’on appelle le Paquet Élargissement 2025.

Chaque année, Bruxelles évalue les progrès des pays qui souhaitent rejoindre l’Union. On parle ainsi des pays des Balkans occidentaux: Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro et Serbie, mais aussi des pays d’Europe orientale: Géorgie, Moldavie et Ukraine. Sans oublier la Turquie.

Ce rapport ne dit pas seulement où en sont les négociations, il fixe aussi un rythme, une direction et une ambition politique aux côtés de recommandations précises.

Cette année, le message est clair : Oui, l’élargissement continue d’être une priorité stratégique de l’Union européenne.

L’Albanie et le Monténégro sont cités comme “frontrunners”, bien avancés dans les réformes et avec l’ambition de rejoindre l’Union d’ici à 2028.

L’Ukraine et la Moldavie progressent vite malgré la guerre et les pressions russes. On parle d’une possible adhésion à l’horizon 2030.

A l’inverse, la Serbie marque visiblement le pas avec des manquements démocratiques, en particulier sur l’État de droit, tandis que la Géorgie, capturée par la clique d’Ivanishvili semble aujourd’hui plus loin que jamais de l’UE. Pour les autres pays, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord ou encore la Turquie on peut dire que la situation stagne, malgré des états d’avancement tout à fait différents.

Donc c’est une sorte de bulletin scolaire de l’élargissement ?

Exactement, mais un bulletin qui engage l’avenir politique du continent, des candidats mais aussi des États membres.

Pendant longtemps, l’élargissement avait ralenti. Certains diront que le processus était même au point mort. L’UE, et en particulier certains de ses États membres historiques, doutaient de la capacité collective à absorber de nouveaux membres.

Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a tout changé.

Elle a rappelé que l’élargissement n’est pas seulement une question administrative ou technocratique : C’est un choix géopolitique, un choix de puissance.

Accueillir de nouveaux États, c’est :

  • Empêcher Moscou ou Pékin de constituer des zones d’influence et de destabilisation,
  • Consolider la sécurité des pays frontaliers et favoriser l’intégration économique,
  • Renforcer le poids stratégique de l’Europe.

Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, l’a dit très clairement : “Si l’Europe veut peser sur la scène mondiale, elle doit être plus grande.”

Mais l’Europe est-elle prête, elle, à accueillir ces nouveaux membres ?

C’est là tout le défi.

L’élargissement ne peut pas se faire sans réforme interne. Pour avancer, trois chantiers sont devant nous :

Premier chantier : l’État de droit. Sans institutions indépendantes et fonctionnelles, pas d’entrée dans l’UE. C’est le message envoyé à la Serbie notamment. Mais comment obtenir ces garanties alors qu’elles ne sont pas nécessairement respectées au sein de l’UE comme on le voit avec la Hongrie ?

Deuxième chantier : le fonctionnement de l’Europe elle-même. Si l’UE passe à 33 ou 35 membres, il faudra changer les règles : terminer avec le droit de veto, accélérer les décisions en politique étrangère, clarifier les budgets. Jusqu’où la transformation interne peut aller alors que les divisions demeurent entre les États membres.

Troisième chantier : parler aux citoyens. Car l’élargissement n’avancera pas si les Européens ont l’impression qu’on “impose” des nouveaux membres sans débat démocratique. La question de la communication stratégique est centrale à un moment où une nouvelle vague populiste déferle sur l’Europe.

Et la France dans tout cela ? Est-ce qu’il y a un soutien pour l’élargissement chez nous ?

Excellente question !

La France longtemps négative à propos de l’élargissement de l’UE est désormais un soutien affirmé et vocal de celui-ci. Le Président Macron l’a dit avec force lors de son fameux discours de Bratislava en 2023.

Là encore ce changement s’explique par les développements géopolitiques en Europe.

Mais cela ne peut masquer certaines réalités. L’élargissement de l’UE n’est soutenu que par 35 à 40% de la population française tandis que la plupart des forces politiques françaises y sont ouvertement opposées.

Il y a donc un travail important à réaliser en France afin que Paris ne soit pas en dernière ligne pour bloquer ce processus.

Désormais, la question à Paris comme ailleurs en Europe est:

Avons-nous la volonté politique d’aller au bout de l’ambition ?

Pour répondre à celle-ci il faut déjà faire en sorte que les citoyens de l’Union européenne soient convaincus que l’Europe de demain se joue aussi à Kyiv, Tirana, Skopje ou Chişinău.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.