Les sols, merveilles invisibles

Une directive européenne sur la protection des sols enfin votée !

Photo de Mahesh Reddy sur Unsplash Une directive européenne sur la protection des sols enfin votée !
Photo de Mahesh Reddy sur Unsplash

Dans ces chroniques, euradio vous propose de creuser et d'observer tout ce que les sols ont à nous offrir. Avec Tiphaine Chevallier, chercheuse à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD).

Aujourd’hui nous célébrons un vote, le vote de la directive cadre européenne sur la protection des sols.

Oui nous célébrons le vote du 23 octobre 2025 au parlement européen de la directive sur la surveillance et la résilience des sols. Nous en avions déjà parlé il y a deux ans… nous avions parlé de la proposition. Mais aujourd’hui ça y est le parlement l’a enfin votée. 341 voix sur 571 votants, c’est fait.

Enfin ! car je crois me souvenir que ce fut une longue histoire.

Oui car après la directive cadre sur l’eau en octobre 2000, celle sur l’air en 2008 et révisée en 2024, nous manquions de celle sur les sols. Au cours de ma carrière, j’en ai toujours entendu parler, au futur ! Mais aujourd’hui, la voici la voilà, elle est bien votée. Elle devrait être promulguée dans les jours qui viennent, puis transposée par les états membres dans leur droit national dans les 3 années qui viennent.

Pourquoi ce fut si long, vous pouvez nous rappeler rapidement l’historique ?

La protection des sols est une question difficile car elle touche à la propriété. Le sol n’est pas un bien commun comme un autre, car des propriétaires en possède des parts. Mais revenons à l’histoire en accéléré : Dès 2002, les instances européennes commencent à discuter de protection des sols. En 2003 une charte européenne des sols voit le jour et reconnait la valeur écologique des sols. 2006, une stratégie thématique sur la protection des sols est mise en place. 2007 des discussions positives sur cette idée de protection des sols ouvre la voie d’une législation européenne. Mais patatras, en 2008 l’idée est finalement rejetée ou non soutenue par quelques pays la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Grande Bretagne et l’Autriche.

Quels étaient leurs arguments ?

Trop lourd à mettre en place, trop couteux. Donner des contraintes aux propriétaires terriens semblaient insurmontables. Après une longue pause, nous sommes en 2021, une Nouvelle stratégie européenne sur les sols se dessine. Les chiffres de 60 à 70% de sols européens dégradés circulent, on s’affole enfin. Les sols sont perçus comme une ressource non renouvelable ou en tout cas difficilement renouvables à l’échelle de temps d’une vie humaine. Certes ils font partie de patrimoine privé. Mais à l’interface entre l’eau, l’air, la biomasse, support de la biodiversité et au cœur de nos systèmes alimentaires, il devenait difficile de parler transition écologique sans les voir. Ainsi, en 2023 une directive cadre sur les sols est proposée, et accueillie favorablement. C’est au cours de la même année qu’est lancée la mission « Sol » de l’Europe dont on a parlé ensemble la semaine dernière.

Alors cette législation va empêcher les propriétaires terriens, leur donner des contraintes ? Lesquelles ?

Vous voulez aller beaucoup trop vite Laurence. Non non, pas question de refaire les mêmes erreurs qu’en 2007. Il y a eu une prise de conscience de la richesse des sols, de leur importance dans les paysages, dans le maintien d’une riche biodiversité, dans nos systèmes alimentaires bien sûr, dans la régulation de la qualité de l’air, des eaux, bref dans nos vies. Mais tout de même, si on veut pouvoir avancer, il faut un cadre peu contraignant. Le pari a été de commencer par la connaissance des sols. La législation propose de surveiller les sols, d’éviter de les artificialiser et de recenser les sols pollués en évaluant le risque lié à ces pollutions, sans objectifs contraignants.

D’où le nom de la directive qui n’est pas sur la protection mais sur la surveillance et la résilience des sols.

C’est ça. La surveillance est mise en avant plus que la protection en elle-même. C’est donc le suivi harmonisé de leurs propriété biologiques et physico chimiques dont je vous parlais la dernière fois. Le suivi et la transparence des données sol sont au cœur de la directive. Ce n’est pas très contraignant, mais la sensibilisation aux problèmes de dégradation des sols sera, c’est le pari, efficace. Dans le texte de la directive, de nombreuses phrases au conditionnel abordent le soutien des gestionnaires des sols et propriétaires fonciers pour améliorer la santé des sols et la résilience de leurs sols. Ce soutien pourrait être des informations et conseils sur les pratiques, qui améliorent la santé et la résilience des sols, et leur financement.

C’est un début qui se veut pédagogique !

Exactement, un début pédagogique. En soutenant de plus la recherche et l’innovation sur la protection des sols avec la mission sol, je fais le pari optimiste que cette directive européenne sur les sols va être révisée dans quelques années, pour ajouter un peu de protection active. J’espère vous retrouver dans 10 ans pour en discuter ?

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.