Elise Bernard, Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit européen est devenu un élément essentiel de l’intégration européenne et la Commission européenne communique de plus en plus sur sa vision exigeante à ce sujet. C’est l’objectif du Rapport annuel consacré à l‘État de droit dans les États membres de l’UE.
Oui Laurence, depuis 2020, la Commission européenne publie, tous les ans, un rapport, dont l’objectif est d’évaluer les procédures d’adoption des textes, la sécurité juridique, les cas d’arbitraire, l’indépendance des juridictions et l’effectivité du contrôle juridictionnel, ce qui inclut le respect des droits fondamentaux.
Cette 5e édition de 2024, sortie cet été, se présente, dans sa globalité, plutôt positive.
En effet, l’importance du soin à apporter à la vision européenne de l’Etat de droit prend de l’ampleur. La Commission souligne que d’importantes réformes ont été menées en matière de nomination et indépendance des magistrats et parquets et de l’accès à la justice.
La presse européenne relaie ces conclusions dont on peut se réjouir : l’Etat de droit européen maximise l’accès du citoyen à la justice en particulier.
Voilà, des mesures ont été prises pour garantir l’accès du justiciable à un avocat et à l’aide juridictionnelle dans plusieurs pays de l’Union dont le Luxembourg, la République tchèque et l’Espagne. C’est acté pour ces 3, et c’est en cours en Irlande, en Lituanie, en Slovaquie, au Danemark, et en Finlande.
On généralise en Europe les aides financières pour que les citoyens les plus modestes puissent avoir recours à un avocat au moment d’agir ou de se défendre.
Oui, cela existe depuis longtemps en France et cela se généralise en Europe. On a donc un modèle exigeant d’inspiration française qui se diffuse dans toute l’Union. C’est positif et c’est à relever!
On relève aussi que la Pologne, qui a beaucoup préoccupé ces dernières années, marque les conclusions du rapport par les efforts fournis par le gouvernement de Donald Tusk..
C’est vrai que depuis la fin de l’année 2023 la Pologne se présente en acteur européen de 1e plan et en interne aussi. En particulier, les réformes de son Tribunal constitutionnel, l’application des décisions rendues par la CJUE et la Cour européenne des droits de l’homme, semblent satisfaire la Commission européenne.
La page PiS - le parti droit et justice qui s’opposait systématiquement à la Commission - et sa vision peu européenne de la gouvernance est donc tournée!
On peut le dire puisque ce parti voit ses subventions drastiquement réduites, du fait d’une utilisation abusive de fonds publics lors de la campagne des législatives de 2023. Il reste cependant encore beaucoup à faire, en particulier en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie qui pousse Varsovie à prendre des décisions très discutables à l’égard des migrants en provenance de sa frontière extérieure de l’UE.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron