Chaque semaine, retrouvez Les histoires d'Europe de Quentin Dickinson sur Euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, votre Histoire d’Europe nous emmène dans la Verte Érin…
L’élection, vendredi dernier, du nouveau chef d’État de la République d’Irlande, est passée largement inaperçue dans les autres pays de l’Union européenne. Pourtant, à 63 % des voix exprimées, le triomphe de Mme Catherine CONNOLLY, 68 ans, jusque-là députée indépendante et antisystème à la chambre basse du Parlement, le Dáil Éireann, mérite tout-de-même un rapide coup de projecteur.
Soutenue par les partis de gauche, pour une fois unis, elle aura vaincu sans difficulté sa concurrente, présentée par le Fine Gael, l’un des deux partis de la coalition au pouvoir à DUBLIN depuis le début de cette année. Quant au candidat déclaré de l’autre parti de la coalition, le Fianna Fáil du Premier ministre Micheál MARTIN, il a choisi de renoncer au vu de sondages désastreux pour lui.
Un succès électoral sans précédent, donc, dans l’histoire du pays…
En effet, et, dès le 11 novembre, Mme CONNOLLY sera investie dixième Présidente d’Irlande – ou Uachtarán na hÉireann en langue irlandaise, première langue officielle selon la Constitution, devant la langue anglaise. Son mandat est de sept ans, renouvelable une seule fois. Comme ses prédécesseurs, elle siégera au sein du Groupe d’Arraiolos, la très peu publique confrérie des douze présidents non-exécutifs de pays de l’Union européenne.
Un détail : pour être candidat aux fonctions de Président d’Irlande, il faut avoir atteint l’âge de trente-cinq ans ou avoir trente-cinq ans révolus, selon si l’on consulte la version anglaise ou la version irlandaise de la Constitution. C’est celle-ci qui est déterminante. Une curiosité : tenu en 2015, un référendum avait fortement rejeté la proposition du gouvernement d’abaisser l’âge à vingt-et-un ans.
Les fonctions qu’occupera Mme CONNOLLY sont cependant bien plus vastes que celles, surtout protocolaires, de ses onze camarades : elle représentera l’Irlande à l’international et sera le commandant-en-chef des Forces de Défense de son pays.
Mais ce n’est pas tout.
A quoi faites-vous allusion ?...
Un Président d’Irlande nomme et révoque le gouvernement, les magistrats, et les hauts-fonctionnaires responsable des Finances et de la Justice. Il convoque et dissout la Chambre basse du Parlement. Il appose sa signature sur tout acte législatif. Le ministre des Affaires étrangères signe les traités internationaux au nom du Président. Celui-ci dispose d’un droit de grâce individuel, utilisé avec parcimonie dans des cas d’erreurs judiciaires avérées.
L’ensemble de ces pouvoirs est exercé en tandem avec le gouvernement ou avec le Parlement, selon le choix que dicte la Constitution ou la situation politique du moment.
Catherine CONNOLLY n’est pas la première femme à présider l’Irlande, Quentin Dickinson…
Vous avez raison : deux des neuf prédécesseurs de Mme CONNOLLY étaient des femmes, qui, toutes deux, ont remodelé durablement la fonction. D’abord Mary ROBINSON, qui s’est démenée à dépolitiser la fonction présidentielle, à élargir son rôle à l’étranger, notamment auprès de la très importante diaspora irlandaise. Quant à la juriste Mary McALEESE, elle aura activé la transformation du système judiciaire, devenu dépassé et inopérant au cours de la Guerre civile irlandaise de 1968 à 1998, qui avait marqué son enfance en Irlande du Nord.
Enfin, un rappel historique : les fonctions de Président de la République d’Irlande ont failli ne jamais exister. Au début du XXe siècle, il avait été question de recréer un Royaume d’Irlande, indépendant du Royaume-Uni. Dans un souci de synthèse, les fonctions un rien surréalistes de Prince-président de la République d’Irlande (peut-être inspirées de la carrière du futur Napoléon III) avaient été envisagées ; elles avaient même été proposées au descendant d’une très ancienne famille irlandaise ; mais Donough O’BRIEN, XVIe Baron INCHIQUIN, descendant en ligne directe de Brian BORU, Haut-Roi d’Irlande au XIe siècle, aura poliment décliné cet honneur.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.